Près d’une année après la chute de l’empire Bouteflika, les révélations sur le fonctionnement de son système de pouvoir et de gouvernance incongru se succèdent et se ressemblent. Sous la pression d’un Hirak tenace et assidu, qu’il s’agisse de corruption, d’affairisme ou de simples échange de bons procédés entre copains du business, les langues se délient progressivement, et l’omerta cède la place à des règlements de compte tout azimut, par relais interposés.
Ne dérogeant pas à cette nouvelle pratique et dans un entretien paru ce dimanche dans les colonnes du soir d’Algérie, Alexnadre Ahmed Djouhri alias Alex, sulfureux homme d’affaires proche des cercles de pouvoir de la droite française, et intermédiaire privilégié des hommes politiques français et algériens durant le règne d’Abdelaziz Bouteflika, a fait quelques déclarations fracassantes sur les relations qu’entretenaient les acteurs du système politique algérien avec leurs homologues de Paris.
Remis entre les mains de la justice française par les britanniques qui le détenaient depuis janvier dernier, celui qu’on appelle l’héritier de Jacques Foccart, est rattrapé par l’affaire dite du « financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy » dans laquelle son nom est associé à ceux d’autres illustres « apporteurs d’affaires » comme le franco-libanais Zied Takieddine.
Réputé pour son respect da loi du silence qu’il a érigée en règle d’or, ce proche d’anciens locataires de l’Elysée et de Matignon, s’est permis quelques confidences de cour. Il affirme que les deux anciens chefs de l’exécutif français, François Hollande et Manuel Valls, « faisaient en sous-main la pluie et le beau temps en Algérie ». Ayant toujours eu ses entrées à Alger, M. Djouhri considère que » le système Bouteflika n’était pas tissé en réseau mais plutôt bâti en forteresse. »
Dans le volet des affaires qu’il connaît si bien, Alexandre Djouhri révèle qu’il aurait accompagné Ali Haddad dans « un voyage d’affaires » en Afrique. » J’ai accompagné Ali Haddad à Djibouti en vue de construire un pipe, de Djibouti à Addis-Abeba. Il n’était pas en mesure de réaliser de réaliser ce projet car son usine de pipes n’était pas en capacité de production. Il s’agissait d’aider une connaissance algérienne à intervenir sur un marché prometteur africain… «
Mais lorsqu’il est interrogé sur ses relation avec le « réseau » de pouvoir du président déchu, l’homme de l’ombre de la droite chiraquienne répond de manière laconique : » Quel réseau ? Moi je venais ici pour me reposer et réfléchir. » Une version des faits contredite par livre-enquête du journaliste français Marc Endeweld (Le grand manipulateur, Stock, 2019) paru en avril 2019 dans lequel il retrace l’ascension d’Emmanuel Macron à la plus haute marche du pouvoir.
Dans cet ouvrage, l’auteur explique quels ont été les réseaux nationaux et internationaux, notamment algériens, qui ont aidé à propulser le jeune président au dessus de la mêlée électorale, un soir de mai 2017. On y apprend entre autres comment le natif de Saint-Denis, aidé par un autre Alex, en l’occurrence Benalla, aurait réactivé ses contacts à Alger, afin d’aider le futur président à alimenter les comptes de son parti « En Marche » lors campagne présidentielle par certains hommes d’affaires gravitant autour du clan présidentiel. Et un nom revient en boucle, celui d’Ali Haddad, qui à ce titre, aurait rencontré Emmanuel Macron en 2017 lors de sa visite en Algérie.
Connu pour sa grande habileté à tisser des liens entre les dirigeants français et leurs homologues d’ailleurs, ce « facilitateur d’affaires »conclut son « plaidoyer » par une déclaration troublante, lorsqu’il est interrogé sur son retour en Algérie : « L’élection de Abdelmadjid Tebboune est une très bonne nouvelle. Elle me va parfaitement. C’est un homme d’expérience qu’il faut laisser travailler. Et même soutenir. C’est un homme de paix, expérimenté. » Et d’ajouter : « Je le soutiens et le soutiendrai. » Pour rappel, Alexandre Djouhri est poursuivi pour « corruption active », « faux et usage de faux » et « complicité et recel de détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public ».
Kheireddine BATACHE