Alexandre Kateb, économiste et essayiste spécialiste des pays émergents a participé ce samedi à Alger à la rencontre organisée par JISR-France-Djazaïr autour du thème « Révolution numérique : innover, entreprendre, valoriser et partager ». Nous l’avons rencontré à l’issue de sa conférence sur la place de l’innovation dans l’économe algérienne.
Vous avez axé votre contribution sur la place de l’innovation dans l’économe algérienne, pouvez-vous nous dresser un état des lieux sur cette question ?
L’Algérie est à la traîne dans les classements internationaux relatifs à l’innovation et à la compétitivité en matière technologique. Le pays est même en deçà de son potentiel en matière d’innovation. Cette situation est due à plusieurs raisons. Il y a d’abord la structure déséquilibrée de l’économie algérienne qui résulte de la dépendance vis-à-vis de la rente des hydrocarbures et de la désindustrialisation précoce qui s’est produite dans les années 1980 et 1990 sur fonds d’ajustement structurel.
Ensuite, cela est dû à une gouvernance publique embryonnaire inefficace en matière de pilotage de la recherche et développement et innovation même s’il y a eu un effort au cours de la dernière décennie pour rationaliser le dispositif de soutien public à la recherche. Néanmoins, ce dernier reste dispersé et déconnecté de la sphère productive. Enfin, cela est dû à la faiblesse des incitations à la production et l’absorption d’innovation par les entreprises à la fois publiques et privées et par une faible valorisation économique de la recherche.
Quelles sont les pistes à étudier pour améliorer la situation, y compris en ce qui concerne le partenariat international ?
Je dirais que cela passe par une refondation de la gouvernance publique en matière de soutien à l’innovation en mettant l’accent sur la finalité économique de la recherche et en identifiant les priorités sur lesquelles il faut concentrer les moyens et les financements publics. D’autre part, en favorisant la constitution d’écosystèmes d’innovation public-privé associant notamment les grandes entreprises nationales en tant que donneurs d’ordre et les PME et starts-up innovantes dans le cadre de grappes d’innovation. Enfin, il faut résoudre la question du financement des entreprises innovantes à travers le développement des fonds d’amorçage soutenus par l’Etat à travers le FNI et d’autres dispositifs et encourager les partenariats internationaux en relaxant la règle 49/51 dans les secteurs à forte contenu technologique. Je pense qu’il fait en particulier encourager les membres de la diaspora algérienne à investir dans ces secteurs en leur offrant un cadre privilégié à l’image de ce qui a été fait en !inde avec la diaspora indienne.
Passer d’une économie de la rente à une économie de la connaissance nécessite un changement dans plusieurs domaines, quelle devrait être l’approche du pays dans ce sens pour créer un nouveau mode de production ?
C’est une question complexe. Cela nécessite de changer de modèle économique ainsi que cela avait été amorcé à travers les recommandations de la task force constituée par l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Plus fondamentalement, je crois que cela passe par une véritable refondation qui doit réexaminer et remettre à plat un certain nombre de postulats sur lesquels repose l’économie algérienne depuis l’indépendance. Premièrement, le rapport à la justice sociale et à l’égalité à travers ne refondation du système des subventions et des transferts sociaux. Deuxièmement, le rapport à l’autorité publique à travers une remise à plat des relations entre l’Etat et les entreprises. Troisièmement, le rapport à la souveraineté nationale en intégrant des critères de performance en matière de gestion économique.