L’accord de prêt conclu récemment avec la Banque africaine de développement est la preuve que la démarche de l’exécutif est désormais dictée uniquement par le « pragmatisme », estime Alexandre Kateb, membre de la « task force » chargée par le Premier ministre d’élaborer un « modèle de croissance alternatif ».
Interrogé lors de son passage hier sur les ondes de Radio M., sur la trajectoire budgétaire définie pour la période 2016-2019, Alexandre Kateb, qui a été associé à son élaboration, considère que « c’est une projection » et que « l’important est de fixer un cap » car « on pourra toujours réaliser des ajustements chemin faisant ». « C’est la première fois, ajoute-t-il, qu’une telle démarche est mise en œuvre en Algérie et il s’agit d’une avancée importante ». Pour lui, ce cadre budgétaire pluriannuel doit être, cependant, encore « raffiné et étendu pour parvenir à une plus grande transparence et une connaissance plus précise du contenu et de la destination des dépenses notamment ».
Membre de la « task force » réunie par le Premier ministre pour élaborer le nouveau modèle économique de croissance, il estime que l’ « inflation des budgets d’équipement au cours des dernières années a été une source de gaspillage ». Il ne cache pas que le processus de réduction des dépenses d’équipement de l’Etat engagé en 2016 et qui doit s’approfondir en 2017 aura certainement des « impacts négatifs, qui seront surtout enregistrés par le secteur du BTP ». Des « mesures d’accompagnement », explique-t-il, sont nécessaires dans ce domaine pour aider les entreprises du secteur notamment « à travers des rééchelonnement de dettes ».
« Les exonérations fiscales coûtent un trillion de dinars au budget de l’Etat »
Au chapitre des recettes fiscales, Alexandre Kateb insiste sur l’ « élargissement de la base fiscale plus que sur l’augmentation des taux d’imposition ». Pour lui, les principaux gisements fiscaux au cours des prochaines années se trouvent dans le « rabotage progressif des niches fiscales » qui coûtent, à travers les différents systèmes d’exonération, près d’ « un trillion de dinars au budget de l’Etat ». Il juge, par ailleurs, « réaliste » et « en ligne avec les prévisions des institutions financières internationales et des organismes spécialisés » le niveau de 50 dollars le baril prévu pour le prix de marché du pétrole qui a servi de base à l’élaboration du projet de budget de l’Etat pour l’année 2017.
Pas de réductions des subventions sans système compensatoire
Pour Alexandre Kateb, les ajustements réalisés sur les prix de l’énergie et des carburants, inaugurés par la loi de finances 2016 sont encore modestes. Ils le resteront à travers le projet de loi de finances pour 2017 qui ne devrait d’ailleurs comporter que des augmentations des prix des carburants. L’important selon lui est que ces ajustements traduisent « une volonté de rationalisation ».Il se dit personnellement favorable à une « démarche plus volontariste », qui devrait englober les tarifs de l’électricité « si on veut être en mesure de financer les importants investissements prévus au cours des prochaines années dans ce domaine ».
Il n’y aura, cependant, pas de réduction significative du poids des subventions « tant qu’un système compensatoire reposant sur des transferts monétaires directs et ciblés au profit des plus défavorisés ne sera pas mis en place », ajoute Alexandre Taleb, qui estime que ce nouveau dispositif, actuellement en préparation, permettra de remplacer le système actuel de subventions généralisées, qui est « à la fois coûteux et injuste », par un nouveau dispositif qui « permettra de faire mieux en dépensant moins ».
Une gouvernance trop centralisée et bureaucratique
Au-delà de la trajectoire budgétaire tracée pour les 3 prochaines années, Alexandre Kateb évoque des « réformes de structure » de l’économie algérienne qui devraient, à plus long terme, concerner d’abord une gouvernance actuellement « beaucoup trop centralisée et bureaucratique ». « Nous avons besoin d’une nouvelle gouvernance qui comportera moins d’intrusion des responsables politiques dans la gestion des entreprises y compris celle des entreprises publiques ». Le secteur privé doit devenir « le principal moteur de l’activité économique », affirme-t-il estimant que dans ce domaine, « la volonté politique existe ».
Quand le « pragmatisme » remplace les « tabous »
Le membre de la « task force » du Premier ministre estime, en outre, que les dispositions contenues déjà dans la loi de finances pour 2016, ainsi que le nouveau code des investissements, sont la preuve concrète qu’il n’y a désormais « plus de tabous » pour un exécutif algérien dont la démarche est essentiellement dictée par « un souci de pragmatisme ».
Au chapitre de l’endettement extérieur, par exemple, le récent accord de crédit conclu avec la Banque africaine de développement et portant sur 900 millions d’euros marque « la reprise de la coopération avec les institutions financières multilatérales et s’inscrit en cohérence avec le nouveau modèle économique et dans un processus de recherche de financements internationaux ». Un processus qui « devrait se poursuivre au cours des prochains mois » même si Alexandre Kateb n’en connaît pas l’agenda.
Une entrée de l’Algérie sur les marchés internationaux de capitaux est-elle également envisageable ? Pourquoi pas, répond Alexandre Kateb, qui rappelle que ce serait une première dans notre pays qui n’a jamais utilisé ce canal de financement : « La capacité d’emprunt de l’Algérie est actuellement importante et beaucoup de pays qui n’ont pas notre solvabilité y ont actuellement recours. »
Autre tabou présumé qui semble aujourd’hui avoir été levé : « La règle du 51/49 elle-même a été retirée du Code des investissements et elle ne devrait plus à l’avenir avoir de caractère absolu ». Maintenue pour l’instant dans certains secteurs stratégiques comme les banques publiques, elle ne constitue cependant pas, dans ce domaine, un obstacle à la conclusion future de « partenariats capitalistiques, technologiques ou managériaux ».
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