Voici comment Khaled Aboubaker, journaliste à Maghreb Emergent a vécu la visite du président français Emanuel Macron à Alger.
À 10h, je suis sorti de la rédaction, sise à la Place Audin, pour faire un reportage sur l’ambiance dans laquelle devait se dérouler la visite du président français à Alger-centre. Je me suis rendu à la place Amir Abdelkader pour repérer une position à partir de laquelle je pouvais prendre des photos. Sur place, j’ai constaté que ce n’était pas possible, vu le nombre impressionnant de policiers présents sur place et qui confisquaient systématiquement les téléphones et les appareils photos des passants.
A 10h30, sur le chemin du retour vers la rédaction, en arrivant devant l’entrée de la Fac centrale, un groupe de personnes manifestait contre la visite de Macron. Je me suis approché : « Macron dégage », criaient les manifestants que les policiers tentaient de maitriser.
J’ai continué mon chemin avec un ami « Abdeldjalil » que j’ai rencontré sur place. Au bout de quelques pas, un policier s’approche de nous et nous demande si nous avons pris des photos des manifestants. Je lui ai répondu que non. Mais il a exigé de vérifier mon téléphone et à fini par nous demander d’enter dans un immeuble, à côté. Il a pris le temps d’examiner les portables sans trouver de photos. Ensuite, il m’a demandé ma carte nationale. Je la lui ai remise en ajoutant que j’étais journaliste et en présentant ma carte de presse. 3Je suis en mission », ai-je précisé. Mais cela ne semblait pas changer grand-chose pour lui.
D’autres policiers en civil arrivent. Ils ont, à leur tour, demandé à revérifier nos papiers et nos téléphones. Le ton est monté, et nous avons tenté de sortir de l’immeuble, en leur expliquant que, tout comme eux, nous étions en mission de travail. « Nous avons des ordres et nous devons les exécuter », nous ont-ils répondu en nous empêchant de quitter les lieux. Je leur ai demandé de me rendre le téléphone pour appeler mon directeur pour l’informer de la situation : Encore fois, refus catégorique.
Après environ 15 minutes d’attente, ils nous ont forcés à monter dans un fourgon de détenues (du ministère de la justice). Ils nous ont conduit au commissariat du 6ème(ex-Cavaignac), en compagnie des manifestants qui en voulaient à Macron, neuf personnes en tout.
Au commissariat, après enregistrement des informations nous concernant, les policiers nous ont dit qu’ils ne pouvaient nous libérer sans l’autorisation de leur « chef » qui n’était pas sur place. Minutes après minutes, heure après heures, aucun signe du fameux « Chef ».
J’ai essayé plusieurs fois d’expliquer aux officiers, sur place, que j’en ai rien à voir avec la manifestation à laquelle ils ont rapidement mis fin et que ma détention au commissariat était arbitraire. Personne ne semblait m’écouter et la seule chose à faire était d’attendre le « chef ».
Les heures se suivent et je n’avais aucune possibilité d’informer la rédaction, ni ma famille sur l’endroit où je me trouvais. Ce n’est qu’à 15h30 que le chef tant attendu est arrivé. Lorsque l’opportunité m’était enfin donnée d’expliquer « mon cas » au chef, je me suis aperçu que lui non plus n’était pas réceptif à mes explications.
Plus tard, c’est dans un autre fourgon que nous avons été embarqués, mais cette fois-ci pour passer nous rendre au CHU Mustpha Pacha, pour une visite chez le médecin légiste. C’est la procédure. Une procédure qui nous fera encore perdre 40 minutes. La visite terminée, nous sommes à nouveau emmené au commissariat du 6ème, situé sur l’angle de la rue Capitaine Hassani, dans le »dos » du centre cultuel français..
C’est à ce moment que je me rends compte que mon directeur de rédaction, El Kadi Ihsane était sur place et qu’il avait pu convaincre les policiers de me libérer, en leur expliquant que j’étais en mission.
Emanuel Macron avait terminé sa visite d’Alger-centre depuis longtemps et Aboubaker Khaled avait passé la journée en détention arbitraire.