Le décryptage économique de la semaine par El Kadi Ihsane.
– C’est encore l’été. Restons donc positifs. Le gouvernement prend aussi de bonnes décisions : On va en parler, car cela ne va pas tarder à changer. Trois petits événements cette semaine. Le gouvernement a autorisé le travail des réfugiés étrangers dans le bâtiment, la ministre des PTIC a annoncé le lancement d’un second opérateur téléphonique dans le fixe, et un ministre de la République, celui des Travaux publics, a osé faire des critiques publiques à l’entreprise ETRHB des frères Haddad. Il y a de l’espoir. La première mesure est bien sûr la plus sérieuse. Car la plus facile à mettre en œuvre.
Le regard devait changer sur les réfugiés subsahariens, maliens en priorité mais pas seulement, et ceux qui viennent de Syrie. Ils cessent d’être une «nuisance» pour devenir une opportunité. Ils peuvent contribuer à régler la question insoluble du désajustement de la demande et de l’offre de travail sur le marché à forte pénibilité de la construction. Un segment d’activité victime, comme celui de l’agriculture, d’un effet d’éviction chez les jeunes Algériens depuis la montée en puissance des crédits Ansej et des emplois aidés. Des réfugiés qui ont des revenus en dinars soulagent toute la chaîne de la prise en charge humanitaire, tout en apportant une partie de réponse à une contrainte de marché.
La mise en œuvre de la concurrence sur la téléphonie fixe est une tout autre affaire. Le secteur n’a pas digéré l’échec de l’expérience Lacom lancée en 2005. Le second opérateur de la téléphonie fixe est resté sur le seuil de la porte. Pas d’ouverture de la boucle locale. La solution radio qu’il a adoptée pour rentrer dans le résidentiel s’est vite effondrée. Elle était supposée apporter Internet aussi. Débit ridicule. La vérité est que cette annonce est sans doute une fausse bonne nouvelle. Il y a peu de chance que Zohra Derdouri, ouvertement hostile aux dispositions du projet de loi de son prédécesseur qui ouvrait le secteur à plus de concurrence des acteurs privés, soit la ministre qui fera le saut historique de l’ouverture de la boucle locale aux autres opérateurs hors Algérie Télécom. Sauf si un changement de religion s’est invité — à l’insu de tous — dans la torpeur moite de l’été.
La moins sérieuse des bonnes nouvelles est bien sûr la troisième. Abdelkader Kadi, ministre des Travaux publics depuis cinq mois, affronte l’ETRHB publiquement. Motif : grand retard dans la remise à niveau de la chaussée de l’autoroute Est-Ouest sur le tronçon de Lakhdaria. Les usagers en savent un bout. C’est un chantier de deux ans. Et ce n’est pas le seul. Sur la nouvelle rocade sud d’Alger, «l’ETRHB travaille pour vous». Depuis plus d’un an sur le même tronçon de 5 km. L’idée, en fichier attaché, est qu’Ali Haddad est un patron privé comme les autres. Il peut être rudoyé par un membre du gouvernement s’il sort des clous contractuels de son travail de maître d’œuvre. La vérité est que la moyenne des retards sur ces chantiers est sans doute la plus élevée dans le secteur des travaux publics en Algérie. Et que la tendance s’est clairement aggravée au fur et à mesure de la montée en puissance oligarchique de Ali Haddad. Qui pour financer et rendre publique l’enquête qui confirmera ce pronostic ? Ou l’infirmera ?
– La taxe de sortie du territoire tunisienne fait des vagues : Lorsqu’elle n’avance pas, forcément elle prend le risque de régresser. C’est la règle pour l’intégration maghrébine. La preuve, cette semaine, avec la Tunisie. Il y a un peu plus d’un an, le président Moncef Marzouki proposait le passage frontière avec la seule carte d’identité de pays maghrébin. Alger s’est fâchée. Une mise au défi imprévue sur la feuille de route poussiéreuse du gouvernement à l’ADN de l’ère glaciaire. Les mois ont passé. La crise budgétaire tunisienne s’est creusée. Les mauvais réflexes d’avant la Révolution sont revenus. La constituante du Bardo a voté cet été une taxe de 30 dinars — environ 15 euros — que chaque visiteur étranger doit payer à sa sortie du territoire tunisien. Tous les étrangers ? L’espoir que les «frères » maghrébins allaient être «épargnés» par cette dîme de passage a fait long feu. Les élus sont restés divisés. Mais surtout le gouvernement n’a pas quitté sa calculette des yeux. La taxe perd plus de 80% de son assiette si les Algériens et les Libyens en sont exemptés. 15 euros à la sortie du territoire tunisien pour le père d’une famille de quatre adultes, c’est l’équivalent de 900 000 dinars au tarif du marché noir de la devise. L’équivalent d’une nuitée supplémentaire en Tunisie pour tous. Les élus de la constituante ont fait tout faux. Comme Alger lorsqu’elle n’a pas répondu chiche au passage frontière avec la carte nationale.
– C’est la semaine du lancement de l’iPhone 6 dans le monde : Alger en est exclu, Pas de Apple Store dans la ville. Pas sûr que sa présence aurait amélioré le classement ruineux d’Alger parmi 150 capitales choisies dans le monde. La réunion interministérielle de la semaine dernière non plus. Une stratégie Alger 2029 a été proposée par l’ancien wali Addou, demeuré huit ans à la tête de l’administration locale. La communauté des architectes-urbanistes d’Alger a longtemps fait la moue avant d’admettre que ce plan était bon à prendre.
Larbi Marhoum a expliqué cette semaine sur Radio M ce qu’Alger 2029 apportait de neuf : «Une ligne rouge au-delà de laquelle zéro hectare urbanisable, Alger Métropole l’organisme de droit quasi privé qui développerait la ville aux nouveaux standards, et une démocratisation par le local de la vie de la métropole». Une révolution en fait. Mais qui avait peu de chance de se poursuivre au-delà du départ de l’ex-wali. Faute d’être portée aussi par la société civile algéroise. Dix ans après le séisme de Zemmouri, le statut de la capitale est presque approché comme au premier jour. Alzheimer à l’ère de Bouteflika 4 est en territoire ami.