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Algérie, 5 juillet 1962-2016 : « Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie…. » (contribution)

Par Maghreb Émergent
juillet 5, 2016
Algérie, 5 juillet 1962-2016 : « Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie…. » (contribution)

« Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’hésitation d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Eschyle, le commencement de l’amour, l’herbe sur une pierre, des mères debout sur un filet de flûte et la peur qu’inspire le souvenir aux conquérants… » (Mahmoud Darwiche)

A la Pointe Pescade, raconte une consœur, « j’ai vu une vingtaine de vieux moudjahidine traverser la route sous un soleil de plomb avec un grand drapeau tenu par les bouts comme s’ils étaient les seuls concernés par le jour de l’indépendance ».

Et pourtant, ce n’est pas le cas.

Un peu partout, en Algérie, en solitaire, ou en petits groupes, sur Facebook ou ailleurs, des jeunes algériens se sentent concernés par ce jour, ce grand jour, et le marquent, avec respect.
Avec cependant 53 ans de questions pour l’avenir et quelques certitudes qui résistent au sournois travail du révisionnisme et des révisionnistes…
Comme chaque année, sans attendre aucune Kasma, ni une quelconque autorité, notre voisin Djamel, un jeune, la quarantaine, a mis le drapeau à son balcon. Fier, comme l’Aurès et le Djurdjura.
Ce citoyen modèle qui a changé la cité en bossant, en travaillant, en améliorant le cadre, sans attendre l’APC ou une quelconque autorité, se pose des questions sur l’Algérie d’aujourd’hui, sur ce que les gouvernants en font et où ils la mènent, mais il ne supporte pas ceux qui – et il y en a – parce que les temps présents sont sinistres et magouilleurs, insultent le combat des Algériens pour la liberté.
Djamel a donc remis le drapeau, comme chaque année. Par respect pour « ceux qui nous ont redonné un pays, un grand pays ».
Pour lui et pour beaucoup d’autres, il est absurde de confondre le régime algérien mis en place après l’indépendance avec la révolution, ses hommes, ses combats. Et son mouvement. Surtout son mouvement, sa modernité, son universalité.

Un pays de jeunes immobilisé par des vieux

Ce régime qui atteint son aboutissement dans un fauteuil présidentiel a été – et il est toujours – une entrave majeure à la réalisation des objectifs du mouvement national et de la révolution : l’indépendance et la liberté.
Et beaucoup aujourd’hui constatent que l’indépendance de l’Algérie est justement menacée car les libertés ont été constamment bafouées par un régime qui œuvre à confondre la stabilité avec l’immobilisme.
Et en ce jour d’indépendance, il est difficile de faire mieux en termes d’immobilisme, entre une présidence atone qui communique par des messages lus à la télévision, un premier ministre qui fait des gags sans en avoir l’air et des régressions profondes vers le plus petit, la tribu, le quartier…
Ce pays jeune immobilisé par des vieux incarne, jusqu’à la caricature, les vers de Mahmoud Darwiche : « Que l’idée est sublime, Que la révolution est grande, Que l’Etat est petit ! ». Et il est désormais tellement petit qu’il en devient un danger.
Le mouvement national algérien a arraché la société algérienne à la négation et c’est pour cela que la révolution avait pour but la libération de l’Algérie, ce qui est encore plus ambitieux que la seule indépendance.
Et quand c’est l’Etat indépendant qui verrouille les libertés, il prend le risque majeur de faire perdre le sens de l’espace nation. Ne fermons pas les yeux, les affrontements inter-communautaires de Ghardaïa et toutes les logiques tribales ou houmistes qui se remettent en marche, sont les signaux cliniques de la fermeture de l’espace nation.

Un Etat trop « petit « 

La régression vers le petit et la petitesse s’accompagne d’une destruction de la valeur et des valeurs. L’Etat algérien d’aujourd’hui est trop petit pour incarner cet objectif modeste, humain et ambitieux de la révolution : faire de l’Algérie un pays libre pour des femmes et des hommes libres avec des institutions solides et sérieuses – oui, on a besoin de sérieux – pour défendre les libertés.
Le monde bouge vite. Des nations se sont effondrées, des Etats ont été démembrés, d’autres sont en cours de dislocation. Le régime en tire des mauvais arguments pour justifier l’immobilisme alors que le message d’alerte qu’envoient ces effondrements est qu’une nation, comme un jardin, s’étiole quand elle n’est pas irriguée et entretenue.
Karl Rove, l’ancien chef de cabinet George W. Bush a répondu à une question sur le réalisme de la politique de Bush : « Ce n’est plus de cette manière que le monde marche réellement. Nous sommes un empire à présent, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité ».

« Change par toi-même »

Une phrase lapidaire et arrogante pour dire l’ordre du monde actuel. A laquelle, feu Abdelhamid Mehri a répondu par une formule concise qui s’adresse à nous : « Si tu ne veux pas être changé par les autres, il faut que tu changes par toi-même ».
En ce 5 juillet, on sait ce que les militants de la cause nationale voulaient, leur combat est lisible et évident.
On ne sait pas ce que veulent ceux qui dirigent le pays dans un Etat qui passe, à la grande sidération pour ceux qui ne sont pas amnésiques, à une forme de république du Makhzen où le bigotisme, le régionalisme et le clanisme s’étendent sur fond d’affairisme.
Une nation se forge au cours de l’histoire, c’est une construction humaine, elle peut régresser voire disparaître en raison de l’autisme de ceux qui la dirigent. Le Soudan était une grande géographie, ses dirigeants n’ont pas réussi à en faire une nation.
L’Algérie est désormais la première grande géographie de l’Afrique, elle devrait, en ce 5 juillet, se souvenir que rien n’est donné. Et qu’une nation n’est grande qui si elle arrive à combattre le repli et à se doter d’institutions à la hauteur de l’esprit des révolutionnaires qui voulaient un pays libre pour des hommes libres.

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