L’alignement des astres est presque cataclysmique pour l’économie algérienne. Mais cette semaine hérite aussi de bonnes raisons d’espérer. D’abord le mauvais alignement.
Un prix du prix du baril qui dévisse sous les 40 dollars à cause d’une abondance structurelle de l’offre, un début de remontée du taux directeur aux Etats-Unis qui va renchérir le dollar, une accélération planétaire de la sortie du carbone après la COP21 de Paris. Il est possible, pour noircir un peu plus le tableau astral, d’ajouter les petits astéroïdes menaçants que sont les températures exceptionnellement douces de ce mois de décembre et les retards désastreux des pluies à leur saison de prédilection, l’automne. Devant une telle conjonction maléfique, tout paraît déjà désuet.
La loi de finances pour 2016 et ses premières mesures d’austérité, le projet de code des investissements et ses petites ouvertures, la dévaluation du dinar et ses limites inflationnistes. Tout est, comme la saison des pluies, en retard d’un cycle.
Le gouvernement va devoir se mettre au travail sur une nouvelle copie de loi de finances pour 2016 aussitôt séchée l’encre de la signature de celle qui va arriver sous la main valide du président Bouteflika. Scénario habituel. Mais cette fois, il faudra faire preuve de beaucoup plus d’imagination et de courage pour éviter de solder le compte du FRR au début de 2017 et celui des réserves de change deux ans plus tard. Car c’est bien le chemin que prennent les finances publiques avec un ajustement peu réaliste aux nouvelles données de contre-choc de la fiscalité pétrolière.
Pour conclure cette séquence maléfique d’une cosmologie hostile, la politique des placements publics. Elle aurait dû commencer à donner de ces fruits en 2016, dix ans après le début d’un cycle sans précédent d’excédents de capitaux grâce au pétrole cher. Or, là aussi les engagements «petit bras» de l’Etat algérien ne vont pas venir au secours de la balance des paiements dans ces moments si délicats du retournement de conjoncture. Pas d’actifs achetés à l’international. Le refus de créer un fonds souverain au tournant de 2010-2011 est une «sagesse» qui a un coût. Pas de dividendes qui entrent aujourd’hui en Algérie. Engagements petit bras ? Le FNI est un actionnaire endormi dans des investissements, Axa, Djezzy, Renault Algérie, qui affichent des résultats négatifs en 2014-2015.
Pas pour les mêmes raisons. Phase de maturation pour certains. Mais tout de même. Le portefeuille des actifs aurait été plus utile à la balance devises algériennes en 2016 si, dans la foulée, le FNI, – pas celui-là – mais un vrai fonds avec de vrais managers de fonds, avait ajouté un peu de papier Peugeot (décoté en 2012), des raffineries en perte de marché dans le sud de l’Europe, ou encore un ou deux acteurs du solaire en difficulté en Espagne et en Allemagne.
Les raisons d’espérer maintenant. Elles existent. Elles sont exactement dans la contrainte qu’amène la dépression des finances publiques. Mais aussi dans l’évolution de l’économie mondiale telle qu’elle se dessine. Le gouvernement algérien a mis une année à comprendre que la guerre des prix du pétrole n’était pas un bluff semestriel des Saoudiens.
Le monde va sortir progressivement du carbone. Et les réserves de pétrole et de gaz titanesques qui étaient un atout de marché sont en train de devenir un poids mort dans la perspective d’une économie mondiale climato-contrainte. C’est stratégiquement cette menace d’une demande de pétrole insuffisante au-delà de 2040 qui a décidé les gros producteurs du Khalij derrière l’Arabie Saoudite a en écouler plus. L’Algérie est dans la position inverse. Ses réserves prouvées limitées et sa démographie énergétivore la pousse à aller plus vite plus loin dans un mix énergétique. Et c’est possible. Ce qui a permis à l’Algérie de revenir en force dans les années 2000, c’est la combinaison d’une nouvelle ère pétro-gazière grâce – principalement – aux bassins de Hassi Berkine et de In Salah et l’émergence d’un secteur privé qui soulage le budget de l’Etat d’une partie du poids de la subvention aux entreprises publiques.
Ce mouvement vertueux qui aurait dû faire glisser l’Algérie vers l’émergence économique s’est bloqué depuis 2008-2009. Il est en train de repartir.
Au moins dans la posture du gouvernement. Il a perdu de son insolence de riche factice. Bon départ. Il est prêt à reprendre les privatisations, le financement extérieur des projets, a sollicité la Banque mondiale et sa filiale du privé – SFI – pour retravailler ensemble, envisage d’ouvrir de nouveaux secteurs à l’investissement du privé, approche les prix autrement que comme un levier unique de politique sociale…
Sur le flanc des revenus d’exportations, le renouvelable est clairement le nouveau Hassi Berkine des années prochaines.
Non pas que l’électricité solaire algérienne va se vendre directement dans cinq ans sur le marché européen. Mais elle va libérer dans un premier temps des quantités de gaz naturel pour l’exportation, en étant son premier substitut sur le marché domestique. Là aussi le mouvement va s’inverser d’abord pour s’accélérer dans l’autre sens.
Celui de la part déclinante du carbone dans le modèle de consommation énergétique domestique. La cop21 en sera un des moteurs. Ahmed Djoghlaf, le négociateur algérien en chef, a été classé par le site almanach dz au 15e rang des personnalités algériennes les plus influentes en 2015. Il aurait dû en être le premier.
En acceptant à Paris un engagement pour que l’Algérie réduise ses émissions de gaz à effet de serre de 7% sur les 20 prochaines années, le diplomate algérien – livré un peu à lui-même par le gouvernement – a implicitement signé l’obligation de réduire drastiquement la consommation d’énergie fossile actuelle et d’intégrer les 22 mégawatts d’énergie renouvelables à l’horizon annoncé de 2035. Une bonne nouvelle bien sûr. Car derrière cette contrainte pointe le Hassi Berkine propre des prochaines années.
Le plus grand gisement solaire au monde. Tewfik Hasni, le père de la première centrale solaire hybride algérienne, celle de Hassi R’mel, est revenu cette semaine sur RadioM avec des scénarios de prix qui disent que le point de bascule est tout proche. Un opérateur privé algérien pourrait s’engager à livrer dans les 5 prochaines années à des clients européens de l’électricité solaire à moins de 18 centimes d’euro le kilowatt-heure prix de transport vers le nord non compris.
C’est une offre de départ très compétitive. Il faudra, comme dans l’industrie du gaz naturel, associer les clients dans l’investissement transport vers le marché cible. Tewfik Hasni propose d’introduire l’accès au réseau électrique européen comme point dans la renégociation de l’accord d’association avec l’Union européenne. Le solaire comme gisement et le privé algérien comme acteur. C’est la lumineuse raison d’espérer dans une si sombre semaine.