L’installation, lundi, par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, des membres de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), qui a coïncidé avec la convocation, le même jour, par la justice du directeur de la chaîne de télévision KBC, pour exploitation d’un studio sous scellés, a été accueillie à la fois avec satisfaction et appréhension par la presse ce mardi.
Satisfaction, car «il était temps!» comme le souligne Liberté qui écrit dans son éditorial que «c’est le moins qu’on puisse en dire devant le constat d’anomie qui prévaut actuellement dans le secteur de l’audiovisuel où les impératifs professionnels et éthiques les plus élémentaires sont quotidiennement bafoués».
Mettre de l’ordre à une situation née de la relation ambigüe entre l’audiovisuel et le pouvoir
Le journal relève, cependant, que «cette situation n’est pas tombée du ciel. Elle est, au contraire, la juste conséquence de la relation ambigüe entre l’audiovisuel et un pouvoir qui n’a jamais voulu d’une véritable ouverture des medias lourds». «Faute d’une ouverture réfléchie, planifiée, organisée, on se retrouve aujourd’hui face à quelque chose de monstrueux qui ne doit pas avoir de pareil dans le monde. C’est dire combien la tâche qui incombe à Zouaoui Benhamadi (président de l’ARAV – Ndt) et son équipe est difficile», écrit le journal, car il s’agit de relever «un double défi: faire preuve de poigne pour remettre de l’ordre dans le secteur et agir en toute autonomie et loin de toute interférence politique».
Le libre exercice de l’activité audiovisuelle en question
Le quotidien public Horizon qui consacre lui aussi son éditorial au sujet écrit que «l’Arav aura certainement dans sa mission à prendre des décisions qui ne vont pas plaire à ceux qui évoluent dans l’ombre et nourrissent des ambitions malsaines (…) pour éviter les amalgames et les supputations, force doit rester à la loi».
L’autre journal public, El Moudjahid, qui titre à la une «protéger et sévir», écrit que Sellal a déclaré lors de la cérémonie d’installation que «la diffamation, le chantage, la violence et la fitna seront fermement combattus et sanctionnés, et l’ARAV est là pour protéger les droits des journalistes (…) et veiller au libre exercice de l’activité audiovisuelle, à l’impartialité, à l’objectivité, à la transparence(…)».
Un seul journaliste en exercice parmi la composante de l’ARAV
Ce sont, précisément ces aspects qui suscitent les appréhensions de certains organes de presse, à l’instar d’El Khabar qui, sous le titre «les journalistes minoritaires dans la commission Benhamadi..l’Autorité de dissuasion», relève que «Lotfi Cheriet est le seul journaliste en exercice». «En dépit des tentatives du pouvoir de calquer le modèle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français du point de vue forme, il reste qu’on ne sait pas quels sont les critères qui ont été retenus pour choisir l’équipe, au milieu d’interrogations sur la disposition du pouvoir à respecter l’article 59 de la loi sur l’audiovisuel qui stipule que ‘’les membres de l’Arav sont choisis sur la base de leurs compétences et l’intérêt qu’ils portent à l’activité audiovisuelle’’. Or, sur les 9 membres de l’équipe mise en place, 3 seulement sont spécialisés et disposent d’un background dans le domaine de l’audiovisuel».
Propension du pouvoir à contrôler les programmes des chaînes TV
«Probablement, la commission sera un outil entre les mains du pouvoir pour mettre en œuvre une feuille de route annoncée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans son allocution d’installation de la commission. Les membres indépendants ne tarderont pas à être confrontés à d’énormes pressions, au regard de la propension du pouvoir à contrôler les programmes des chaînes de télévision et à restreindre les espaces et les acquis en matière de liberté d’expression».
Sous le titre à la une «la lourde mission de Zouaoui Benhamadi», Le Soir d’Algérie rappelle «l’aggravation de la situation d’anarchie qui prévaut dans un secteur squatté par une soixantaine de chaînes de télévision échappant à tout contrôle», et que «ce n’est que fin mai dernier que Abdelmalek Sellal annonçait l’intention du pouvoir de se pencher sur ce dossier et de frapper d’une main lourde».
Pour le journal il est «difficile de ne pas faire le lien ,ici, avec l’affaire El Khabar et sa chaîne de télévision KBC, dont le rachat par le groupe Cevital, de Issad Rebrab, se heurte, dès son début, à un veto ferme et unanime de tous les pôles du pouvoir.
L’émission ‘’Hna fi hna’’, motif inavoué da la convocation par la justice du directeur de KBC?
A propos, de la convocation par la justice du directeur de la chaîne KBC et de NessProd, filiale de Cevital, ayant racheté des actions du groupe de presse El Kahbar, Mahdi Benaïssa, pour avoir loué les studios de l’ancienne chaîne Atlas-TV pour le tournage de l’émission très prisée ‘’Ki hna ki nass’’, alors qu’ils étaient sous scellés, El Watan titre à la une «Intimidations contre KBC».
Cette émission satirique «dérange-t-elle? Pourquoi la fermeture du studio abritant cette émission et la convocation par le juge d’instruction des responsables de l’émission? Pourquoi d’autres médias, tels que Numidia News, qui ont loué ce studio pour la même activité n’ont pas été interpellés sous prétexte que ces locaux sont scellés?», s’interroge le journal. Tout en signalant que les avocats de KBC et NessProd «veulent calmer le jeu, de peur que les animateurs de cette émission ne subissent d’autres pressions et des représailles», le journal ajoute que « certaines sources indiquent que les autorités s’en sont prises à cette émission pour sa grande liberté de ton».