La décision d’organiser une session spéciale de rattrapage du bac pour les « retardataires » a pris de court même la ministre de l’Education nationale. Stoïque, son ministère se prépare, les syndicats à un exception près s’indignent de la « catastrophe »
C’est le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune, qui annoncé vendredi dernier devant les parlementaires que sur instruction du président de la République,l’organisation d’une session spéciale du baccalauréat pour les élèves exclus de la dernière session pour cause de retard.
Selon M. Tebboune, »le président de la République a entendu les doléances des parents d’élèves et a ordonné au gouvernement de préparer une session spéciale pour ces retardataires ». Ils seraient »un millier », selon le Premier ministre. La date de cet examen sera fixée par le ministère de l’Education, a-t-il précisé.
Le jour même de l’annonce de cette session spéciale de rattrapage, la ministre de l’Education nationale Nouria Benghabrit affirmait à Blida que »les exclus du baccalauréat n’ont aucun justificatif à présenter, car le protocole établi devait être rigoureusement appliqué. »
Benghabrit désavouée? Le protocole était-il »trop sévère’’ comme le disent certains parents d’élèves qui ont fait état de cas de candidats refoulés des centres d’examen pour une »poignée de minutes » de retard ? La ministre aurait été surprise par la décision du Président, et elle ne l’aurait appris quelques instants avant l’intervention de Tebboune à l’APN.
Au ministère de l’Education nationale, pourtant, on prépare « sereinement » cette session de rattrapage, a indiqué à Maghreb Emergent, le chargé de communication, M. Lamine Cherfaoui. »Le dossier est ouvert, nous y travaillons », a-t-il ajouté, sans pouvoir avancer de date et le nombre des candidats, se contenant seulement d’expliquer que »tout sera communiqué dans une dizaine de jours ».
»Au ministère, on a commencé à travailler sur le dossier au lendemain de la décision de M. Bouteflika, », a ajouté M. Cherfaoui. La grogne, au sein des syndicats enseignants est là, même s’il y a quelques rares positions favorables à une session spéciale de rattrapage pour les »retardataires » du BAC.
Les syndicats indignés
Les jugements sont sévères: pour le secrétaire général du SNAPESTE, c’est une »catastrophe ». Le SG du Satef dénonce une décision, qui »souille le baccalauréat ». Le Conseil des Lycées d’Algérie (CLA) fustige une »honte nationale ».
Idir Achour (CLA) cité par El Watan estime qu’il y a dû y avoir « 2 à 3 fils de hauts gradés ce qui a justifié la prise d’une telle décision. La mesure n’a pas été prise au sein du secteur de l’éducation, mais elle est intervenue sur injonction extérieure. La politique prime toujours de la pédagogie».
Le SG du SNAPESTE Meziane Meriane, lui, s’est interrogé sur sa page Facebook : ‘’Comment expliquer le nombre de retards au baccalauréat dans la wilaya d Alger (782) avec tous les moyens de transport comparativement à l’intérieur du pays ? Il a quantifié le nombre de retardataires à cette session de juin 2017 du BAC à 8.396 candidats dont 5088 candidats libres, et 3308 scolarisés.
Cité par El Watan, il estime que cette décision bafoue les lois de la république, et conclut dès lors que »l’année 2018 verra des lycéens provoquer des retards pour être exclus et ainsi pouvoir exiger une session spéciale. »
Le Cnapest fait figure d’exception et considère qu’il s’agit d’une « décision juste et sage qui vient prendre en charge une situation de crise provoquée par des instructions sur l’exclusion des retardataires prises en 2015 et dénoncées par nous », explique Messaoud Boudiba.
Un précédent en 2016 décidé par…Benghabrit
Pour l’heure, personne ne sait comment va être organisée cette session spéciale de rattrapage organisée au profit des retardataires du BAC.
En 2016, une vaste fraude avait provoqué un scandale, et obligé le gouvernement à organiser une session de rattrapage au profit de 557.000 candidats sur les 818.518 inscrits à cet examen.
La session a porté sur 20 épreuves dont des épreuves communes à certaines filières, dont les filières expérimentales, qui ont été refaites en totalité. Mais, il y a une autre décision passée alors inaperçue : à l’initiative de la ministre de l’Education nationale Nouria Benghabrit, les »retardataires » de la 1ere session, celle entachée de fraude, avaient été également autorisés à refaire les épreuves. ‘
‘C’est une décision de la ministre, qui les a autorisé à refaire les épreuves, sans distinction entre retardataires ou absents’’, avait-on alors indiqué au ministère. Cette fois-ci, en 2017, la décision est venue d’En Haut! Elle consacre un bac très « spécifique » aux retardataires qui n’en finit pas de susciter des persiflages sur les réseaux.