La question de la réforme des subventions a pris une telle ampleur qu’elle constitue désormais la ligne de démarcation entre les partisans des réformes structurelles tant souhaitées et ceux qui militent en faveurs du statu quo. De plus, les enjeux qu’elle recèle sont tels que le clivage pouvoir/opposition n’opère plus puisque, dans les des camps, elle enregistre des soutiens.
En effet, jusqu’à très récemment, la suppression ou, du moins, la réduction des montants alloués aux transferts sociaux passait pour être acquise pour la plupart des observateurs. Réclamée aussi bien par des experts, des patrons que par des responsables politiques, y compris par certains nababs qui ont officié dans les labos du système à l’image de Temmar, de Benachenhou et Benkhalfa, il était attendu que le Gouvernement donne forme à ce consensus dans le cadre de la Loi de Finance 2017. Il n’en est rien. Contre toute attente, le communiqué de la Présidence de la République ayant sanctionné la réunion du Conseil des Ministres sous la présidence de Bouteflika a sonné le glas du statuquo. Belle douche froide aux acteurs et observateurs intéressés par la chose économique. «En dépit des contraintes financières qui entourent l’élaboration du projet de budget pour 2017, celui-ci reflète l’attachement de l’Etat à la justice sociale et à la Solidarité nationale. Ainsi, 1630,8 milliards DA seront alloués aux transferts sociaux, soit 23,7% du budget de l’année. Sur ce montant, on relèvera notamment que 413,5 milliards DA sont destinés au soutien aux familles, essentiellement à travers la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), 330,2 milliards DA au soutien à la santé, et 305 milliards DA aux programmes nationaux de logement», écrit la présidence de la République.
Pourquoi donc Bouteflika et son Gouvernement hésitent à entériner une décision qui bénéficie d’un large consensus dans la sphère politique et économique et à laquelle la population s’est suffisamment bien préparée psychologiquement ? Il n’est pas tirer par les cheveux le populisme du système que de dire que la raison principale de cette réticence à appliquer une politique que plusieurs ministres ont promu dans leurs discours et que nombre de voix, de l’intérieur même du système, réclament, c’est le fait que le situation actuelle soit dominée par des considérations électorales. Le chef de l’Etat sait que l’année 2017, qui est déjà promise par la crise s’amplifie à des turbulences sociales sera difficile. Il sait aussi que les comptes que la population ne lui a jamais demandés jusque-là lui seront étalés en vrac en 2017 si la ceinture se serrait sur elle. C’est pourquoi il a opté pour le maintien de la stabilité sociale au détriment de la rationalité économique, quitte à mécontenter certains de ces amis, notamment les gars du FCE. Pourtant, la LF 2016, bien qu’elle ait été rejetée par une bonne partie de la classe politique qui s’est liguée contre son application durant des mois en la qualifiant de « texte scélérat », a osé quelques pas en matière de réduction des subventions. Le Gouvernement, par la voix de Benkhalfa, avait même promis, à ce moment là, d’aller plus loin dans les années à venir. Mais, autre contexte, autre discours.
Par ailleurs, les pouvoir publics ne font pas que ça pour sauver l’année électorale qu’est 2017. Ils vont plus loin, jusqu’à faire l’impasse sur certaines décisions. C’est le cas notamment des subventions indirectes (les exonérations d’impôts et les réductions de certaines taxes) qui seront officiellement supprimées mais dont personne ne parle, y compris la Présidence de la République. En effet, selon une source proche du ministère de l’Industrie et des Mines, « il est attendu que les aides qui vont aux entreprises soient toutes gelées et ce dans tous les secteurs ».
C’est dire que le système souffle le chaud et le froid et que Bouteflika est son Gouvernement ne savent plus sur quel pieds danser. Ce qui, par contre, semble certain, c’est que le Président sait que le texte le plus éminemment politique est incontestablement la Loi de Finance et, à ce titre, il ne compte surtout pas l’utiliser contre lui dans un contexte à forte valeurs ajoutée politique, quitte à piétiner son engagement à en faveur de ce qu’il appelle « les réformes incontournables ».
Le Gouvernement a toujours mis la raison politique au dessus de la raison économique et il n’est pas prêt à changer.