Les 4 et 5 décembre, l’Afrique du Sud accueillait le Forum de coopération sino-africain. Ce 2e sommet réuni à Johannesburg, était placé sous la thématique centrale « l’Afrique et la Chine avancent ensemble : Coopération gagnant-gagnant pour le développement commun », précise le communiqué officiel.
La rencontre intervient après le premier sommet du genre, organisé à Pékin en 2006. Deux documents devaient faire l’objet d’une adoption formelle par les chefs d’Etat et de Gouvernement. A savoir la déclaration politique de Johannesburg et le plan d’action 2016-2018, qui « scellent les contours et le cadre de la coopération entre la Chine et l’Afrique ».
Les dirigeants africains et chinois devaient également « procéder à une évaluation globale et objective de l’état de mise en oeuvre des programmes et projets de développement arrêtés dans le cadre de ce partenariat, lancé depuis une quinzaine d’années ». Une « évaluation globale »qui semble en effet nécessaire. Sur ce chapitre, au cours des dernières années, la plupart des médias nationaux, emboitant le pas aux responsables gouvernementaux, ne tarissent pas d’éloges sur la qualité des relations économiques entre l’Algérie et la patrie de Deng Xiao Ping . Une relation « de long terme », nous explique- t’on, et basée sur des « intérêts partagés ».
Des relations « excellentes ».
L’ « excellence » des relations entre l’Algérie et la Chine ont été encore confirmée récemment par les annonces faites par le ministre du commerce M. Belaib Bakhti, qui a déclaré que l’Algérie pourrait faire une entorse à la sacro sainte règle de l’interdiction de l’endettement extérieur au profit des « amis chinois » .Selon le ministre, « il s’agit d’une exception que compte faire l’Algérie en raison des faibles taux d’intérêt appliqués par la Chine et de la qualité des relations entre les deux pays. Les discussions sont actuellement en cours avec la partie chinoise », a ajouté M.Belaib, sans préciser le montant que l’Algérie envisage d’emprunter. Son collègue de l’industrie, M Bouchouareb n’a pas voulu être en reste et il annonçait également le mois dernier la conclusion prochaine d’un accord pour la réalisation d’une usine de montage automobile en Algérie.
La Chine premier fournisseur de l’Algérie
A vrai dire les relations économiques entre l’Algérie et la Chine sont en effet « excellentes », mais excellentes pour qui ? C’est le patron du FCE Ali Haddad, qui relevait voici quelques semaines que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est passé à plus de 10 milliards de dollars US en 2014 contre 6,9 milliards de dollars US en 2011, soit un accroissement de 47%. La Chine est le premier fournisseur de l’Algérie depuis 2013, renforçant ainsi sa part dans les importations globales algériennes à 14% en 2014 (8 milliards de dollars de produits importés).Ces importations ont augmenté ces trois dernières années de plus de 73%.
Le président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie, M.Benamor, note de son côté que “la Chine exporte beaucoup en Algérie, mais en revanche, elle ne nous achète rien ou quasiment rien. Elle est loin d’être le premier investisseur malgré la présence de 790 entreprises chinoises en Algérie ».
Des dizaines de milliards de dollars de contrats publics
La Chine ne fait pas seulement de bonnes affaires commerciales avec l’Algérie. Les entreprises chinoises sont également depuis plus d’une décennie les premières bénéficiaires des gigantesques programmes d’investissements publics lancés par le gouvernement algérien. Des autoroutes et aéroports jusqu’aux programmes de logements publics en passant par la grande Mosquée d’Alger, les entreprises chinoises ont quasiment tout raflé en ne laissant que des « miettes » aux concurrents. Des contrats qui se chiffrent sur la décennie écoulée à plusieurs dizaines de milliards de dollars, mais qui ne constituent bien sûr pas des « investissements » réalisés par les entreprises chinoises qui déménagent leur bases de vie et rapatrient la main d’oeuvre dès que le chantier est terminé. Ajoutons que ces contrats qui ont eu la faveur des autorités algériennes depuis plus de 10 ans ont en outre la particularité d’utiliser le plus souvent une main d’œuvre exclusivement chinoise, ce qui renseigne sur le « transfert de savoir faire » qui s’effectue à l’occasion de leurs projetss.
Une relation économique à sens unique
Les autorités algériennes qui ont pris conscience tardivement du caractère déséquilibré de la relation avec le partenaire chinois ont commencé à le lui faire savoir. C’était notamment l’objectif non officiel de la visite effectuée en Chine au printemps dernier par le premier ministre, M.Abdelmalek Sellal . Ce n’est donc pas un hasard si le président du Conseil chinois pour la promotion de la coopération Sud-Sud, M. Lu Xinhua, était le mois dernier en visite en Algérie. La Chine, « forte de ses 4 000 milliards de dollars de réserves de changes, est prête à financer des projets d’investissement en Algérie », a déclaré M. Lu lors d’une rencontre entre hommes d’affaires chinois et algériens qui s’est tenue à Alger. ” “Il faut aller au-delà du simple commerce a plaidé à cette occasion M.Ali Haddad, estimant que l’Algérie doit constituer “un tremplin stratégique et dynamique pour aller vers l’Afrique”. « L’Algérie souhaite diversifier des relations économiques avec la Chine et encourager davantage les opérateurs chinois à entreprendre des partenariats dans les activités de production de biens et de services. Le temps est venu d’approfondir et de diversifier nous relations économiques”, a rappelé de son côté le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, à l’ouverture du Forum algéro-chinois organisé à Alger au mois d’octobre dernier.
M. Bouchouareb a notamment évoqué le projet du grand port de transbordement que l’Algérie compte réaliser à l’est de la ville de Cherchell. Ce projet, dont les travaux seront lancés en 2016 comme l’a annoncé le Premier ministre à Biskra, pourrait intéresser les Chinois. “Ce port permettra d’acheminer les marchandises vers l’Afrique après sa connexion à l’autoroute Est-Ouest et la Transsaharienne. À travers ce type de projet, nos deux pays pourront aller ensemble vers les marchés africains, européens et arabes”, souligne le ministre de l’Industrie, ajoutant qu’il compte beaucoup “sur le savoir-faire des entreprises chinoises dans la gestion des ports”. M. Bouchouareb a évoqué également les gisements de fer de Gara Djebilet à Tindouf et de manganèse à Béchar.
Les fonds d’investissements chinois bientôt en Algérie ?
Beaucoup de bonnes intentions donc. Mais notons quand même que les chinois savent ce qu’ils font et gardent les pieds sur terre. Les financements des Fonds d’investissement chinois qui gèrent une partie des immenses réserves de change du pays sont conditionnés par l’attribution des marchés aux entreprises chinoises et aux services et fournitures de biens chinois pour les besoins du projet. Sans stratégie de partenariat du coté algérien, le recours à ce type de financement fait donc augmenter les importations et accroit la dépendance technique et financière de l’Algérie si ces projets ne sont pas mis à profit pour capitaliser le savoir-faire.
Des cadeaux chinois pour les algériens
Une dernière illustration presque caricaturale du déséquilibre de la relation économique entre l’Algérie et la Chine .La popularité de partenaire chinois dans notre pays, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres pays africains, a été entretenue au cours des dernières années par la générosité affichée par les autorités de ce pays et ses grandes entreprises qui n’hésitent pas à faire des présents spectaculaires au pays d’accueil. C’est ainsi que l’Algérie a bénéficié de la réalisation « à titre gracieux » de la salle d’Opéra d’Ouled Fayet. On annonçait également voici quelques semaines la réalisation prochaine dans les mêmes conditions d’un parc de loisirs au profit des jeunes de Baraki . Mais n’est ce pas précisément un proverbe chinois qui dit en substance : « Si tu veux aider un ami , apprends lui à pêcher plutôt que de lui offrir du poisson » ?