La nouvelle d’un imminent investissement dédié à l’exportation de Volkswagen en Tunisie a « allumé » la chronique Hebdomadaire d’El Kadi Ihsane sur El Watan.
Le scénario du premier semestre 2017 est déjà écrit. Les dépenses publiques se rétractent. Les entreprises qui travaillent pour l’Etat client s’enfoncent dans la crise des impayés. Le chômage poursuit son redressement. L’autre scénario lui est en route depuis 2015, celui de la remontée de l’inflation qui érode les pouvoirs d’achat. Qu’est ce qui peut venir adoucir une telle trajectoire grisâtre ? L’investissement productif. L’annonce d’une série de partenariats dans le montage automobile en 2016 a été applaudi pour la symbolique du premier pas, plus souvent que critiquée pour la faiblesse de son modèle industriel (SKD pour le marché local). Les semaines et les mois qui viennent rendront un arbitrage vital sur l’attractivité de l’Algérie pour l’investissement. Le pronostic est très réservé. Une nouvelle trappe se dessine. Investir uniquement dans le schéma ancien de la satisfaction du marché domestique. Pour les partenaires étrangers, l’Algérie serait le territoire ou l’on consent un investissement pour ne pas perdre sa part de marché sous la contrainte des politiques de contingentements (voitures, Ciment, ect…). Le Maroc et la Tunisie eux seraient les plates-forme de l’exportation. Une information diffusée par la TAP ce week end vient conforter cette appréhension. Volkswagen est en négociations avancées pour installer en Tunisie une usine destinée à l’exportation. Le gouvernement tunisien aurait consenti dix années d’exonération d’impôt pour attirer le gros constructeur allemand. Après Renault et Peugeot au Maroc Volkswagen viendrait donc enfoncer le clou en Tunisie. L’Algérie ne peut capter, sous la contrainte des quotas, que des investissements low coast, de taille minimale pour maintenir la part de marché de la marque dans le pays. Ce ne sont pas des conquêtes d’attractivité mais des butins de prises d’otages. Lorsque l’investisseur peut choisir, il installe son actif producteur d’avenir dans les pays voisins, à partir desquels il reste dans l’économie monde. Alors que dans le modèle d’investissement en Algérie, il se coince dans un territoire. Cette appréhension ne doit pas modifier totalement le jugement sur les derniers partenariats engagés. Il fallait bien commencer à assembler des voitures en Algérie. L’enjeu est donc de remonter rapidement la filière, d’intégrer de plus en plus localement, et de se projeter en dehors du marché algérien. Un expert financier très pertinent note d’ailleurs que les 75 000 véhicules autorisés à l’importation en 2016 n’ont pas tous été vendus. Ce qui montrerait bien que le contingentement de l’importation par la hausse des prix aurait pu suffire sans recours aux quotas et licences. La taille « normale » pressentie en moyenne pour les trois prochaines années serait de 150 000 nouvelles immatriculations par an. L’offre de véhicules neufs des nouvelles usines d’assemblage – il y a eu l’annonce de Suzuki avec Tahkout à Saida cette semaine- pourrait dès le milieu de l’année prochaine se retrouver excédentaire si les importations sont maintenues.
Bon pour le FMI
Ce qui se passe du côté de la relance de l’offre de biens et de services est plus préoccupant que les coupes sombres dans le budget de 2017. Une conférence nationale sur ce thème qui devait se tenir ce 06-07 février a été reportée à plus tard. L’effet choc du nouveau code des investissements votés en juillet dernier est manqué. Le CNI, organe politique très controversé qui filtre des grands investissements étrangers en Algérie, a réduit son champ d’intervention, le droit de préemption affaibli, le 51-49 passé sous le régime de la loi de finance, le partenariat public-privé réhabilité (en attendant une loi le concernant). La démarche pourtant reste boiteuse. Elle est ralentie par les deux mêmes contraintes des années Bouteflika : la capacité d’entreprendre du secteur public marchand, et celle des amis d’affaires du cercle présidentiel. Elle est par conséquent artificiellement .confinée. Au sein du gouvernement l’idée est – encore et toujours – de maintenir les grands acteurs publics au centre de la dynamique de la diversification. Cela produit des non sens. L’OAIC se voit affecter des milliers d’hectares en amont pour devenir productrice de céréales. Son équivalent dans le lait, le groupe public Giplait, va investir dans une filiale spécialisée dans l’élevage bovin pour produire du lait. Cela se déroule sous l’emprise du nouveau modèle économique de Abdelmalek Sellal. L’Etat a échoué presque partout comme producteur direct, mais s’entête à ne pas se séparer de la base sociale de son autorité politique. Au risque de faire plonger à nouveaux les comptes publics vers le cas clinique bon pour le FMI. Cette volonté de continuer à dominer la fonction économique de la création de richesse est, bien sur, aussi, rattachée à la tentation de rester un acteur dans les transactions. Et à monétiser à chaque fois que possible le pouvoir de choisir partenaires, fournisseurs, et clients. De ce point de vue, la persistance de Abdeslam Bouchouareb à la tête du département de l’industrie est la caricature même de l’Etat qui ne travaille pas à l’amélioration du climat des affaires du pays mais à celui de niches d’intérêts précis, dont certains ont filtré grâce à Panama Papers.
Gibier de procureur
L’autre frein à l’investissement hors investissement public est bien sur la volonté politique d’octroyer les plus belles opportunités d’affaires aux amis. Cela est déjà extrêmement préjudiciable dans le secteur des BTP ou tout le monde constate que le plan de charge du groupe Haddad est disproportionné avec ses capacités de réalisation. Les nouveaux secteurs de l’investissement privé sont pourtant bridés et ne se dénouent qu’au rythme de la capacité à les occuper que possède ou pas le cercle des amis politiques du 4 e mandat présidentiel. L’attractivité de l’Algérie devrait s’améliorer en vitesse exponentiellement plus rapide que celle de la dégradation de ses comptes publics dans le sillage de ses déficits chroniques de sa balance des paiements. Des voix ont réagit aux 10 ans d’exonération d’impôts qui vont peut être attirer le meilleur actif de Volkswagen en Tunisie et laisser le précaire (que l’on peut démonter avec un préjudice minime), à Relizane en Algérie. Pour se poser la question de savoir si l’Algérie doit aller aussi loin pour devenir une plate forme industrielle globale. La question est posée en 2017. En attendant le Maroc est le premier exportateur de véhicules de la rive sud méditerranée devant la Turquie. Et il sera peut être rejoint dans moins de dix ans par la Tunisie. Le problème n’est jamais, nulle part, l’exonération d’impôts mais celle de réfléchir en stratège et en homme d’Etat. Et pas en gibier de procureur, en sursis mandat après mandat.