Le coût de l’énergie solaire a fortement baissé. Pour atteindre quel niveau ? Les experts divergent, avec une ligne de démarcation fortement marquée de militantisme.
Réputée froide et neutre, l’expertise s’emballe lorsqu’il s’agit d’énergies renouvelables. En Algérie, où la polémique tient lieu de débat, la tendance est à l’outrance, avec des militants qui font dire des choses totalement opposées à des données identiques. Gaz de schiste et recours aux investissements massifs dans l’énergie solaire amènent les spécialistes à se déchirer, augmentant le désarroi chez les citoyens qui veulent se faire un point de vue précis.
Visiblement partisan des énergies renouvelables, M. Noureddine Yassa, directeur du centre de recherches en énergies renouvelables, est catégorique. En matière de coûts, l’énergie solaire est compétitive avec celle produite à partir du gaz ou du charbon. Ce seuil a été atteint en Californie et en Australie, et il serait possible de d’améliorer ce résultat dans des régions mieux ensoleillées, comme en Algérie, dit-il. Ces résultats ont été atteints grâce à « une baisse vertigineuse des coûts », dit-il. Entre 2008 et 2015, les prix des panneaux photovoltaïques ont baissé de 40%, a-t-il indiqué. Ces chiffres annonçant la parité semblent toutefois manquer de précision, car les écarts demeurent entre sources d’énergies traditionnelles, avec des variations entre le charbon, et le gaz et le nucléaire. Les variations changent aussi au sein de la même famille en fonction notamment du prix du gaz et du charbon, du volume de l’investissement et du fonctionnement.
Compétition même à dix dollars le baril ?
Tewfik Hasni, qui s’occupait du développement des énergies renouvelables à Sonatrach, a un avis plus tranché. Dans un texte détaillé transmis à Maghreb Emergent, il rappelle que des investisseurs saoudiens au Maroc prévoient d’aller à un coût de cinq cents de dollars le kilowatt/h.
Avec le prix subventionné du gaz, le coût obtenu à la centrale hybride gaz/solaire de Hassi R’Mel est de 6 dinars le kilowatt/h. Si le gaz était payé à son prix d’exportation, le coût monterait à 12 dinars. M. Hasni plaide pour des centrales hybrides utilisant du gaz actuellement torché. La formule permettrait d’obtenir un prix inférieur à 10 cents le kilowatt/h. Pour M. Hasni, les progrès techniques sont tels qu’une étude du Masassuchets Institute of Technology (MIT) prévoit que l’énergie solaire sera compétitive en termes de coûts, même avec un pétrole à dix dollars.
M. Yassa est moins optimiste pour les améliorations technologiques, l’essentiel étant déjà réalisé. Les progrès technologiques vont se poursuivre, mais à un rythme plus lent qu’auparavant. A l’horizon 2030, les prix des panneaux ne devraient baisser que de 20%, prévoit-il. La plupart des spécialistes laissent cependant la porte ouverte à l’émergence possible de nouveaux procédés. Un chimiste algérien installé en Hollande cite l’exemple du gaz de schiste. Aussi contestée soit-elle, la fracturation hydraulique a permis au gaz de schiste d’inonder le marché américain en une décennie. Il ne faut pas exclure l’émergence de nouveaux procédés qui pourraient faire exploser le renouvelable, dit-il.
Pessimisme des pétroliers
Cet optimisme est toutefois tempéré par Hamid Guedroudj, PDG d’une entreprise spécialisée dans le pétrole, «Petroleum expert LTD», basée au Royaume Uni. Dans une interview remarquée publiée par un journal algérien, cet ingénieur a déclaré que « le kilowatt/h produit aujourd’hui par le solaire est autour de quatre fois le prix du kilowatt généré par les gaz de schiste ».
Ces affirmations sont d’autant plus remarquées qu’elles vont à contre-courant de la campagne contre le gaz de schiste, menée actuellement dans le sud du pays, et largement relayée par la presse algérienne et l’opposition, qui ont adopté un ton radical sur la question.
Le même point de vue est exprimé par M. Belkacem Bouzidi, directeur de l’unité de développement solaire, basée à Bou-Smaïl, à l’ouest d’Alger. Malgré l’engagement du gouvernement à assurer 40% des besoins du pays en énergie à partir du renouvelable à l’horizon 2030, avec 60 milliards de dollars d’investissement prévus, M. Bouzidi affirme que « le renouvelable coûte encore cher ». Il déplore que le pays ne soit « pas encore dans l’esprit du renouvelable ». « Pour le citoyen, le renouvelable coûte cher, à moins d’une intervention du gouvernement », dit-il.