Au vu des données du 20 juin 2016, des statistiques douanières, le fort déficit de la balance des paiements pourrait s’établir entre 34 et 36 milliards de dollars fin 2016 .
Il s’ensuit le risque de l’épuisement du fonds de régulation des recettes, artificiellement gonflé par le dérapage accéléré du dinar par tant par rapport au dollar qu’à l’euro fin 2016, début 2017. L’Algérie, a un répit de trois années pour les réserves de change pour éviter de retourner au FMI entre 2018/2019
1.- Une baisse en moyenne annuelle d’un dollar du cours du pétrole (le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) occasionne un manque à gagner entre 500 / 600 millions de dollars. Les réserves officielles de pétrole selon le conseil des ministres de 2015 est d’environ 10 milliards de barils et celles du gaz conventionnel de 2700 milliards de mètres cubes gazeux étant loin des données souvent reprises par la presse nationale de plus de 12 milliards de barils de pétrole et de 4500 milliards de mètres cubes gazeux (données de BP de 1999 jamais réactualisées). Les exportations de gaz (par canalisation et GNL) qui représentent plus de 34% des recettes de Sonatrach n’ont jamais pu dépasser depuis 2009 , la barre des 55 milliards de mètres cubes gazeux Tranmed le plus de gazoduc via Italie fonctionnant à peine 50% de ses capacités. Les recettes de Sonatrach ont été de 73 milliards de dollars entre 2010/2011, 63 milliards de dollars en 2013 ,59 milliards de dollars en 2014 et 35 milliards en 2015. Si l’on prend les hypothèses de la LFC2015 où à un cours de 60 dollars en moyenne annuelle il était prévu une recette de Sonatrach de 34 milliards de dollars, montant auquel il faudra soustraire 20% de coût de Sonatrach , il resterait 27 milliards de dollars de profit net. Au cours de 50 dollars moyenne annuelle la recette de Sonatrach serait de 28 milliards de dollars et le profit net de 22/23 milliards de dollars. Au cours de 40 dollars la recette serait de 18 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach serait d’environ 14/15 milliards de dollars. Comment dès lors mobiliser les 100 milliards de dollars prévus comme investissement entre 2016/2020 par le ministère de l’énergie sans compter plus de 20 milliards de dollars pour Sonelgaz, d’autant plus que la loi des hydrocarbures votée en février 2013, outre la règle des 49/51% généralisable tant à l’amont pour tous les gisements qu’à l’aval et aux canalisations , prévoit une taxe sur les profits au-delà d’un certain seuil , décourageant avec l’actuel prix tout investisseur étranger ?
2..-Selon les statistiques douanières, l’Algérie pour 2015 accuse un déficit de 13,7 milliards de dollars US (Mds US) en 2015 en raison de la baisse des cours des hydrocarbures et le taux de couverture des importations par les exportations s’est réduit de 73% contre 107% en 2014. Bien que son excédent commercial vis-à-vis de l’UE diminue en 2015, de -95,7% à 457 MUSD en glissement annuel en 2014 de 14,8% à 10,7milliards de dollars US , avec des flux de 51,1 Mds USD (-27,0% par rapport à 2014), l’UE demeure le premier partenaire commercial de l’Algérie avec une baisse de -36,1%, passant de 40,4 Mds USD à 25,8 Mds USD (soit 68,3% du total des exportations algériennes, contre 64,2% en 2014). Les importations algériennes en provenance de l’UE sont passées de -14,6%, passant de 29,7 Mds USD à 25,3 Mds USD (soit 49,2% du total des importations de l’Algérie). Mais le déficit concerne également l’Asie qui en 2015 est le deuxième partenaire de l’Algérie, avec des échanges commerciaux qui se sont établis à 14,4 Mds USD (- 18,6% en glissement annuel). Selon les statistiques officielles, elle couvre 23,0% des importations alors qu’elle n’absorbe que 6,8% de ses exportations, avec un déficit commercial vis-à-vis de cette région, -9,3 Mds USD, en augmentation de 22,6% par rapport à 2014, où le déficit n’était que de 7,6 Mds USD, en raison du déséquilibre de ses relations notamment avec la avec la Chine. Les échanges entre les pays du Maghreb représentent moins de 3% de leurs échanges globaux et les échanges avec les pays arabes (UMA comprise) ne représentent que 4,8 Mds USD, en baisse de -24,8% par rapport à 2014, soit 5,0% des importations algériennes et 5,9% de ses exportations. Selon les statistiques douanières du 20 juin 2016, le déficit commercial de l’Algérie a atteint 9,8 milliards de dollars sur les cinq premiers mois de l’année 2016 contre un déficit de 7,23 milliards à la même période de 2015, soit une hausse du déficit de 35,5%. Le taux de couverture des importations par les exportations est passé entre 2015 et 2016 pour les cinq premiers mois de 68% à 50%. Les exportations ont se sont établies à 9,82 milliards de dollars contre 15,39 milliards sur la même période de 2015, soit une baisse de 36,2%, qui pourrait donner une moyenne annuelle au même rythme à 24 milliards de dollars fin 2016. Les importations de biens non compris les services se sont établies à 19,62 milliards de dollars contre 22,62 milliards à la même période de 2015 (-13,26%), qui pourrait donner au même rythme fin 2016 environ 48 milliards de dollars donnant un déficit de la balance commerciale non compris les services fin 2016 de 24 milliards de dollars. Comme la valeur des services a été de 2010/2015 entre 10,5 et 12 milliards de dollars annuellement(les exportations de services étant nulles) , le déficit de la balance des paiement fin et pourrait s’établir entre 34 et 36 milliards de dollars.
3.-Comme conséquence de la baisse des recettes de Sonatrach, en cas de poursuite de l’actuelle politique socio-économique et de non dynamisation des sections hors rente, il ne faut pas être utopique pas avant 2020, si on lance les réformes structurelles en 2016 sur le fonds de régulation des recettes et les réserves de change. La loi de finances 2016 a prévu des dépenses budgétaires de 7.984,1 milliards Da (mds DA) dont 4.807,3 mds DA de dépenses de fonctionnement et 3.176,8 mds DA de dépenses d’équipement, soit une baisse de 9% par rapport à 2015. Quant aux recettes budgétaires, elles sont estimées à 4.747,43 mds DA composées de 3.064,88 mds DA de recettes ordinaires et de 1.682,55 mds DA de fiscalité pétrolière. La loi de finances 2016 table sur une inflation contenue à 4%, un solde global du Trésor déficitaire de 2.452 mds DA. Le cours adopté étant de 98 dinars un dollar, le déficit budgétaire prévu est de 3236,8 milliards de dinars soit 33,02 milliards de dollars. Le cours du dinar le 21 juin 2016 est de 109,67 dinars un dollar. Ce glissement du dinar voile l’importance du déficit budgétaire dont la fiscalité pétrolière dont les exportations (97/98/% avec les dérivées) se font en dollars et le fonds de régulation des recettes et gonfle les taxes douanières de tous les produits importés dont 60% en euros dont le cours officiel le 20 juin 2016 est de 124, 39 dinars un euro. En rappelant que 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% proviennent de l’extérieur, accentuant donc les coûts de production par l’inflation importée. Le FRR est alimenté de l’écart entre la fiscalité pétrolière effectivement recouvrée et celle budgétisée sur la base de 37 dollars/baril. La loi de finances 2016 prévoit des réserves du Fonds de régulation des recettes (FRR) de 1.797 mds de DA à fin 2016. La dépêche de l’organe officiel d’infirmation APS le 24 janvier 2016 nous apprend que les versements au Fonds de régulation des recettes (FRR) ont chuté de plus de 80% durant les 10 premiers mois de l’année 2015 en s’établissant à 255,95 milliards de dinars (mds DA) contre 1.307,36 mds DA durant la même période de 2014 et que les prélèvements opérés à partir de ce Fonds, destinés à financer le déficit du Trésor public, ont atteint 1.850 mds DA entre janvier et octobre 2015 contre 2.965,67 mds DA Rappelons que selon la direction générale de la prévision et des politiques (DGPP) du ministère des Finances, reprises , les avoirs prélevés du FRR avaient atteint 2.965,6 mds de DA en 2014 (contre 2.132,4 mds de DA en 2013), soit les plus importants retraits enregistrés depuis 2000. Ces prélèvements opérés en 2014 ont servi exclusivement à financer le déficit du Trésor de l’année dernière, qui s’est creusé à 2.965,6 mds de DA, un plus haut jamais atteint depuis 2000. A fin 2014, les avoirs du FRR s’étaient établis, après prélèvements, à 4.408 mds de DA (contre 5.563 mds de DA à fin 2013. 37 dollars le baril, le versement au FFR est égal à zéro. L’année 2016, ce fonds sera fortement sollicité pour couvrir le déficit budgétaire déjà très élevé, même si on accélère le dérapage du dinar pour le gonfler artificiellement, le fonds risquant de s’épuiser fin 2016, début 2017. Quant au réserves de change établies fin mai 2016 à 135 milliards de dollars, ils donnent un répit de trois ans maximum avant leur épuisement au vu de l’importance du déficit de la balance des paiements, ne pouvant pas réduire à l’infini les importations, le tissu productif étant presque inexistant,
4.-Il s’ensuit un impact sur la sphère réelle (taux de croissance, inflation, chômage).
Sans avoir une vision de sinistrose, beaucoup de réalisation dans les infrastructures/logement’ mais n’étant qu’un moyen avec des surcouts, malgré la dépense monétaire inégalée entre 2000/2015, le taux de croissance, moyenne annuelle, n’a pas dépassé 3%. Pour environ 70%, les besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 70% provient de l’extérieur, le montant de la rubrique matières premières a été de plus de 17 milliards de dollars en 2014, expliquant la hausse des couts et donc des prix avec le dérapage du dinar. Les 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures avec la dominance du BTPH (avec une exception pour l’agriculture dont une partie des inputs proviennent également de l’extérieur) ont été rendus possible à plus de 80% que grâce à la dépense publique via la rente des hydrocarbures durant cette période. Selon l’ONS, 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce/services. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB et sur ces 5% 95% sont des PMI/PME peu initiées au management et à l’innovation, alors que s’impose des innovations technologiques impliquant un investissement massif dans la recherche développement, le capital argent n’étant qu’un moyen ne créant pas de richesses. Le problème qui se pose, avec la baisse des recettes de Sonatrach, le gouvernement pourrait-il continuer dans sa politique de subventions généralisées et non ciblées ? Les transferts sociaux selon la loi de finances 2016 sont en hausse à 7,5 à 23% du budget de l’Etat, avec une enveloppe de 477 milliards de DA pour le soutien à l’habitat, 446 milliards de DA pour le soutien aux familles, dont 222 milliards de DA pour la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile), ainsi que 316 milliards de DA pour le soutien à la santé soit 1461 milliards de dinars soit 13,78 milliards de dollars. Outre le risque de tensions au niveau des caisses de retraite, la demande d’emplois entre 300.00/350.000 par an nécessite un taux de croissance en terme réel (devant raisonner à prix constants et jamais à prix courants) de 8/9% pendant 5 à 10 ans pour réduire les tensions sociales. Qu’en sera-t-il avec l’éclatement de la cellule familiale et en cas de chute du cours des hydrocarbures ne pouvant plus subventionner, un couple avec deux enfants devant percevoir minimum entre 40.000 et 50.000 dinars/mois pour uniquement substituer. L’on devra revoir la politique des subventions qui doivent profiter qu’aux catégories les plus vulnérables. Toute Nation ne peut distribuer que de qu’elle a préalablement produite quitte à aller vers la dérive politique, sociale et économique devant tenir compte de la croissance démographique et le versement de salaires sans contreparties productives, la population étant passée de 35,6 millions d’habitants au 1er janvier 2010 à plus de 40 au 1er janvier 2016 et s’orientant vers 50 horizon 2030 avec une demande de couverture nouvelle des besoins sociaux. Sans une nouvelle gouvernance, une nouvelle politique socio-économique, la maîtrise de la dépense publique, un retour à la croissance supposant une visions stratégique reposant sur les véritables producteurs de richesses qui sont les entreprises publiques ou privées sans distinction, et son fondement l’économie de la connaissance, avec la pression démographique, la baisse des recettes de Sonatrach qui engendre une dévaluation du dinar , le retour à l’inflation semble inévitable avec des impacts à la fois socio-économiques et politiques. Cela aura des incidences négatives tant sur le taux d’intérêt bancaire qui devra être relevé, si l’on veut éviter la faillite des banques. Le risque est le frein à l’investissement productif, une spirale inflationniste, selon le cercle vicieux -revendications sociales, augmentation des salaires sans corrélation avec la productivité, inflation et revendications sociales. Avec l’inquiétude vis-à-vis de l’avenir, l’absence de morale et la faiblesse de la gouvernance tant centrale que locale, avec ce retour accéléré de l’inflation, qui contribue à une concentration du revenu au profit d’une minorité rentière, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, quitte à conduire l’Algérie au suicide collectif.
5.-Aussi il s’agit d’éviter l’illusion organisationnelle et monétaire .Le blocage étant d’ordre systémique, l’Algérie, pour surmonter la situation actuelle a besoin d’une vision stratégique, de cohérence, de visibilité et de leadership. L’on devra éviter tant l’illusion organisationnelle sans objectifs stratégiques (combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) que monétaire. Car le dinar est passé de 4 dinars un dollar vers les années 1975 à 16 dinars un dollar avant la dévaluation de 1994, 45 dinars un dollar après la dévaluation et actuellement 109 dinars un dollar en juin 2016. Parallèlement, .l’Algérie a connu différentes organisations de 1963 à 2016 : sociétés nationales, fonds de participation de l’Etat, Holdings, sociétés de gestion des participations de l’Etat et actuellement groupes industriels et l’Algérie est toujours dépendante des hydrocarbures. Le défi est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires de dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne , devant se fonder sur l’entreprise créatrice de richesses et l’économie de la connaissance. Comme je l’ai annoncé depuis près de trois années (voir www.google.fr) et débat RFI Paris 24 octobre entre le Pr Abderrahmane .Mebtoul et le Pr Antoine Halff ancien économiste en chef du secrétariat d’Etat à l’Energie US) ) et devant le premier ministre algérien lors de la conférence organisée par le Ministère de l’Industrie à Alger (05 novembre 2014), les ajustements économiques et sociaux à venir seront douloureux, impliquant un comité de crise indépendant, un discours de vérité, une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité. Tenant compte de toutes les sensibilités un large front national de toutes les algériennes et les algériens s’impose. L’Algérie doit profiter de sa relative aisance financière, dette extérieure très faible, moins de 5 milliards de dollars et bien utiliser ses réserves de change en transformant cette richesse virtuelle en richesses réelles, de libérer toutes les énergies créatrices, et donc de réaliser la transition difficile vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. L’Algérie en ces moments difficiles tant sur le plan géostratégique qu’économique n’a pas besoin de polémiques stériles. A ce titre, le débat contradictoire productif au profit exclusif des intérêts supérieurs du pays afin d’aller vers un renouveau de la gouvernance me semble être la seule voie pour surmonter et résoudre les nombreux défis qui nous attendent. L’Algérie en a les moyens pour peu que l’on développe un discours de tolérance, personne n’ayant le monopole du nationalisme ou de la vérité. [email protected]
(*)Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des Universités, expert international,
Directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach (1974/2008)