Mohamed Ali Deyahi, Directeur Régional Afrique du Nord du Bureau International du Travail (BIT) a fait le constat ce mercredi sur Radio M d’une évolution «préoccupante » du chômage des jeunes en Algérie qui atteint les 29% en 2017 contre 24% en 2016. La grande faille est dans l’écart entre le marché de l’emploi et la formation.
Selon Mohamed Ali Deyahi, les difficultés ne sont pas le fait de la politique de l’emploi mais de la conjoncture et surtout à l’inadéquation entre le marché et le système de formation. La situation connaît une certaine dégradation en Afrique du nord notamment parmi la frange juvénile, la situation se dégrade.
Une conférence régionale sur l’emploi des jeunes en Afrique du Nord va se tenir les 26 et 27 septembre à Genève. Cette rencontre vise, selon Mohamed Ali Deyahi, Directeur Régional Afrique du Nord du BIT, d’une part, à faire le bilan des politiques d’emplois mises en œuvre jusque-là dans les sept pays la région (le cinq pays du Maghreb, , le Soudan et l’Egypte) et, d’autre part, à tracer les perspectives et à valider une roadmap qui permet de dire ce qu’il faut faire, avec qui, comment et pour quels objectifs.
Augmentation du chômage des jeunes en Algérie
M. Deyahi a relevé que « l’Algérie est en crise » et que les effets du ralentissement de la croissance mondiale et du recul des investissements, publics et privés, la touchent de plein fouet.
«En Algérie, le taux de chômage des jeunes pour cette année est de plus de 29% alors qu’il était des 24% l’année passée. Il y a donc une évolution en 2017 qui est préoccupante même si on constate qu’il y a une amélioration au niveau du taux de chômage global», a-t-il dit.
Toutefois, selon lui, il ne faut pas imputer l’augmentation du chômage des jeunes en Algérie à un quelconque recul de la politique algérienne de l’emploi. Les raisons sont, a-t-il expliqué, ailleurs et concernent l’inadéquation entre l la sphère économique et les sphères de formations ainsi que la situation du marché.
Un cercle vicieux
« Les jeunes sont une catégorie vulnérable. Ils sont confrontés à ce qu’on appelle le dilemme du marché du travail. D’une part, il y a des besoins importants et d’autre part, on a une offre d’emploi qui ne correspond pas à ces besoins. De plus, les entreprises cherchent souvent des gens qui ont de l’expérience. Or, pour avoir de l’expérience, il faut faire confiance aux jeunes dans un premier temps. C’est un cercle vicieux », a-t-il relevé.
Il a noté par ailleurs qu’en période « de récession et de crise, comme c’est le cas aujourd’hui dans plusieurs pays dont l’Algérie, les entreprises ont tendance à écorner les dépenses et faire des offres de travail relativement précaires, notamment des CDD », ce qui impacte fortement l’emploi.
Fossé marché de l’emploi/Formation
Au même titre que dans les pays industriels mâtures, le marché de l’emploi évolue très vite dans les pays d’Afrique du Nord de telle sorte que tout retard dans l’évolution du système de formation crée des hiatus fort préjudiciables à l’emploi en particulier et à l’économie en général.
«Il y a un écart entre l’offre des entreprises dans la plupart des pays d’Afrique du nord et la compétence disponible en termes de profils, surtout s’agissant des formations académiques. La synergie entre les formations académiques de haut niveau et les besoins du marché n’existe pas. L’écart est important », a-t-il affirmé.
« Il faut que les universités et les instituts mettent sur le marché les besoins de demain car l’avenir économique apprendra à de nouveaux créneaux comme l’économie numérique, l’économie verte. Or, les profils qui en sortent aujourd’hui sont dépassés par le marché. En somme, les besoins du marché prennent l’ascenseur alors que les profils de formation prennent l’escalier », a-t-il ajouté. « L’adéquation formation/besoin du marché de l’emploi est un axe stratégique de la réunion de Genève et de la réflexion que mène le BIT sur la problématique de l’emploi en Afrique du Nord.
L’emploi aidé : une solution ?
Certains pays d’Afrique du Nord ont recouru à l’emploi aidé pour lutter contre le chômage des jeunes. Mais, en l’absence d’un bilan chiffré de ce qui a été fait dans ce cadre, il est difficile d’en faire une évaluation rigoureuse. M. Deyahi estime que cette politique est globalement fructueuse, notamment en Algérie.
« Malgré la crise, le Gouvernement algérien ne compte pas écorner les dépenses destinées à la question de l’emploi. L’Algérie a un dispositif d’emploi systémique. Je ne connais pas beaucoup de pays qui prennent en charge les différents aspects liés à l’aide à l’emploi dans leur totalité, y compris l’aspect financier. Ce dispositif a connu une évolution très positive. La contreperformance du premier semestre de 2017 est due à plusieurs facteurs relatifs à la conjoncture économique et non à la politique algérienne de l’emploi. Mais les dispositifs ont donné globalement de bons résultats », a-t-il affirmé.
Pour ce qui est de l’aide à la création de micro-entreprises, M. Deyahi a indiqué que les dispositifs en vigueur en Algérie sont, contrairement à ce qui se fait dans certains autres pays où les agences créees à cet effet se contentent d’apporter un soutien techniques et des conseils aux jeunes entrepreneurs, « sont complets » dans la mesure où ils s’occupent de tous les volets, y compris l’accompagnement et le financement.
Conjoncture globale difficile
Mohamed Ali Deyahi a fait savoir que la conférence des 26 et 27 septembre qui va se tenir à Genève est la première du genre à s’intéresser à la question du travail et de l’emploi dans les sept pays d’Afrique du Nord en relavant qu’elle se tient dans une conjoncture mondiale marquée par le ralentissement de la croissance qui se situe à 3, 2% en moyenne pour 2016 et 2017.
« Les indicateurs dont nous disposons laissent penser que, malgré les efforts consentis, les taux de chômages restent très préoccupants. La situation s’est dégradée et nous n’arrivons pas à inverser la tendance. Il y a moins d’investissement et moins d’embauches et donc les indicateurs liés à l’emploi sont en berne» a-t-il déclaré en précisant que, « globalement, il y a 71 millions de jeunes chômeurs, soit une augmentation d’un demi million entre 2016 et 2017 ».
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