Le Collectif Nabni a proposé, mardi, un nouveau plan d’action pour engager le pays dans un grand virage économique. Avec des mesures concrètes, devant servir de point de départ à la grande opération de réforme.
Face à l’inertie du pouvoir, Nabni revient à la charge. Le groupe de réflexion « Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées » a présenté, mardi, un plan en douze points pour entamer les réformes nécessaires, celles que « le bon sens impose », indépendamment des orientations politiques du gouvernement en place. Car « que le prix du pétrole soit à 50 ou 100 dollars, cela ne change rien, les problèmes structurels de l’économie algériennes restent les mêmes », souligne Abdelkrim Boudraa, membre du collectif.
Nabni déplore d’ailleurs que le gouvernement n’ait pas entamé le train du changement quand il était possible de le faire « sans contrainte », lorsque le pays bénéficiait d’une aisance financière qui aurait permis d’amortir le choc. Aujourd’hui, le changement se fera « sous la contrainte ». Mais rien n’indique que le gouvernement est prêt à s’y engager, ce qui risque d’amener le pays à tenter le virage « dans des conditions très difficiles ». Interrogé si la réponse du gouvernement a été à la hauteur, Mabrouk Aïb, professeur à l’Ecole polytechnique et membre de Nabni répond, tranché : « La réponse de Nabni est claire. Non », dit-il, ajoutant que ce que fait le gouvernement est « très loin du challenge », et reste « très insuffisant ». Même si Lyas Kerrar, expert financier, met à l’actif du gouvernement une mesure, pas franchement assumée d’ailleurs, la dépréciation du dinar de 20% alors que le pétrole a perdu 40% de son prix.
Se doter des outils du changement
Nabni ne s’explique d’ailleurs pas pourquoi le gouvernement a refusé jusque-là de s’engager sur la voie du changement de cap économique. Certaines mesures proposées n’ont pas d’impact significatif. Bien au contraire, elles permettent de se préparer pour les moments difficiles. Lyas Kerrar insiste ainsi sur la nécessité de se doter des outils nécessaires pour gérer le changement. Le gouvernement peut changer de cap dans les subventions. Il peut subventionner des catégories sociales plutôt que des produits. Mais pour cela, il doit se doter d’une administration en mesure de gérer la situation, dit-il. « Il faut se préparer, pour ne pas être pris au dépourvu ». Si le gouvernement augmente le prix du carburant de cinq ou dix dinars, cela n’aura pas d’impact significatif sur les catégories les plus faibles. Cela poussera juste « à faire attention », dit-il.
Mais Nabni se défend de prôner un cap libéral. L’objectif est, au contraire, de sauver le modèle social algérien, en améliorant ses performances », souligne Abdelkrim Boudraa, pour qui « il ne faut pas subventionner tout et n’importe quoi ». La situation actuelle met le modèle social « en péril ». Si des mesures ne sont pas prises à court et moyen terme, il ne sera plus possible de maintenir les transferts sociaux, dit-il.
Commencer petit…
Le groupe de réflexion estime qu’il faut entamer le changement tout de suite, et propose un mode opératoire. Ce n’est pas une recette, mais un point de départ. Cela peut être sujet à débat, insiste Mabrouk Aïb. C’est un plan sur trois ans, avec des mesures concrètes. On y retrouve des mesures qui font consensus –un choc de simplification administrative, une réforme du système bancaire, la suppression des contrôles à priori et des autorisations qui freinent l’investissement-, mais aussi des mesures plus pointues, tout en tenant compte de la faible capacité d’ingénierie de l’administration actuelle.
Il est « inutile de concevoir des méga-plans d’actions. La capacité de mise en œuvre des réformes est faible », souligne un document de Nabni, qui précise toutefois que cela ne doit pas empêcher de prendre certaines mesures inévitables, comme l’introduction d’un impôt foncier, la « suppression des entraves majeures à l’investissement » et geler les dépenses de fonctionnement sur trois ans.
Mais commencer coûte que coûte
Si Nabni propose d’engager tout de suite un certain nombre d’actions, les plus urgentes, il recommande aussi de s’engager en parallèle dans « les réformes les plus difficiles », pour se donner le temps de les préparer et de les mener dans de bonnes conditions. Privilégier un certain nombre d’actions de court terme ne peut en effet occulter le reste. Il faudra mener le changement dans sa globalité, insiste Abdelkrim Boudraa. A ce sujet, Nabni souligne qu’il est nécessaire de « mener une profonde réforme de la gouvernance des actifs de l’Etat », et de revoir de manière « progressive et différenciée les prix des biens et services subventionnés ».
Lyas Kerrar insiste aussi sur la nécessité de ne plus gaspiller le peu de ressources financières disponibles. Il recommande, par exemple, de ne plus injecter d’argent dans des entreprises publiques déstructurées. « C’est inutile. C’est du gaspillage », dit-il. Il suggère de mener les changements nécessaires dans l’organisation de ces entreprises avant d’essayer de le sauver.
Mais pour l’heure, Nabni insiste d’abord sur la nécessité de s’engager dans le nouveau virage. Comme s’il redoutait la paralysie du gouvernement, il insiste : Abda (commence), souligne le document du groupe, qui ne veut pas baisser les bras face à l’inertie du gouvernement.