La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane sur El Watan s’est posé la question de la « vérité » dans les proposition économiques pour gagner une élection. Avec ce constat déroutant. En France Fillon vend l’enfer et gagne.
En Algérie comme en France la gouvernance politique devra faire avaler des potions amères aux électeurs en 2017. Peut-on gagner des élections en faisant la promesse d’une purge brutale des déficits publics ? Examinons l’Algérie d’abord. Les partis politiques sont sur la ligne de départ des législatives du printemps prochain. L’adoption de la loi de finances pour 2017 a été une occasion de décliner les contours d’une « attitude » à l’égard du contre-choc pétrolier et de la réponse qu’il requiert. La majorité FLN-RND soutient donc les mesures de baisse des dépenses du gouvernement. Sans plus. Personne ne voit cette coalition de pouvoir se fondre d’un programme électoral proposant un régime de grande rigueur budgétaire et de nouvelle compétitivité les quatre prochaines années. Dans le préambule du document portant exposé des motifs qui a accompagné le projet de loi de finances pour 2017, il est écrit que le cadrage triennal du budget s’inspire du plan quinquennal du président Bouteflika. Petite avarie dans la machine. « Le plan quinquennal du président Bouteflika n’existe pas ». C’est l’ancien ministre des affaires étrangères Ahmed Attaf qui l’a rappelé l’autre semaine sur RadioM. Rien qui ne donne une armature programmatique à la nouvelle politique de taxation qui démarre. Il existe donc chez les députés de la majorité des bouts de phrase par ci par là pour expliquer que la taxe des carburants doit légitimement augmenter pour éviter le gaspillage domestique et libérer des volumes d’hydrocarbures pour l’exportation. Le virage systémique nécessaire vers une autre allocation des ressources budgétaires de l’Etat n’est un programme nulle part chez la classe politique algérienne. En tous les cas pas chez celle qui siège au parlement.
Des contre propositions copiées-collées
Le FFS et le PT sont dans leur rôle lorsqu’ils rejettent les mesures d’austérité du gouvernement. Matraquage des plus démunis. Ils sont moins éloquents lorsqu’il s’agit de proposer des alternatives de politique économique par temps de grands déficits publics. L’Algérie devra trouver 20 milliards de dollars tous les ans de 2017 sans doute y compris jusqu’à 2019 ; pour combler son déficit budgétaire. Elle ne peut pas le faire en évitant à la fois l’inflation interne et l’endettement externe. C’est ce que lui demande le parti de Louisa Hanoune. Insoutenable bien sur. Le PT propose de chercher l’argent chez les riches en taxant plus les entreprises privées. Transposition mécanique des solutions de la gauche anticapitaliste en Europe. Pertinente peut être ailleurs. Inopérante en Algérie. Le parc d’entreprises y est faible et sa valeur ajoutée en jachère. Cela ne veut absolument pas dire qu’une autre réponse de politique économique est impossible face au contre choc pétrolier. Des états-majors de partis politiques moins doctrinaux, comme Talaie El Houria tentent d’y travailler. Il faudra venir aux législatives en disant la vérité sur l’avenir. C’est à dire en entrant dans la modernité civique. Celle qui parie sur l’éducation des électeurs qui apprennent à reconnaître leurs intérêts à long terme. Avec toujours la mère de toutes les vérités en politique économique, les intérêts de tous les électeurs ne sont pas convergents. Le faire même si le résultat des urnes en Algérie est encore un atavisme archaïque. Ne dépendant pas encore vraiment du contenu des programmes mais seulement de l’identité des acteurs. La preuve, le gouvernement parle d’un plan quinquennal présidentiel qui n’existe pas.
Voter pour le pire tout de suite
En France, la tendance de la droitisation de la droite annonce un nouveau moment civique dans les « vieilles démocraties » : Choisir celui qui promet le plus d’austérité. François Fillon s’il devient président de la France veut créer un choc Thatchérien pour rendre la France « Heureuse », concept choisi par son rival Alain Juppé. Suppression de 500 000 emplois en 3 ans, allongement de l’âge de la retraite à 65 ans, retour au 39 heures payés 35 heures, refonte du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui le rende, comme notamment en Angleterre, facile à défaire pour l’employeur. C’est un programme qui dessine deux années terribles à l’économie française qui remporte pour le moment les faveurs d’une large partie de la France. Bien sur ce programme propose en contre partie du purgatoire de deux années le bonheur éternel de la croissance forte et du plein emploi. Cette chronique n’entend pas répondre à la question de savoir si François Fillon a une chance de redresser la France et d’en faire en dix ans la première économie de l’UE (c’est son ambition) en appliquant cette thérapie de cheval. Trop compliqué. Elle vise juste à comprendre comment la déclinaison d’une telle thérapie peut faire gagner des élections présidentielles. Bien sûr la vague Fillon n’est pas portée par cette seule poussée de « la radicalité libérale ». Elle se dope au repli identitaire. Que la droite française arrive à faire indument passer pour du protectionnisme commercial. Mais tout de même. La curiosité est là. Voter pour le pire tout de suite, afin d’accéder au meilleur plus tard. En conclusion de son dernier face à face télévisé avec Alain Juppé, François Fillon a regretté de ne pas avoir « convaincu plus tôt ». Est ce lui qui a convaincu ? En vérité, l’idée a fait son chemin que la France décline à cause de son modèle social. Un battage de plus de vingt ans qui sur le front du temps de travail, du régime des retraites ; des protections du travail, de la gestion du chômage, de aides sociales et du statut des fonctionnaires a fini par « donner ses fruits ». Le contre argument de Alain Juppé « des réformes brutales seront contre productives, voire irréalistes » est presque devenu inaudible. Dans le doute existentiel sur son rang dans le monde, la France n’a plus le choix que celui d’un « Brexit-Trumpien » version Marine Le Pen ou une thérapie de choc pour rendre le pays économiquement flexible comme l’a fait Thatcher il y a 30 ans en Grande Bretagne. Il y’ en a qui vont bien sur nous expliquer que devant une telle régression des opinions en Occident, les régimes autoritaires semi-ouverts de nos latitudes ont peut être du bon. Surtout lorsqu’ils disposent la rente énergétique à redistribuer pour maintenir la cohésion sociale. Sauf que la dernière fois ou le redistribution s’est fermée à la fin des années 80, les Algériens se sont mis à s’entretuer. Et ce scénario jamais trop loin nulle part, ce sont les bonnes anticipations de politique économique autant que le respect des droits et libertés qui en prémunit les Nations. Le second rend plus possible les premières.