Le prix Nobel de l’économie 2014 était à Alger durant 3 jours pour la rencontre africaine de la société d’économétrie accueillie par la Banque d’Algérie. Entretien exclusif sur RadioM.
Jean Tirole a proposé que les quotas d’importation soient mis aux enchères « afin d’obtenir l’argent pour l’Etat » et d’éviter les mauvaises utilisations de ces quotas. Une mesure préconisée déjà en 2015 dans un papier de Nour Meddahi et Raouf Boucekkine, membres algériens de la société d’économétrie. Le prix Nobel évoquait à ce sujet la tentation du protectionnisme en progrès dans le monde. Au sujet des barrières à l’entrée dressée par l’Algérie pour une activité industrielle naissante (l’assemblage automobile) il a déclaré « si elles sont justifiées, pendant un moment », elles doivent faire attention à la naissance de lobbies qui voudront maintenir les protections bien au delà du temps nécessaire pour lancer une activité nouvelle dans un pays. Le prix Nobel d’économie a également abordé la question des subventions et la distorsion des prix qui provoque, en Algérie, un gaspillage de l’énergie.
Moralité : les responsables sont tenus de donner l’exemple
Jean Tirole est revenu dans cet entretien sur le contenu de sa keynote du premier jour, à l’école supérieure de la banque à Bouzaréah, sur la modélisation du comportement moral (des individus) en interaction avec les récits. Un territoire en expansion dans la recherche (théorie des jeux) dont le but est d’aider les politiques publiques à trouver les bonnes incitations pour prévenir les comportements non moraux. Traduit dans le contexte algérien et la recherche d’un plus grand civisme fiscal pour faire face à la perte des revenus de la fiscalité pétrolière, Jean Tirole s’est voulu prudent sur les données propres à chaque pays ajoutant toutefois que l’incitation, en termes de « récit positif », pour pousser les gens à contribuer est de « montrer qu’il y en a d’autres qui contribuent beaucoup » à l’effort national par le paiement de l’impôt. Il a affirmé à ce sujet que « les responsables sont tenus de donner l’exemple ». Sinon les populations disposent à leur portée de récits qui les dédouanent de la moralité vis à vis notamment du paiement des taxes.
L’Algérie a beaucoup à perdre dans le changement climatique
Jean Tirole a également évoqué le défi du changement climatique pour affirmer que le prix palier de 40 dollars la tonne de carbone émise serait un bon compromis pour obliger les émetteurs de Gaz à effet de serre (GES) à réduire leur émissions. Il a toutefois précisé qu’il était pour le principe d’égalité devant l’effort de réduction de l’émission des GES et que tous les pays devraient se soumettre à la taxe carbone, quitte à redistribuer des aides aux filières et aux pays les plus démunis. Il a prévenu, « l’Algérie a beaucoup à perdre dans le réchauffement climatique ».