Pour le secteur public, les crédits accordés sont quasiment à 100% compromis. Sans le Trésor, une telle situation déséquilibre les ratios de réserves des banques et leur solvabilité factice. En divisant ces réserves par deux, on peut garder les créances entières en l’état sans déstabiliser le ratio de solvabilité face à des réserves qui fondent.
Dans l’instruction 4-2017 du 31 juillet 2017, qui modifie et complète l’instruction 2-2004 du 13 mai 2014 relative au régime des réserves obligatoires, la Banque d’Algérie (BA) a décidé d’abaisser, à compter du 15 août en cours, le taux des réserves obligatoires des banques de la place de 8% à 4% afin de leur permettre d’injecter plus de liquidités sur le marché. Quels sont les enjeux que recèle une telle décision dans la conjoncture financière actuelle?
« Les réserves obligatoires sont une garantie calculée sur un taux de défaillance de créances, que les banques doivent provisionner sur chaque crédit émis. Elles peuvent ainsi inscrire un crédit à leur actif envers quelqu’un en usant d’une écriture au passif, qui ne correspond à aucune dette ou dépôt précis, équivalente au taux de reserves obligatoire. Pris à l’envers, à 4% de réserves, cela veut dire que la banque va pouvoir comptabiliser à son passif, pour un crédit de 1.000 dinars, 40 dinars de réserves et 960 dinars de création monétaire ex nihilo, qui ne correspond à aucun dépôt à terme garantissant l’opération entière ». C’est là le commentaire que fait de l’instruction 4-2017 du 31 juillet 2017 Ferhat Ait Ali, expert financier, précisant que « dans la conjoncture actuelle, cette baisse du taux signifie que les banques n’ont pas les réserves leur permettant d’émettre des crédits ni même de garantir leurs créances actuelles sur leurs réserves calculées à 8% ».
Un tel état de fait signifie, selon Ferhat Ait Ali, que la mesure prise par la Banque centrale a pour but, d’une part, « de ne pas bloquer les crédits » et, d’autre part, de ne pas « reconnaître la faillite pure et simple de ces banques, dont les créances sont majoritairement irrécupérables ». Mais si l’objectif recherché et non-avoué de la BA est de permettre aux banques de continuer à octroyer des crédits et, par là, d’occulter la crise qui frappe de plein fouet le secteur, les effets qui peuvent en découler peuvent être néfastes. « Sans la baisse du dinar, une telle capacité d’émission de passifs va avoir un effet désastreux sur les réserves de change, et, au plan comptable, tous ces passifs viendront se cumuler en masse monétaire M3, qui ne sera jamais résorbée faute de recouvrement des créances. D’ailleurs, c’est cette masse monétaire irrésorbable qui casse le dinar », explique M. Ait Ali. Déchiffrage : dans le gros de ce qu’on appelle crédits à l’économie, il n’y en a pas 20% de récupérables.
Pour le secteur public, les crédits accordés sont quasiment à 100% compromis. Sans le Trésor, une telle situation déséquilibre les ratios de réserves des banques et leur solvabilité factice. En divisant ces réserves par deux, on peut garder les créances entières en l’état sans déstabiliser le ratio de solvabilité face à des réserves qui fondent. Or, analyse l’expert financier Ferhat Aït Ali, « cela entraîne une dévaluation massive du dinar, parce que sans elle, si les banques tentent de transformer en dollars leurs nouvelles émissions pour payer les équipements induits par ces crédits, ce sera une débandade avec les cours actuel ». Pour éviter ce scénario, ajoute-t-il, il est recommandé d’utiliser la mesure de la BA « juste pour soutenir momentanément la comptabilité des banques, en maintenant les passifs tels qu’ils sont, et en permettant juste la réduction des garanties en réserves obligatoires ».
Pour rappel, la même mesure a déjà été prise le 15 mai 2016, lorsque la BA avait abaissé le taux de ces réserves le portant de 12% à 8% alors que, de 2004 à 2013, elle avait procédé plutôt à l’augmentation du ratio des réserves obligatoires pour absorber les surliquidités bancaires.