L’Algérie et l’union européenne ont convenu de réviser l’accord d’association qui les lie depuis 2002. L’Algérie y a perdu beaucoup d’argent et d’illusions.
Le président Bouteflika a reconnu l’échec d’un choix stratégique adopté il y a quinze ans, celui de l’accord d’association signé avec l’Union européenne. Alors que les économistes et les entrepreneurs insistaient depuis des années sur les effets négatifs de cet accord, il a fallu la baisse des recettes budgétaires, consécutive à la chute des prix des hydrocarbures, pour que le gouvernement algérien décide de revenir sur cet accord. Et même si le gouvernement s’est résolu à ce choix parce qu’il est acculé, et cherche d’abord à augmenter ses recettes budgétaires avec les taxes douanières, cette mesure « est la bienvenue », nous a déclaré un économiste.
Le conseil des ministres de mardi 6 octobre 2015 a ainsi admis la nécessité de revoir cet accord, qui « n’a pas été accompagné de la hausse attendue dans les investissements européens en Algérie », une formule soft pour évoquer le désastre qu’a représenté cet accord.
Initialement, l’accord devait faciliter à des entreprises algériennes naissantes de faire leur entrée sur le marché européen. Ce fut un échec total. Mais en parallèle, le président Bouteflika, nouvellement élu, a obtenu ce qu’il cherchait. Il pensait qu’en ouvrant le marché algérien aux produits européens, il achèterait le silence de l’Europe sur sa politique. Il a réussi son pari sur ce terrain.
Gain politique, échec économique
Par contre, sur le plan économique, le bilan est simple à faire. Les exportations européennes vers l’Algérie ont doublé, absorbant une bonne partie des revenus des hydrocarbures, alors que les exportations algériennes hors hydrocarbures et les investissements européens en Algérie se maintenaient à leur niveau d’il y a quinze ans. Résultat : l’Algérie considère aujourd’hui « nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial » de l’accord d’association avec l’Union européenne, qui « n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie ».
Seule bonne nouvelle à relever dans ce dossier, l’Europe admet cette idée de révision. « La partie européenne a officiellement notifié son accord à la demande algérienne », lors de la visite effectuée à la mi-septembre en Algérie par Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, selon le communiqué du conseil des ministres.
Cette formulation très diplomatique cache en fait une véritable débâcle commerciale. Non seulement les investissements européens sont demeurés insignifiants, mais l’Algérie a mené une politique qui a débouché sur un véritable démantèlement industriel.
Facteurs défavorables
Avec un dinar surévalué, des taxes douanières ramenées à un minimum, un climat économique délétère, et une instabilité juridique prononcée, l’Algérie offrait un terrain peu favorable à l’investissement. L’industrie algérienne balbutiante a été mise en compétition avec une industrie européenne très performante. Le résultat a été destructeur : l’économie algérienne s’est progressivement orientée vers l’import-import, abandonnant largement l’idée d’investissement productif.
Selon l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex),les exportations algériennes hors hydrocarbures vers les pays membres de l’UE, parties de très bas, sont passées de 597 millions en 2005 à seulement 2,3 milliards de dollars en 2014. Ces exportations hors hydrocarbures ont atteint 12,3 milliards de dollars en dix ans, contre 195 milliards de dollars d’importations. Un rapport de un à seize!
Sur les sept premiers mois de 2015, l’Algérie a acheté pour 15,67 milliards de dollars auprès de l’Europe, sur un total de 30,560 milliards de dollars d’importations, soit un taux de 50,62%.Au chapitre des investissements, le bilan est encore plus faible. Entre 2002 et 2014, seuls 316 projets, d’une valeur de 7,7 milliards d’euros, ont été lancés par des investisseurs européens.