L’affaire Echorouk « purement » commerciale? Elle est indéniablement commerciale. Elle est cependant loin d’être exempte de politique. Elle illustre même le flou entretenu par le pouvoir à travers une gestion « politique » des dettes des journaux.
L’affaire du journal Echourouk sommé de payer une dette d’ une soixantaine de milliards de centimes aux imprimeries publiques, est « purement commerciale » a affirmé mercredi le ministre de la communication, Hamid Grine.
La sommation a été faite – via les imprimeries – après que la chaîne Echourouk News a diffusé une interview de Mme Salima Ghezali, tête de liste du FFS à Alger, après la fin officielle de la campagne électorale.
Sur la Radio Chaine 3, l’échange entre Hamid Grine et Souhila Hachemi sur le sujet obéit aux règles immuables de la dénégation.
La journaliste pose la question de savoir si les problèmes d’Echorouk a un lien avec le passage de Salima Ghezali, hors campagne et le ministre qui répond : « Cela n’a aucune relation avec ce problème, madame. Merci de me permettre de clarifier ce point. C’est une affaire purement commerciale ».
La dette du journal d’Ali Fodhil était de notoriété publique – la seule nouveauté est que le ministre vient de la chiffrer de manière un peu plus précise – depuis des mois. Les autorités n’ont guère éprouvé jusque-là le besoin d’adresser une sommation publique à Echourouk (et à d’autres journaux) de s’en acquitter.
La réprimande légale à l’égard d’Echourouk au sujet de l’interview de Salima Ghezali a été formulée par l’autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) qui a publié un communiqué pour souligner la « gravité » du dépassement.
Par contre, la sommation à payer les dettes aurait pu être faite depuis des mois sans attendre la « colère » suscitée par l’affaire Salima Ghezali. Elle aurait pu tout autant attendre que les élections législatives passent.
La « main de la politique »
La dette commerciale importante détenue par les imprimeries sur le journal Echorouk suscitait d’ailleurs dans les milieux des médias un sujet de discussion.
Beaucoup d’observateurs considéraient que la « main de la politique » empêchait les imprimeries d’agir normalement en acteur commercial à l’égard d’Echourouk et d’autres journaux.
Dans le cas des dernières péripéties, il est difficile de croire qu’à la veille des élections législatives, les imprimeries se sont mises soudainement dans une posture purement commerciale pour réclamer leur dû à l’égard d’Echourouk.
Ce qui a du se passer est un classique : les autorités ont signifié aux imprimeries qu’il n’y a plus d’obstacles politiques à réclamer le paiement des créances. Le fait que l’imprimerie d’Alger n’ait même pas attendu l’après élection en fait même un signal délibéré qui a valeur d’avertissement aux autres.
Les propriétaires de journaux comme les journalistes n’ignorent rien de cette gestion politique des dettes. Le flou entretenu par le pouvoir – et au détriment des entreprises publiques d’impression – entre raisons commerciales et gestion politique des journaux trouve ici une parfaite illustration.
Hamid Grine a beau jeu de faire valoir que les imprimeries ont été « extrêmement tolérantes, flexibles et indulgentes ». Il est moins convainquant quand il dit leur en avoir « voulu pour cette tolérance (…). »
En réalité, la dette d’Echourouk est indéniable. Ce qui est indéniable aussi est que les imprimeries, sans injonction politique, n’auraient jamais laissé les dettes des journaux s’accumuler au point de mettre en péril leurs entreprises.
C’est pourtant le cas depuis des années et ce qui donne la forte conviction que le moment choisi pour réclamer leur dû est toujours « politique ». Même si les autorités le nient.