Le début de l’été n’est pas porteur de bonnes nouvelles économiques pour l’Algérie. Le prix du pétrole a stoppé sa remontée en juin et reste bloqué dans une trappe sous les 50 dollars. La conjoncture économique européenne, en redressement depuis un an, est au bord d’une rechute avec le Brexit et annonce une poursuite de la stagnation de la demande énergétique. Enfin, sur le plan interne le financement du déficit budgétaire par la collecte de l’épargne domestique, à travers l’emprunt national, s’achemine vers un résultat décevant.
Les mauvaises nouvelles, comme les bonnes, n’arrivent donc jamais toutes seules. L’espoir secret du gouvernement algérien de voir le prix du pétrole gagner une année sur les prévisions de raffermissement et rejoindre les 70 dollars dès le 3ème trimestre 2016 a été froidement douché en juin. Le niveau des stocks américains a montré début juillet, une résistance à la baisse des excédents. Le marché attendait 7 millions de barils en moins (en stock américain), il y en a finalement eu que 2,2. Les cours sont immédiatement repartis à la baisse et promettent de faire des 50 dollars un plafond de verre durant le reste de l’été. Le nouveau ministre de l’énergie Saoudien en a profité pour enfoncer un coin en déclarant que le marché pétrolier avait atteint son point d’équilibre. Il faut donc se résoudre à l’idée qu’un baril oscillant entre 45 dollars et 50 dollars satisfait les plans de Ryad a moyen terme. Assez faible pour maintenir le pétrole non conventionnel hors marché, et pas trop faible au risque de faire fondre trop vite les réserves de change saoudiennes. La sentence est donc là. Le pétrole a fait une escapade sous les 30 dollars au début de l’année qu’il a effacé lentement pour revenir à un plateau de marché, sous les 50 dollars le baril, qui sera probablement celui qui va nous accompagner en 2016 et peut être en partie en 2017. Le Brexit en réduisant les perspectives de croissance dans l’espace européen milite dans le même sens. Il ajoute par le dopage automatique du dollar, face à l’affaissement de la livre et l’incertitude sur l’Euro, une décote au prix du pétrole. Le gouvernement algérien a suivi le référendum britannique du coin de l’œil. Chaque jour qui passe depuis le non à l’UE de l’UK montre qu’il s’agit bien d’une relative mauvaise nouvelle pour les finances publiques algériennes dans le terme des 12 prochains mois. Or dans le calcul assumé des autorités d’Alger, il y’a trois années à tenir, au delà desquelles les choses devraient repartir dans le bon sens avec un retour du prix du baril aux alentours des 80 dollars, l’expert en énergie Mourad Preure n’excluant pas un choc haussier autour de 2020 à cause du désinvestissement actuel dans l’amont pétrolier. Les mauvaises nouvelles de ce début d’été contredisent ce scénario des « trois ans à passer ». Nous sommes, en ce début juillet 2016 pile poil au milieu des trois années dures à tenir 2015-2016-2017 et rien n’indique le chemin de la reprise à fin 2017. L’attitude des saoudiens qui se déclarent satisfait du cours actuel veut dire qu’ils le défendront autant contre la baisse que contre la hausse. De même que le Brexit apporte une onde longue de perturbation des marchés qui brouille le cycle de remontée des cours attendu vers 2018. Pour clôturer ce concert de mauvais indicateurs, les moins de 300 milliards de dinars collectés après plus de deux mois du lancement de l’emprunt national sont décevants. Ils représentent moins de 15% des besoins de financement d’un déficit budgétaire pour 2016 d’au moins 2700 milliards de dinars. Le gouvernement échoue d’autant plus lourdement dans la mobilisation de l’épargne domestique, qu’il a du s’appuyer quasi exclusivement sur les excédents de trésorerie existants déjà dans le circuit bancaire. La solidarité nationale, encouragée par 5% de rémunération, fonctionne à la marge pour ce qui est des détenteurs de liquidités hors circuit formel. Cette incapacité à les recycler à l’occasion d’un tel emprunt est fort préoccupante. Elle fausse les plans officiels. D’autant que l’Etat comptait sans doute revenir les années suivantes pour solliciter cette épargne à nouveau et faire face aux déficits structurels qui s’est installé. Le mot est donc lâché. Cet été montre déjà que l’écart entre les revenus de l’Etat et ses dépenses est structurellement ancré sur le déficit. Une histoire de moyen long terme. Les trois ans à tenir sont en fait une décennie. Par où donc commencer la sortie du déni ?
La loi de finance de 2017 va cristalliser brutalement ce réveil face au destin Vénézuélien qui attend l’économie algérienne. Les critiques nombreuses et persistantes des experts sur le retard pris par l’ajustement et la réforme algérienne face au contre choc pétrolier voulaient toutes éviter ce scénario. Celui du choc brutal à la baisse des dépenses publiques. Ignoré dans la loi de finance de 2015, amorti dans celle de 2016, l’ajustement de la demande domestique à l’offre de biens et services réelle a été massivement reporté vers la dernière année de la période supposée englobée le contre choc. C’est aux arbitrages de la loi de finance pour 2017 d’assumer donc ces deux reports de 2015 et en partie de 2016. D’après les premiers échos qui ont filtré du ministère des finances, le budget d’équipement de l’Etat devrait connaître une baisse spectaculaire en 2017. L’Etat s’apprête à redimensionner sévèrement ses investissements publics pour ne pas avoir à trop rogner sur les dépenses de fonctionnement, plus délicates politiquement à traiter. C’est là également un arbitrage qui n’est pas recommandé par une majorité d’expert qui indiquent (voir papier Meddahi-Boucekkine) que c’est ce type de choix qui a fait exploser le chomage en 1986-87 lors du précédent grand contre choc pétrolier. D’autres options existent afin d’entamer sérieusement un ajustement dont la force tellurique enfle proportionnellement à la rétention temporelle de son onde. La principale est bien sur celle qui fait fondre le budget ses subventions indirects, dans son poste énergétique mais pas seulement. Il s’agirait de réduire les dépenses de l’Etat sans toucher à l ‘emploi et surtout en diffusant une incitation contre le gaspillage des ressources. La décision de Abdelmalek Sellal de masquer, lors de la dernière réunion de la tripartite, le document prospectif produit par la task force auprès du premier ministère laisse penser que c’est cette option qui est privilégiée dans le plan de cadre triennal du budget proposé. Une fois de plus, les premiers gestes de secours de l’économie algérienne buttent sur le véto présidentiel. Le massacre du budget d’équipement plutôt qu’un peu plus d’inflation pour rationaliser la consommation des carburants, de l’électricité, de l’eau, du pain, du sucre ou du crédit bonifié.
L’Algérie n’était pas le Venezuela au début de l’année 2016. Elle ne le sera pas non plus à la fin de l’année. Mais elle a passé la moitié de l’année à mettre ses pas dans ceux de l’économie Vénézuélienne. 130 milliards de dollars de réserves de change cesseront de protéger l’Algérie d’un choc récessif avant même de s’épuiser. Car ce qui va dicter la conjoncture interne c’est le déficit du budget de l’Etat et la capacité de l’Etat à le réduire, le financer opportunément, puis le faire disparaître. Sur ce front les inquiétudes sont grandes. L’économie informelle ne veut rien ou presque rien rendre à l’Etat. Dans le très court terme de 2016-2017, la décision politique lucide qu’un gouvernement non assujetti à un hologramme présidentiel, devrait prendre est de récupérer l’épargne informelle par un mixte de contrainte et de liberté. Changer une partie des billets de banque pour la partie contrainte, s’approcher de la vérité des prix pour une partie des biens et services subventionnés par l’Etat. C’était déjà la problématique des gouvernements Hamrouche, Ghozali et Abdeslam avant le passage sous tutelle du FMI. Les Algériens ne font pas confiance au pouvoir Bouteflika et ils ont raison. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut laisser les choses en l’Etat pour revenir à la case FMI, comme l’est le Vénézuela aujourd’hui. Changer les billets de banques et libérer en partie le prix ? Il faut être fort politiquement pour le faire. Fort comme le gouvernement grec de Syriza de Monsieur Tsipras. Pourquoi attendre de passer du Venezuela à la Grèce ?