Pour financer son déficit budgétaire de 2016, l’Etat algérien s’achemine vers une grande opération ouverte durant 6 mois pour récupérer plusieurs milliards de dollars d’épargne grise.
Le grand emprunt national se précise. L’opération annoncée par le Premier ministre le 2 mars dernier donnera lieu à l’émission d’un coupon au porteur qui ne sera pas coté et donc pas inscrit sur les comptes. « C’est l’équivalent d’un bon anonyme, de la quasi-monnaie que l’on peut utiliser pour nantir des crédits ou comme moyen de paiement », a expliqué un expert financier à Maghreb Emergent.
De nombreuses sources proches du ministère des Finances ont permis de recouper les détails de ce projet de grand emprunt national. « Le guichet restera ouvert durant six mois, ce qui n’est pas le propre d’un emprunt obligataire. L’argent qui ne sent pas bon pourra venir se convertir en bons anonymes et obtenir une rémunération de 5%. C’est la grande lessiveuse. C’est très attractif et cela devrait aspirer des grands montants de l’économie informelle », estime la même source.
Dans un premier temps, la communauté des experts financiers de la place redoutait que l’emprunt national, dont il se dit qu’il pourrait viser l’équivalent de 10 milliards de dollars, ne provoque un « effet d’éviction » en privant de ressources les entreprises algériennes qui recherchent un renforcement de leurs fonds propres sur le marché financier.
Ne pas toucher aux ressources déjà bancarisées
Ce risque de détournement de l’épargne institutionnelle au profit de l’émission souveraine de bons du Trésor semble donc s’éloigner. Farid Bourenani, expert financier et conseiller du groupe Cevital, a évoqué mardi dernier sur Radio M les deux options qui se présentaient dans cette opération, avant que ne se précise l’une d’entre elles. Dans le cas d’un emprunt souscrit essentiellement par les investisseurs institutionnels, « les montants récupérables sont certains mais risquent d’être limités et de réduire les ressources bancaires disponibles pour l’investissement des entreprises voire pour les futurs emprunts obligataires annoncés par les entreprises publiques ». S’il s’agit, en revanche, de « lever l’argent de l’informel en masse », des « titres au porteur, comme les bons de caisse anonymes, permettraient sans doute de collecter des ressources nettement plus importantes avec le mérite supplémentaire de ne pas toucher aux ressources déjà bancarisées ».
Le directeur de la Bourse d’Alger (Société de gestion de la bourse des valeurs, SGBV) a émis en début de semaine le souhait de voir l’émission de l’emprunt national passer par la Bourse. Selon les sources différentes qui ont organisé des fuites sur ce sujet tout au long de cette semaine, c’est la voie de l’opération de récupération des capitaux informels qui a été privilégié pour financer les déficits publics.