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Algérie: « L’objectif de réduire la facture des importations de 10 milliards $ en 2017 semble compromis » – Mourad El Besseghi

Par Maghreb Émergent
août 30, 2017
Algérie: « L’objectif de réduire la facture des importations de 10 milliards $ en 2017 semble compromis » – Mourad El Besseghi

 

Le recours à l’endettement extérieur étant exclu, le gouvernement n’a pas d’autre choix que de rechercher à équilibrer la balance commerciale, souligne l’expert financier, Mourad El Besseghi qui estime que l’objectif de réduire la facture des importations de 10 milliards de dollars en 2017 semble «compromis »

 

Le régime des licences d’importation est entré en vigueur en décembre 2015. L’objectif de sa mise en place est de limiter les importations. Est-il judicieux d’appliquer une mesure administrative pour gérer une situation économique?

Le décret exécutif n° 15-306 du 24 Safar 1437 correspondant au 6 décembre 2015 fixant les conditions et les modalités d’application des régimes de licence d’importation ou d’exportation de produits et marchandises était motivé par une volonté des pouvoirs publics de contrôler les importations et de susciter les exportations hors hydrocarbures. Devant la chute des recettes en devises conséquemment à la chute des cours des hydrocarbures, il était absolument nécessaire d’organiser les transactions avec l’extérieur pour éviter d’aggraver davantage le déficit de la balance commerciale.

En effet, les importations de produits (tout produits confondus) ont sensiblement augmenté durant la dernière décennie. Nous étions en face d’une facture annuelle incompressible en 2003 de 13 milliards de dollars et on se retrouve en 2014 avec un volume d’importation qui avoisine les 59 milliards de dollars, soit quasiment le quintuple. Ces importations ont certainement été dopées par l’aisance financière que le pays a vécue durant cette période, grâce aux prix des hydrocarbures qui avaient atteint des pics très «ensorcelants ».

Bien présentement, ce volume a légèrement diminué à 47 milliards de dollars en 2016, nous restons très en deçà  du niveau requis qui tiendrait compte de la chute des recettes.

Prenez l’exemple des produits alimentaires, ils ont augmenté d’une manière qui est  proportionnelle à l’accroissement de la population. Ceci peut être révélateur de situations anachroniques qui ne sont pas générées par des phénomènes naturels. La fuite aux frontières, le gaspillage, les problèmes de distribution,…qui doivent être réglés par des mesures administratives destinées à corriger le tir.

La « main invisible » d’Adam Smith restera sans aucun doute la règle d’or pour organiser le marché, mais je pense que toute situation économique peut être corrigée par des dispositions réglementaires. Tous les pays, même les plus nantis, ont recours à ce type de démarches, pour corriger certains effets pervers apparus dans l’appareil économique. Les barrières douanières, les ajustements tarifaires, les subventions internes, les encouragements fiscaux,… sont autant de mesures qui ont pour objectif principal d’apporter des ajustements, sauf que les effets de ces mesures doivent  être limités dans le temps et ces mesures abrogées dés que les raisons qui ont motivé leur mise en œuvre ont disparus.

 

                                        Une improvisation sans cohérence d’ensemble 

 

Certains secteurs sont pénalisés par les restrictions à l’importation, notamment les usines de transformations de certains produits importés comme les papiers, les légumes et les fruits secs, etc. A quelle logique obéit la mise en place du régime des licences ?

La décision de soumettre certains produits au régime des licences d’importation fait partie de la série de mesures prises par le gouvernement dans l’optique de faire face à la crise économique que traverse le pays.

Il n’a jamais indiqué clairement quel était le raisonnement dans le choix des produits à soumettre aux licences d’importation. Les produits à soumettre aux licences ont été distillés progressivement sans que l’on comprenne la logique qui a prévalue pour soumettre au contingentement tel ou tel produit. Aux yeux du citoyen lambda, l’impression qui se dégageait est celle de l’improvisation sans cohérence d’ensemble.

Les produits étaient soumis au fur et à mesure mettant les opérateurs économiques en difficulté et engorgeant les ports et aéroports au point de l’asphyxie.

Les banques étaient instruites par d’autres canaux, pour suspendre les domiciliations de certains produits. Les autres opérateurs tels que les douanes également avec le lot de mesures bureaucratiques et d’interprétations des instructions qui ont gêné les véritables producteurs concernés par des sous-produits qui entrent dans les différents processus de production.

Au début de la chaine, le régime des licences devait répondre à une logique qui avait pour sous-bassement, la réduction des importations ou la rationalisation des achats et la diversification des exportations. Sur ce dernier point, l’effet a été nul, puisque nous sommes toujours quasiment avec les mêmes volumes (1,7 milliards de dollars en 2016 en régression par rapport à 2015 qui se situait à 2 milliards de dollars). Par contre, les importations ont été réduites sensiblement passant de 51 milliards de dollars en 2015 à 47 milliards de dollars en 2016.

L’objectif de réduire encore cette facture de 10 milliards en 2017 par rapport à 2016, semble être compromis si l’on tient compte des dernières statistiques sur les sept premiers mois de 2017, qui affichent une baisse de seulement à de 4, 4 milliards de dollars sur les sept premiers mois.

A partir de là, il est difficile de prétendre que la baisse des importations n’est pas le fruit de l’introduction du régime des licences d’importation et du contingentement.

L’enjeu est d’équilibrer la balance commerciale en exportant autant que nous importons  ou de limiter arbitrairement les importations en créant des situations de monopole parmi les importateurs et des pénuries dans le marché algérien ?

Nous ne sommes pas dans une situation devant laquelle se présentent plusieurs choix à faire. La réduction des importations est un impératif incontournable pour dépenser ce que nous gagnons et pas au-delà. A l’instar d’un ménage, il faut adapter, accommoder notre mode de vie avec nos ressources

Il ne faut pas perdre de vue que le recours à l’endettement extérieur est écarté selon une directive claire du président de la république et donc la recherche de l’équilibre est la voie royale qui mènerait vers une solution qui ne remettrait pas en cause la souveraineté du pays dans ses prises de décisions.

Il est certain que cette démarche engendrerait des difficultés et des maux qui sont à gérer. Par exemple, il faut s’attendre au retour à l’importation par le biais de « la valise », aux perturbations du marché et de la concurrence, aux surcouts, à la mauvaise gestion, à la corruption, etc. 

Pourquoi le Gouvernement ne veut pas supprimer le régime des licences et instaurer des barrières tarifaires et non tarifaires, pratique en usage dans tous les pays, pour stopper les importations massives ?

Il ne faut pas perdre de vue que l’Algérie aspire à une entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce et qu’elle est liée par des accords internationaux (accord d’association avec l’Union Européenne, ZALA ou accord de libre échange avec les pays arabes…) et que l’introduction des barrières douanières et des tarifications propres  ne seraient pas cohérentes vis-à-vis de nos interlocuteurs de ces organisations.

La liberté de commerce et d’industrie est le socle de la politique économique du pays. Comme c’est le cas dans de nombreux pays, la législation algérienne a introduit, au cours d’une période transitoire, le régime des licences d’importation et d’exportation pour mettre à niveau son outil de production pour gérer cette limitation à cette liberté, qui sera rétablie aussitôt que ces situations difficiles seraient dépassées. Ainsi présenté, le régime des licences est donc plus acceptable vis-à-vis des organisations internationales.

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