Nouvelle conférence pour encourager les exportations en Algérie, le 30 et 31 mars prochains. Un rituel bien rôdé, durant lequel seront préconisées les mêmes mesures administratives inefficaces, car l’économie algérienne reste fondamentalement orientée vers l’importation.
Une conférence destinée à encourager les exportations algériennes sera organisée le 30 et 31 mars à Alger. Une large participation y est attendue, avec la présence des opérateurs publics et privés, de nombreux experts, ainsi que des organismes d’appuis à l’économie. La rencontre ne devrait toutefois guère échapper au rituel des conférences économiques algériennes. Les griefs traditionnels contre l’administration y seront martelés, des revendications seront présentées, des recommandations finiront pas être adoptées, sans toutefois toucher aux questions de fond qui condamnent l’économie algérienne à demeurer structurellement importatrice, décourageant toute idée d’exportation.
La rencontre n’échappera pas non plus à l’effet de mode. Elle sera notamment marquée par de nombreux discours sur les opportunités offertes par le marché africain, thème très en vogue actuellement. Quelques produits algériens, très demandés en Afrique, ont suscité cet intérêt, mais la démarche reste structurellement délicate : pas de réseaux, pas de banques, pas d’appui logistique, pas de souplesse pour répondre aux aléas du marché, ce qui constitue une série de handicaps insurmontables pour les exportateurs algériens.
Les exportations algériennes hors hydrocarbures ont atteint 2.8 milliards de dollars en 2014. Elles restent toutefois dominées par des dérivés d’hydrocarbures. Dix exportateurs assurent 85% de ces exportations, parmi lesquelles près de 300 millions de dollars de sucre exporté par Cevital, ainsi que des dattes et des boissons, une branche qui commence à émerger, avec 34 millions de dollars d’exportations.
Avec la baisse des prix du pétrole et une balance commerciale qui a enregistré un déficit de 340 millions de dollars durant les deux premiers mois de 2015, l’urgence est déclarée. Mais le gouvernement et les opérateurs ont les yeux rivés sur le volet administratif, alors que les exportations sont handicapées par les choix économiques fondamentaux du pays. La parité du dinar, nettement surcoté, est ainsi au cœur du dispositif qui empêche les produits algériens d’être compétitifs. Le gouvernement ne peut pas s’y attaquer, parce que la politique du président Abdelaziz Bouteflika, basé sur l’achat de la paix sociale, impose une monnaie surévaluée pour faciliter les importations et garantir l’approvisionnement du marché grâce à l’argent des hydrocarbures. Aucun opérateur n’ose remettre en cause cet élément déterminant, un dogme qui induit tout le reste.
Mesures techniques insuffisantes
Dès lors, les opérateurs se contentent d’énumérer les mesures qui leur semblent nécessaires, sans se rendre compte de leur inefficacité dans un tel contexte. Ali Bey Nasri, président de l’Association des Exportateurs algériens, a d’ailleurs appelé lundi qu’une tripartite avait déjà été consacrée aux exportations. Une soixantaine de mesures avaient été décidées, sans donner de résultat probant. Le conseil consultatif de promotion des exportations, envisagé par une loi en 2004, n’a toujours pas été créé, ce qui montre bien que les exportations ne font pas partie des priorités du gouvernement.
Il faut « tout remettre à plat », affirme M. Nasri, reprenant les commentaires de la banque d’Algérie, qui considère que « la situation actuelle est intenable », et qu’il y a « nécessité impérieuse » de changer la donne pour rééquilibrer la balance commerciale.
Sur le plan technique et réglementaire, les mesures à initier sont relativement bien identifiées par les opérateurs. Cela inclut la connaissance des marchés, la présence des banques algériennes sur les marches cible, la mise en place de réseaux et de logistique, et la levée de toutes les mesures pénalisantes. M. Nasri insiste ainsi sur le côté pénal : des opérateurs ont été condamnés à des peines de prison pour ne pas avoir rapatrié les produits de leur vente dans les délais légaux.
Parité du dinar et démantèlement tarifaire
L’efficacité de toutes ces mesures reste toutefois aléatoire dans le contexte général de l’économie algérienne, organisée pour encourager les importations. Au cœur du dispositif, la parité du dinar, surcoté, qui rend les produits algériens non compétitifs.
A cela s’ajoute le démantèlement tarifaire. L’accord d’association avec l’Union européenne a ainsi disqualifié des pans entiers de l’industrie algérienne, qui ne peut être compétitive face aux capacités d’organisation, de financement, de recherche et d’exportation de l’industrie européenne.M. Nasrireconnait d’ailleurs que « les produits manufacturés algériens ne sont pas compétitifs ». La situation est si grave que l’industrie algérienne assure désormais moins de 5% du PIB.
Très décrié, l’accord de libre-échange au sein de la zone arabe constitue lui aussi une autre source de tracas. Beaucoup de pays arabes, ayant de longues traditions dans le commerce, se contentent de mettre une étiquette à un produit fabrique en Asie pour l’écouler en Algérie. Le dispositif a été partiellement démantelé, des exceptions ont été introduites, mais il s’agit de mesures parcellaires, sans incidence notable.