La fuite des cerveaux durant la dernière décennie du Maghreb vers les pays de l’OCDE s’est accélérée, affirme Dr Mohamed Saïb Musette. Lors de la présentation d’une étude du CREAD sur la fuite des cerveaux mardi dernier à Alger, le sociologue a expliqué que cette fuite s’est parfois traduite par un gaspillage de cerveaux, le « Brain Waste » : une surenchère du lexique qui traduit la réalité migratoire dans nos pays. Et la tendance va se poursuivre.
Au 1 er janvier 2014, la population européenne a été estimée à 507 millions de personnes. L’accroissement naturel de cette population représente 80 000 personnes et le solde migratoire 700 000 ! Les pays du nord vont continuer à compenser les naissances, par des soldes migratoires très importants. Dans ce décompte, quelle est la part des étudiants algériens ? 24 000 sont à l’étranger sur un effectif de 1,2 millions. Au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) on banalise ce chiffre et on recadre le débat sur le défi de l’immigration chez les futurs universitaires diplômés.
L’Algérie comptait en 2011, 27 000 étudiants dans les pays de l’OCDE, soit 23% de l’ensemble des étudiants maghrébins. Les données de l’UNESCO (2014) donnent un volume de 23 298 étudiants concentrés dans huit pays, avec 88% en France. Ce volume ne représente qu’une très faible proportion (à peine 2%) par rapport à l’effectif des étudiants inscrits dans les établissements de formation supérieur en Algérie. Il faut Organiser l’immigration, dans le sens des départs ou des arrivés, selon Mohammed Saïb Muzette spécialiste de la question des migrations internationales. L’organiser, c’est la maitriser, l’accompagner, l’humaniser, la libérer pour apaiser aussi la souffrance intime du déracinement.
Le visage de la migration algérienne a changé. Celle-ci est plus réfléchie, plus qualifiée, plus apaisée par le reflux de la violence des années 90. Pourtant sa croissance a doublé. Le centre de réflexion américain Pew Research Center qui se basait sur les données de la division Population des Nations-Unies comptait 790 000 départs vers la France dans les années 90. Un chiffre en constante évolution jusqu’à atteindre les 1,46 millions en 2013 et 1,71 millions, selon les dernières données du CREAD. Et depuis 2011, ils sont plus nombreux à couper les ponts, aidés par les politiques de visas qui les installent durablement.
Qui sont ces nouveaux migrants algériens ?
En France, il y a un volume important d’Algériens qualifiés. Ils sont 139 000 émigrés qualifiés sur un total de 454 000 émigrés environ, soit 31% des effectifs migratoire. Un taux nettement supérieur à la moyenne observée dans les pays de l’OCDE. Trois lectures ressortent de l’étude du CREAD. La première, la plus rigoureuse, note-t-on, est celle qui considère la fuite de cerveaux à partir du niveau de la licence, d’ingéniorat et d’un diplôme de médecine. Sur cette base, ils ne sont que 52 800 diplômés, avec 33% de médecins, 27% des ingénieurs et 33% ayant au moins une licence. Une autre acception légère peut être faite, commente le rapport, en intégrant aussi les niveaux Bac+2, ce qui donne un taux de 68% qui détient un diplôme supérieur à un BAC+2 années d’études universitaires.
Selon la catégorie socioprofessionnelle, 34% d’Algériens installés en France sont des cadres ou exercent des professions intellectuelles, contre 14% qui sont des « employés ». Cependant le «Brain Waste » absolu n’est pas absent : 6% des immigrés « qualifiés » faisant le métier d’ouvrier. Il y a aussi le « Brain Waste » relatif, non mesurable encore, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveaux inférieurs à leurs qualifications. Le niveau des salaires peut être un indicateur.