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Algérie – La semaine où l’on apprend que le conseil national de l’énergie se réunit secrètement

Algérie Energie Bouterfa
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Le virage vers le gaz de schiste n’a jamais été une décision isolée du ministre de l’Energie Youcef Yousfi. Et si tel était le cas, elle a suscité par la suite une délibération au sein du CNE, lorsque la résistance citoyenne des habitants du Sud s’est précisée.

L’information économique de la semaine est explosive. Symptomatique de la déliquescence du 4e mandat. C’est à Nourredine Bouterfa, PDG de Sonelgaz, et au nouveau magazine algérien dédié à l’énergie, «Oil and Gas Business», que nous devons cette «perle». Au milieu d’un grand entretien très instructif sur la vision d’avenir du patron de Sonelgaz au sujet de la transition énergétique algérienne, une question fuse : «Pourquoi le Conseil national de l’énergie ne se réunit-il pas sur des questions posées actuellement avec acuité ?». Et la réponse est déroutante. Le PDG de Sonelgaz révèle, après les précautions d’usage, que le CNE se réunit secrètement.

Ce n’est bien sûr pas son expression. Mais le sens est quasi similaire. Que l’on en juge «…Je sais qu’il se réunit sans que ses décisions ne soient rendues publiques, puisque je peux attester de deux réunions auxquelles j’ai assisté. Il doit se réunir selon des impératifs précis à des moments précis». Le Conseil national de l’énergie (CNE) est présidé par le chef de l’Etat et se compose de six ministres, en plus du Premier ministre. Il est en charge de la stratégie énergétique. Comment peut-il se réunir sans que les Algériens n’en sachent rien ? L’énorme «fuite» lâchée par «Oil and Gas Business», dont ce n’était sans doute pas le but de faire du sensationnel, rend bien compte de l’avancée prodigieuse de l’informel jusqu’au sommet de l’Etat.

Bien sûr, le PDG de Sonelgaz n’a pas été repris par les interviewers sur les dates de ces réunions «secrètes» et sur leurs ordres du jour. Une lecture vient de fait aux esprits. Le virage vers le gaz de schiste n’a jamais été une décision isolée du ministre de l’Energie Youcef Yousfi. Et si tel était le cas, elle a suscité par la suite une délibération au sein du CNE, lorsque la résistance citoyenne des habitants du Sud s’est précisée. Une récente réplique du professeur Abdelatif Benachenhou prend tout son sens après la révélation de Nourredine Bouterfa sur les réunions cachées du CNE.

Face au reproche qui était fait à Chakib Khelil d’avoir opté pour une politique d’hyper production de gaz au prix de l’effondrement de Hassi R’mel, l’ancien ministre des Finances de Bouteflika, avait affirmé : «Khelil ne décidait pas seul». La politique énergétique de l’Algérie est donc une affaire maçonnique depuis de longues années. Elle se décide dans une loge informelle.

Mais prévue par la loi. De très nombreux spécialistes du secteur déploraient ces dernières années que le CNE ne se réunit plus depuis l’ère de Liamine Zeroual. Il faut donc se réveiller et bien réaliser que le président Bouteflika a réuni plusieurs fois les ministres concernés — dont ceux de la défense et des Finances, en plus du principal concerné — sans que l’opinion nationale n’en sache rien.

Conscient de la gravité du procédé, Nourredine Bouterfa a tenté de justifier la discrétion du CNE ainsi : «Tout le monde veut glaner des informations, le problème est de savoir quelle est la limite entre l’information et l’intelligence économique. Or, si on ne donne pas cette information, on est accusé de rétention de l’information. La question est de savoir quel usage fait-on de ces informations ?» Tout le monde sait maintenant où «la rétention de l’information» sur l’option «opérationnelle» gaz de schiste a conduit l’Algérie, avec la montée d’un irrédentisme sahraoui sans précédent.

 

La journée d’audience sans lendemain du procès de l’autoroute Est-Ouest a révélé à l’opinion un maillon de la chaîne de valeur dans les grands contrats des années Bouteflika : le facilitateur. C’est un peu ainsi que se présente Chani Medjoub, l’accusé principal dans ce scandale d’Etat. Le parcours de cet homme âgé aujourd’hui de 62 ans est emblématique de l’organisation des filières d’influence au cœur de l’interface Entreprise-décideur politique. Chani Medjoub a été longtemps commis de l’Etat.

Il a notamment dirigé le Palais du peuple, dans les années 90’ et participé à des montages financiers en faveur du secteur de l’hôtellerie auquel le rattachait une proximité avec un homme d’influence du sérail, Abdelhamid Melzi, directeur au long cours des résidences de l’Etat. L’homme que les Chinois de CITIC ont choisi via le Français Pierre Falcone pour approcher les décideurs algériens est un homme du système.

Capable d’identifier les bons leviers. Les interlocuteurs qui comptent. Il y a dans son sillage au box des accusés une kyrielle d’intervenants et des subalternes du secteur des Travaux publics. Mais pas Amar Ghoul, le ministre en charge du projet de l’autoroute Est-Ouest. Le signal est assez clair. La justice considère que le circuit des pots-de-vin n’a touché que le maillon de l’exécution. Un casting de seconds rôles qui met Chani Medjoub en position de «grand satan» du dessous de table. Là intervient le libre arbitre du prévenu. Il connaît le système et ses réflexes. Il a deux options. Faire profil bas et se résoudre, au risque d’une condamnation exemplaire.

Ou raconter par le menu son rôle d’intermédiaire et comment il a réussi à faire avancer le ticket CITIC-CRCC dans le maquis du plus grand chantier de l’Algérie indépendante. Le choix d’être défendu par Me William Bourdon, ténor de la défense des droits de l’homme honni par le pouvoir algérien, annonce la couleur. Chani Medjoub prépare une défense de rupture. Qui pourrait faire du procès de l’autoroute Est-Ouest le vrai procès des années Bouteflika. Si jamais il finit par se tenir.

 

La fièvre algérienne de l’automobile amorce une inflexion. C’est une bonne nouvelle. C’est le Salon de l’automobile d’Alger qui l’apporte. Moins de visiteurs que l’année dernière. Difficile d’être tout le temps concerné. Les salaires se tassent. Les rappels sont passés. Et les prix du neuf repartent à la hausse. Le résultat d’une directive gouvernementale. Le nouveau cahier des charges qui impose de nouveaux équipements de sécurité à toutes les voitures importées réduit la part du low coast dans l’offre. Le glissement du dinar de ces derniers mois face au dollar autant que face à l’euro a fait le reste.

C’est sans doute le moment de réfléchir à une autre politique de la mobilité que celle du tout-automobile, qui a asphyxié les centres-villes. Et qui, couplée au carburant hyper-subventionné a appauvri l’Algérie de plusieurs milliards de TEP, qui manquent déjà à la balance commerciale aujourd’hui.

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