Brahim Djamel Kassali, président de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR), pense que le bilan de l’exercice 2016 devrait montrer une légère progression du chiffre d’affaires tirée surtout, je pense, par les assurances de personnes et les assurances des risques industriels. La croissance de ce secteur en 2015 n’a pas dépassé 2%.
Maghreb Emergent : Quels sont les enseignements que vous tirez de l’évolution des assurances ces dernières années en matière de primes et d’indemnisations ?
Brahim Djamel Kassali : Le secteur des assurances a enregistré une activité soutenue au cours de ces dernières années. Au plan de la production d’abord, et en corrélation avec le développement économique de notre pays, son chiffre d’affaires global a fortement progressé durant la période 2005/2015, passant de 41,6 milliards en 2005 à 127,9 milliards de DA à fin 2015, soit un taux d’évolution globale de 207,5 % et un taux d’évolution moyen annuel de 12%. Ces taux de progression sont particulièrement remarquables, même si, il faut le reconnaître, le potentiel assurable en Algérie est très important et encore insuffisamment couvert.
Le développement conséquent du chiffre d’affaires est la résultante des efforts consentis par les sociétés d’assurance pour étendre leur réseau de distribution, offrir de nouveaux produits et services assurantiels, et d’une manière générale améliorer la qualité de service. Le réseau de distribution des sociétés d’assurance s’est, en effet, fortement développé puisqu’il est passé d’environ 1.230 agences en 2005 à 2.223 agences en 2015.
A ce réseau d’agences s’ajoutent les nouveaux points de vente ouverts par les sociétés d’assurance au titre de la bancassurance, avec environ 750 guichets d’assurance auprès des banques. Sans oublier l’évolution conséquente du nombre de courtiers d’assurance qui est passé de 20 en 2005 à 38 en 2015. Ceci a permis aux sociétés d’assurance de se rapprocher davantage des citoyens et de leur faciliter la souscription des polices d’assurance.
De nouveaux produits et services assurantiels plus attractifs et mieux adaptés aux besoins de la clientèle ont, par ailleurs, été mis en place au cours de la décennie passée, et particulièrement en matière de services d’assistance dans les quatre lignes de métiers de l’assistance, à savoir : l’automobile, le voyage, la santé et l’habitation.
Et plus récemment, les sociétés d’assurance se sont lancées dans le numérique avec une offre de prestations diverses et qui se développent de plus en plus.
Les devis en ligne pour certains produits d’assurances, la possibilité du paiement par carte bancaire des polices d’assurance, le SMSing pour, entre autres, l’envoi d’avis d’échéance des contrats et le règlement de sinistres et la généralisation prochaine du e-paiement, constituent des exemples concrets du processus de digitalisation engagé par les sociétés d’assurance.
Qu’en est-il des indemnisations ?
Pour ce qui concerne les indemnisations, les assureurs ont procédé au règlement de sinistres pour un montant global de 71 milliards de DA en 2015 dont 47,2 milliards de DA pour la seule branche automobile, en progression de 15 % par rapport à 2014. Sur les dix dernières années, les sociétés d’assurance ont réglé les sinistres pour un montant global de 344,5 milliards de DA, avec un taux de progression moyen annuel de 14,7 %. Ces chiffres démontrent les efforts fournis par les assureurs pour indemniser la clientèle ayant subi un sinistre.
Cependant, sous l’effet d’une sinistralité importante dans la branche automobile, dont le volume du parc auto et le nombre d’accidents de la circulation n’ont cessé d’augmenter au cours des dix dernières années, et en l’absence de mécanismes adéquats, un stock de dossiers sinistres automobiles en suspens au titre des recours s’est constitué au fil des années. Ce qui a quelque peu altéré l’image de marque du secteur des assurances.
Pour remédier à cela, les sociétés d’assurance ont mis en place en 2015 un dispositif technique visant la résorption des stocks de sinistres automobiles au titre des recours et le remboursement systématique et rapide des dossiers recours automobiles. Deux conventions inter-compagnies ont été signées à cet effet. La première, appelée « convention d’assainissement des recours au coût moyen », a permis, en 2016, de régler 78.000 dossiers recours relevant des exercices 2010,2011 et 2012 pour un montant global de 3 milliards de DA. La seconde, appelée « convention interentreprises de règlement sinistres automobiles matériels » au titre des recours, qui est en application depuis le 1er juin 2016, réduit considérablement les délais de traitement et de règlement des dossiers y afférents.
Ces actions ont eu des retombées très positives pour le secteur des assurances, et vont dans le sens des objectifs que les assureurs se sont fixé, à savoir, l’amélioration de la qualité de service pour la satisfaction de la clientèle.
Pensez-vous que la croissance du chiffre d’affaires du secteur des assurances de l’année dernière pourrait évoluer sensiblement suite à la situation du marché de l’automobile et de l’état des grands projets ?
Comme vous le savez, le développement de l’activité assurantielle est corrélé à celui de l’activité économique.
La croissance du chiffre d’affaires du marché des assurances de 2015 par rapport à 2014, soit 2%, n’a effectivement pas été à la hauteur des attentes, et ce, pour deux raisons principales.
D’abord, la forte contraction des importations qui a impacté les branches automobile et transport. Avec une réduction d’environ 50% des importations de véhicules en 2015, la progression du chiffre d’affaires de la branche automobile a été mitigée et beaucoup moins importante que celle enregistrée par le passé. La branche transport a également été particulièrement touchée avec une diminution de sa production de 12% par rapport à 2014.
Ensuite, la conjoncture économique a également impacté la production assurantielle de la branche engineering représentative des projets de réalisation d’ouvrages et d’infrastructures économiques. L’évolution du chiffre d’affaires de cette branche en 2015 est en-deçà de ce qui était attendu.
Cependant, il faut relever la progression remarquable de la branche des assurances de personnes (A.P.) avec +14% par rapport à 2014. Ce qui dénote le bien- fondé de la décision stratégique prise par le ministère des Finances il y a quelques années, avec la création de sociétés d’assurance dédiées aux A.P., ainsi que le potentiel important de ce segment du marché.
Il en est de même pour les assurances agricoles qui ont augmenté de 26% comparativement à 2014, et les assurances des risques industriels couvrant le patrimoine des entreprises.
Quelles sont les prévisions de clôture du secteur ?
Pour ce qui concerne les prévisions de clôture du secteur, l’exercice 2016 ne devrait pas être très différent de celui de 2015 et ce, en dépit des efforts fournis par les sociétés d’assurance. Il y aura donc, certainement, une légère progression du chiffre d’affaires du marché des assurances en 2016 tirée surtout, je pense, par les assurances de personnes et les assurances des risques industriels.
Une assemblée générale du Conseil national des assurances (CNA) a eu lieu récemment. Est ce que la réflexion sur la révision de la loi sur l’assurance et le « takaful » ont été abordée, et quels sont les autres dossiers à l’ordre du jour ?
L’ordre du jour de la récente Assemblée générale du CNA a porté sur différents points dont en particulier le rapport d’activité de l’exercice 2016 réalisé par le secrétariat permanent, le plan d’actions et le budget pour 2017, ainsi que le projet « Takaful ».
Sur ce dernier point, un travail remarquable a été réalisé par le Secrétariat permanent du CNA en concertation avec les différents départements ministériels concernés, les professionnels du marché et des chercheurs universitaires.
Ce travail a abouti à l’élaboration d’une étude complète de faisabilité du projet de l’assurance « Takaful » en Algérie, avec des propositions et recommandations au triple plan juridique, technique et économique.
L’assurance « Takaful » a un réel potentiel dans notre pays mais nécessite un cadre juridique spécifique. A cet endroit, il faut saluer la démarche initiée par le ministère des Finances en vue de la révision de la loi sur les assurances, qui donne l’opportunité d’y intégrer, entre autres dispositions, les règles et principes de base de ce type d’assurance.
4- Le ministère des Finances a demandé un audit pour les provisions techniques. Quels en sont les objectifs ?
Il s’agit d’une opération inscrite dans le cadre du programme de contrôle pour 2017 de la Commission de supervision des assurances qui vise à apprécier l’application des dispositions du décret exécutif du 28 mars 2013 relatif aux engagements règlementés des sociétés d’assurance, et plus particulièrement l’évaluation des méthodes de détermination des provisions techniques.
Il s’agit donc d’une opération de contrôle classique, comme d’autres opérations de contrôle ont été réalisées chaque année sur d’autres thèmes liés à l’activité assurantielle.
Il n’y a donc pas lieu, comme on a pu le lire dans certains articles de presse, de donner une interprétation négative à cette opération en faisant accroire à une prétendue insolvabilité du secteur des assurances. Cette opération est, au contraire, tout à fait positive et bénéfique pour le secteur des assurances.
Entretien réalisé par Karim Sabeur