L’eau issue du dessalement de l’eau de mer coûte cher. Mais pour les grandes villes du nord de l’Algérie, elles constituent un choix douloureux, en attendant de trouver mieux.
L’inauguration d’une station de dessalement géante à Oran met définitivement à l’abri d’une pénurie la seconde ville du pays, qui souffrait d’un manque chronique d’eau potable, mais repose brutalement deux questions essentielles occultées jusque-là, le coût de l’eau et les questions liées à la pollution. Ces questions polémiques refont surface alors que le gouvernement est sur le point d’achever le grand programme d’équipement des villes côtières en stations de dessalement, pour éviter tout risque de répétition de l’épisode de 2001, lorsqu’une sévère sècheresse avait créé la panique, poussant le gouvernement à entamer les travaux nécessaires pour des infrastructures destinées à accueillir l’eau importée par bateau à partir de l’Europe.
Installées tout le long de la côte, les stations de dessalement devraient produire un peu plus de deux millions de mètre cube par jour. De Annaba à Beni Saf, en passant par Alger et Béjaïa, elles vont sécuriser toutes les villes côtières, et même certaines villes de l’intérieur. La station d’Oran, d’une capacité théorique d’un demi-million de mètres cube, devrait, avec celle de Ténès, Arzew et Beni Saf, couvrir de larges bandes de territoire à l’intérieur du pays, allant jusqu’à Tlemcen, Relizane, Mascara et même Tiaret. Au centre, Blida est déjà partiellement alimentée à partir de la station de Douaouda, alors que Skikda est déjà sécurisée grâce à une station de 100.000 mètres cube. Béjaïa le sera à son tour en 2015.
Un prix élevé
Ces investissements immenses, lancées à partir de 2005, offrent une eau relativement chère. Près d’un dollar le mètre cube pour celle issue de la première station, celle du Hamma, un prix ensuite revu à la baisse pour les suivantes. L’eau est achetée intégralement, avec une garantie d’achat de 25 ans, par une entreprise créée par Sonatrach, Sonelgaz et l’ADE. De plus, les entreprises qui vendent de l’eau ont une garantie de pouvoir acheter de l’électricité à un coût très bas. Mais comme c’est Sonatrach et Sonelgaz qui achètent l’eau, avant de la transférer à l’Algérienne des Eaux, cela permet de créer un rideau de fumée qui évite de parler du coût réel de l’eau produite.
La situation est aggravée par le refus du gouvernement de revoir les prix de l’eau, demeurés inchangés depuis une décennie. Les prix sont si bas qu’ils ne permettent pas de mettre en place une gestion rationnelle de la ressource. L’eau issue du dessalement, qui coûte entre 60 et 80 dinars, est gérée de la même manière que l’eau issue des barrages, cédée aux ménages à un prix social de six dinars.
Risques réduits
Quant aux risques de pollution, causés par le rejet en mer d’une eau à forte teneur en sel, ils restent méconnus. Les pays qui utilisent le dessalement n’ont pas enregistré d’impact majeur sur la faune marine. Toutefois, les experts recommandent d’installer les stations de dessalement dans des zones où l’eau est relativement saine, ce qui n’est pas le cas pour la station du Hamma d’Alger. Les membranes, utilisées pour filtrer l’eau injectée à haute pression, s’usent plus rapidement quand l’eau est polluée. Or, les membranes, qu’il faut changer périodiquement, et l’énergie, constituent l’essentiel du coût de l’eau, après l’investissement initial.
Le ministre des ressources en eau Hocine Necib a toutefois implicitement admis qu’une station de dessalement peut avoir un impact négatif sur la flore marine, peu étudiée jusque-là. Interrogé sur la question il y a un mois, il a déclaré qu’à l’avenir, « une étude d’impact sera obligatoire » dans tout nouveau projet de station dessalement. Ce n’était pas le cas sous M. Abdelmalek Sellal, l’actuel premier ministre, qui a géré pendant près d’une décennie le secteur des ressources en eau. M. Necib a toutefois réfuté l’idée d’une délocalisation de la station de dessalement du Hama, à Alger. Ce « n’est pas envisagé pour le moment », a-t-il dit.
Il a aussi assuré qu’une révision du prix de l’eau « n’est pas à l’ordre du jour pour le moment », ce qui montre clairement que toutes les décisions susceptibles de changer quoi que ce soit sont reportées à plus tard. Elles n’auront visiblement pas lieu sous Bouteflika.