Algérie - Le discours sur l’éradication de l’informel refait surface à la veille de Ramadhan - Maghreb Emergent

Algérie – Le discours sur l’éradication de l’informel refait surface à la veille de Ramadhan

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Comme ses prédécesseurs, Amara Benyounès, fraichement installé, au poste de ministre du Commerce, promet la disponibilité des produits de large consommation durant le mois sacré de Ramadhan et l’éradication des marchés informels.

C’est ainsi que lors d’une réunion avec les directeurs de wilaya de son secteur, Benyounès a demandé à ces derniers « une présence dans les medias pour sensibiliser les consommateurs à consommer comme ils ont l’habitude de le faire et ce, dans le but d’éviter de créer des situations de crise ou de pénurie des produits alimentaires de première nécessité,» selon un cadre qui a assisté à la séance de travail. Il a ajouté, lors de ce rendez-vous, que des mesures avaient été prises dans ce sens par son département et celui de l’Agriculture. Concernant le « trabendo », M. Benyounès a indiqué que des instructions viennent d’être données pour éradiquer les marchés informels, « dans le but de protéger la santé des consommateurs algériens ».
La demande en produits alimentaire explose

De son côté, le directeur de la régulation et de l’organisation des activités au niveau du ministère du commerce, M. Abdelaziz Ait Abderrahmane, a annoncé que la Société de gestion des participations ”productions animales” (SGP-Proda) ouvrira 500 points de vente de viandes durant le mois sacré. Mais selon M. El Hadj Tahar Boulanouar, de l’Union Générale des Commerçants et Artisans Algériens (UGCAA), il ressort d’un sondage effectué par son organisation, que plus de 50% des produits achetés lors de la période de jeûne ne sont pas consommés. Il cite pour l’année dernière, le chiffre de 50 millions de baguettes qui ont atterri « dans les poubelles ». Pour cette année, il prévoit l’achat par « les jeuneurs » de 1,2 milliards de baguettes (11 milliards de DA), 70 000 tonnes de viandes (70 milliards de DA), 120 millions de litres de lait (3 milliards DA) et 500 millions d’unités d’œufs. 

Achats anticipés
De l’avis des experts, la simple loi de l’offre et de la demande est loin d’expliquer l’ampleur des hausses des prix observées à chaque veille et pendant le Ramadan. Une situation qui exclut les ménages les plus pauvres, de l’accès à une multitude de produits comme les fruits et les légumes frais du fait de la flambée de leurs prix et malgré les mesures annoncées par les gouvernements précédents pour cette période.

Pour un directeur d’une wilaya du centre présent à la réunion avec le ministre du commerce, il est de tradition que les populations font leurs achats par anticipation sur tous les produits qui peuvent être stockés à l’instar des céréales, des pattes et des huiles. Mais pour le reste des produits, les familles subissent la loi des spéculateurs. « En Algérie, la rengaine des petits commerçants qui accusent les grossistes et ces derniers qui rejettent la faute sur les marchés mondiaux est un classique de ce mois sacré, » ajoute- t-il. Pour lui, tant que les pouvoirs publics n’exercent pas leur autorité pour imposer la transparence dans les transactions commerciales, rien ne changera significativement. Le gouvernement avait déjà opéré une reculade sur l’obligation de l’utilisation du chèque, qui exclut les grossistes de l’informel et n’est applicable que pour l’immobilier et l’acquisition de matériels roulants.

L’informel, un problème structurel
Habitué à user des formules chocs, le nouveau locataire du ministère du commerce ne jure que par l’éradication des activités économiques informelles. Les acteurs économiques lui reprochent précisément de ne pas prendre la mesure des problèmes complexes qui se posent au secteur économique. L’éradication des marchés informels est intimement liée à l’existence d’une économie « underground », qui concerne prés de la moitié des activités du pays et qui nourrit une bonne partie des populations urbaines, affirme un membre influent de l’UGCAA.

Les organisations de travailleurs qui ont participé à la 103ème réunion de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Genève, affirment pour leur part que « la montée de l’informalité dans tous les pays est due aux programmes de privatisation et de déréglementation appliqués partout». Aggravée par la crise financière, cette tendance va de pair avec l’insécurité des revenus et de l’emploi et la baisse de la productivité, ajoutent-elles dans l’exposé des motifs sur cette question (oil.org). Dans cette rencontre, les gouvernements et la majorité des organisations d’employeurs soulignent la nécessité de mettre en évidence la diversité de l’économie informelle avant toute mesure.

La répression seule, ne suffit pas

De ce fait, les économistes sont unanimes à préconiser une approche d’ensemble du phénomène des activités économiques informelles. Ils estiment que la démarche répressive seule ne peut venir à bout d’un pan entier de la vie économique du pays et peut être source de déstabilisation. Signe des temps, lors de son passage au ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement où il a axé sa communication sur l’éradication des décharges sauvages, Amara Benyounès n’a pas présenté un bilan sur cet engament. L’état d’insalubrité persistant de nos villes et de nos campagnes ne plaide pas, à première vue, pour un résultat notable dans ce domaine. Venir à bout de la prolifération des activités économiques informelles relève d’une opération beaucoup plus ardue et surtout soutenue.

 

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