Les concessionnaires automobiles ont forcé le gouvernement algérien à abandonner presque complètement le nouveau cahier de charges concernant leur activité. Une décision qui montre la montée en puissance des nouveaux lobbies.
En révisant le cahier de charges relatif aux concessionnaires automobiles, le gouvernement a cédé, hier dimanche, face à un des plus puissants lobbies du pays, confirmant à la fois l’extrême fragilité de l’exécutif et la capacité des nouveaux groupes à imposer leur volonté à tous les niveaux. Cela renforce aussi l’analyse, poussée jusqu’à la caricature, par la présidente du parti des Travailleurs Louisa Hanoune, qui met en cause des « oligarques » imposant leur loi.
L’idée d’un nouveau cahier de charges pour les concessionnaires automobiles était dans l’air depuis des années. Initialement, il s’agissait d’inciter les concessionnaires à se lancer dans l’investissement industriel, pour jeter les bases d’une industrie automobile. C’était également l’occasion d’imposer de nouvelles normes pour les véhicules importés, en évitant notamment les voitures bas de gamme considérées, souvent à tort, comme à l’origine d’une partie des accidents de la circulation. La baisse du prix du pétrole et la chute des revenus extérieurs du pays qui en a découlé ont accéléré le mouvement, le gouvernement estimant que le nouveau cahier de charges était une opportunité pour freiner les importations automobiles.
10 milliards de dollars par an de chiffre d’affaires
Rédigé dans des conditions discutables, adopté de manière opaque, le nouveau cahier de charges devait entrer en vigueur le 15 avril 2015. Entre-temps, des concessionnaires, ayant visiblement bénéficié de fuites, avaient passé des commandes massives de véhicules, espérant les faire entrer avant l’adoption des nouvelles règles, ce qui les placerait en position de force grâce aux prix proposés.
Le gouvernement n’a pas assumé publiquement la décision. Il a chargé les banques de l’appliquer. Il les a invitées à ne plus domicilier ces importations alors que les véhicules, plusieurs milliers, étaient déjà en rade dans les ports algériens. Un bras de fer s’en est suivi, et a abouti, dimanche 17 mai, à la publication d’un nouveau cahier de charges qui rétablit pratiquement les anciennes règles. Ce qui signifie une défaite cuisante pour le gouvernement, et notamment pour le ministre de l’industrie, Abdessalam Bouchouareb, qui s’était fortement investi dans ce dossier.
Extrême fragilité du gouvernement
Le dernier cahier de charges a provoqué un mécontentement en cascade. Des concessionnaires qui s’étaient pliés au cahier de charges du 15 avril s’estiment désormais floués. Ils ont importé des véhicules répondant à des normes plus strictes, donc plus chers et moins compétitifs. Les banquiers, mis en première ligne pour appliquer les nouvelles règles, sont contraints de faire marche arrière, après avoir été engagés dans une bataille qui ne les concerne pas.
Grand gagnant, le lobby des concessionnaires a montré sa force et se place désormais comme un véritable centre de pouvoir, avec des importations autour de dix milliards de dollars, entre véhicules et pièces détachées.
Quant au gouvernement, il confirme qu’il navigue à vue. Il prend des décisions à l’emporte-pièce, sans concertation ni préparation. A la moindre pression, il cède, ce qui confirme et aggrave sa fragilité dans le même temps. Tous les lobbies économiques, syndicaux, financiers, professionnels et corporatistes savent désormais qu’il suffit de faire pression pour arriver à ses fins.