Le lobbying des organisations patronales pour l’élaboration du projet de code du travail a été payant.
C’est en tous cas l’avis des syndicalistes regroupés dans le comité national de réappropriation et de sauvegarde de l’UGTA (CNRS-UGTA) qui ont organisé une conférence – débat à Alger le 11 octobre dernier sur la copie rendue publique par le ministère du travail au début du mois de septembre.
Il est vrai que les associations patronales n’ont pas manqué de qualifier la substance de ce projet comme une avancée dans le sens de leurs revendications. C’est ainsi que la Confédération générale du Patronat (CGP), par le biais de son chargé du secteur des BTPH (Bâtiment, Travaux Publics et Hydrauliques), M. Abdelmadjid Dennouni a déclaré, sans ambages, lors de son passage à Oran à la veille de la tripartite du 15 septembre dernier que « l’avant projet du code du travail est conforme aux aspirations des entrepreneurs ».
Unanimité patronale….
Pour sa part, M. Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), indique que « ce projet de loi apporte des modifications à même d’améliorer les relations du travail ». De son coté le président de la Confédération algérienne du patronat (CAP), Boualem M’rakèche, souligne que « le nouveau code du travail doit prendre en considération deux points « cruciaux » à savoir la compétitivité et la flexibilité de l’emploi », c’est désormais chose faite sur le chapitre de la plus grande flexibilité. De même, que la préoccupation de M Abdelaziz Mehenni, président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), de revoir « les dispositifs actuels relatifs aux conflits et aux litiges du travail » figure en bonne place à travers la souplesse introduite dans les procédures de licenciements et les restrictions dans l’exercice du droit de recourir à la grève pour le collectif des travailleurs. Cet unanimité est assez rare pour mériter d’être relevée.
Au sujet précisément des relations de travail, monsieur Kamal Sellam de la direction du syndicat national des praticiens de la Santé publique (SNPSP) souligne que, « au moment où on s’attendait à l’assouplissement des lois édictées du temps de Mouloud Hamrouche (premier ministre) en 1990 pour, nous – avait-t-on dit, à l’époque, juguler les manipulations du droit de grève par les éléments du FIS dissous et qui ont permis par la suite aux tribunaux de déclarer la quasi totalité des grèves comme illégales voila que ce projet considère ni plus ni moins que pendant la durée de grève la relation de travail est suspendue ; ce n’est rien d’autre qu’une prime à la grève patronale (lock-out dans le jargon syndical) qui donne au chef d’entreprise le droit de fermer son usine sans subir aucun préjudice, ajoute le syndicaliste. D’ailleurs toutes les dispositions introduites lors des négociations pour le rééchelonnement de la dette sont reconduites dans ce texte, cela est inacceptable », conclut t-il.
….Et Grogne syndicale
Pour le CNRS-UGTA, la compétitivité des entreprises ne dépend pas uniquement du coût de la main d’œuvre qui est de toute façon parmi les plus bas comparé à nos partenaires commerciaux. Les syndicalistes qui soulignent qu’en France par exemple, dans l’industrie, le cout horaire du travail est de 33 euros. Soutiennent que « si nos entreprises ne sont pas compétitives avec des prix de l’énergie ridicules et des manipulations criardes dans l’impôt, les facilités bancaire, etc.. elles ne peuvent pas se rattraper par l’exploitation sans limite des travailleurs , alors même que la sous déclaration des employés ou carrément la non déclaration sont dans beaucoup de cas la règle,».
Une chose est sure, si le front du patronat parle d’une seule voix pour louer le contenu du texte, les syndicalistes sont, eux aussi , unanimes, qu’ils soient UGTA, autonomes ou redresseurs. Pour eux le gouvernement est du côté des patrons dans cette affaire car si « le projet de loi doit s’inscrire dans la démarche visant l’actualisation de la législation nationale relative au travail en prenant en considération les mutations qu’a connues le pays sur les plans social et économique comme souligné par le ministre du travail lors de sa présentation , il n’en demeure pas moins que par son caractère répressif est unilatéral », il ne fait qu’ « entériner un rapport de force obtenu par la répression du monde du travail », ajoutent –ils.
Pour eux, au lieu de faire en sorte que l’assouplissement de la réglementation du travail à travers la diversification du statut des salariés contribue à extraire du “travail au noir” un grand nombre d’emplois et lutter contre le chômage , le projet ligote les travailleurs qui seront dans l’obligation d’accepter n’importe quel statut dicté par les patrons. D’ores et déjà le Snapap, n’envisagent pas de rester les bras croisés. « Le contenu du texte ne peut qu’engendrer instabilité et perturbation chronique dans le monde du travail », selon son coordinateur national.