Annoncé aujourd’hui dans le cadre d’un mini remaniement, le changement du ministre de l’Energie, Salah Khebri était attendu depuis plus d’un mois. Le temps de trouver d’autres postes à changer pour parer aux urgences pressantes du contre-choc pétrolier. Abderrahmane Benkhalfa en fait les frais.
Les titulaires des portefeuilles économiques clés dans le gouvernement algérien que sont le ministère de l’Energie et celui des Finances, changent de mains à peine une année après. Nourredine Bouterfa PDG de Sonelgaz va succéder à Salah Khebri et Hadji Baba Ammi ministre délégué chargé du Budget s’apprête à remplacer Abderrahmane Benkhalfa. Le remaniement ministériel éventé ce milieu de journée du samedi 11 juin par la chaîne de télévision Ennahar, proche de la présidence de la république, a été retardé de plusieurs semaines, alors que sa première urgence était de renouveler la gouvernance du secteur de l’Energie en situation d’impasse complète depuis un an, à la nomination du tandem Salah Khebri au ministère et Amine Mazouzi à la tête de Sonatrach. D’autres portefeuilles ministériels, l’agriculture, le tourisme, l’eau et les travaux publics, connaissent un jeu de chaises musicales dont la principale cohérence paraît désormais être le contrôle des dépenses sectorielles en situation d’aggravation du déficit budgétaire en 2016. Le départ du ministre du tourisme Amar Ghoul du gouvernement donne un relief politique à ce remaniement technique.
Nourredine Bouterfa l’approche par les coûts prend le pouvoir
La nomination de Nourredine Bouterfa à la tête du ministère de l’énergie consacre le recours du pouvoir politique à une autre démarche pour tenter de redresser un secteur en crise ouverte depuis 2010. Il s’agit aussi d’une première nomination d’un électricien à un poste dominé par les pétroliers depuis le départ de Belaid Abdeslam en 1977. Le PDG de Sonelgaz s’est distingué à plusieurs reprises depuis deux ans comme un leader managérial et politique du secteur de l’énergie sans être remis en cause dans ses sorties, ce qui a laissé penser qu’il bénéficiait du soutien de la présidence de la république et demeurait une carte en réserve pour diriger ce département stratégique dans l‘économie algérienne. En 2015, il a rendu compte – dans un entretien à la revue algérienne OGB – de réunions, jusque là secrètes, du Haut conseil de l’énergie présidé par Abdelaziz Bouteflika. En février 2016, il a déclaré irréaliste les objectifs du programme des énergies renouvelables algérien en présence de son ministre Salah Khebri lors de la séance inaugurale du symposium international de l’Association de l’industrie du Gaz (AIG). Il a, enfin, fait une nouvelle sortie iconoclaste dimanche 05 juin, en parallèle avec la réunion de la tripartite annonçant que Sonelgaz était en discussion pour un endettement international, alors même que la doctrine du gouvernement est de se confiner pour le moment à l’endettement interne. Nourredine Bouterfa est sans doute attendu pour transposer sa doctrine d’entreprise à l’ensemble du secteur. Le PDG de Sonelgaz milite depuis plusieurs années pour des prix rémunérateurs du kilowatt heure afin de pouvoir financer le développement de la génération électrique mais aussi, même s’il le dit beaucoup moins, afin de mieux encadrer la croissance rapide de la demande, notamment des pics d’appels saisonniers. Cette doctrine seule, ne fait pas une politique énergétique complète, mais peut servir de base pour un gouvernement qui doit réduire en urgence le gaspillage des énergies fossiles dans les carburants, l’électricité et le gaz naturel. Nourredine Bouterfa devra s’appuyer sur une autre gouvernance de Sonatrach pour espérer relancer par ailleurs le renouvellement des réserves, en berne depuis que les appels d’offre pour la prospection sur le domaine algérien sont boudés par les grandes compagnies étrangères.
Le retour de Said Sahnoun à la tête de Sonatrach pressenti
Nourredine Bouterfa devra composer avec Said Bouteflika et Abdelmalek Sellal, dans le pilotage stratégique de Sonatrach où les jours du PDG Amine Mazouzi sont comptés. La compagnie pétrolière annonce devoir investir pour 70 milliards de dollars sur les quatre prochaines années pour ses différents programmes notamment dans l’amont pétrolier. Mais personne dans le staff autour de Amine Mazouzi n’est en mesure de distiller le mode opératoire de ce plan d’investissement que de nombreux spécialistes considèrent comme fantaisiste. Le rythme des opérations, et des nouveaux contrats, s’est ralenti davantage depuis l’arrivée surprise, il y a un an, du nouveau PDG. « Amine Mazouzi a mis longtemps à rentrer dans ses nouveaux habits, et en vérité, n’y est jamais parvenu » affirme un cadre supérieur de Sonatrach. C’est le nom de son prédécesseur qui est le plus cité pour revenir prendre en main les destinées de Sonatrach. Ancien spécialiste de réservoir dans l’amont, Said Sahnoun, a dirigé la compagnie durant près de deux années, sous le ministre Youcef Yousfi, avant de céder son siège, sans explication franche, à Amine Mazouzi qui n’avait jamais intégré le top management de la compagnie auparavant. Certaines sources ont affirmé que le tandem Said Bouteflika-Abdelmalek Sellal était, alors, à la recherche d’un staff à Sonatrach plus « sensible » aux requêtes du gouvernement pour accroitre – coûte que coûte – la production des huiles et du gaz dans le contexte de baisse des revenus d’exportation. La position de Nourredine Bouterfa est moins connue sur ce sujet sensible qui consiste à « tirer sur les gisements au delà des limites prudentielles d’exploitation ».