Malgré leur docilité, le parlement et les partis ne sont pas associés aux décisions concernant la composition du gouvernement.
Le remaniement du gouvernement algérien, décidé samedi 11 juin, s’est fait en dehors des institutions, dans la grande tradition instituée depuis l’avènement du président Abdelaziz Bouteflika en 1999. Ni le parlement, ni les partis, n’ont été associés à la décision. Seul Amar Saadani a été impliqué, dans un rôle de porte-flingue, pas dans que celui de chef du parti majoritaire à l’Assemblée Nationale.
Le remaniement consacre la prééminence des fonctionnaires, présentés comme des technocrates, une autre mode solidement ancrée depuis que M. Abdelmalek Sellal dirige le gouvernement. Le nouveau ministre des finances, M. Baba Ammi Hadji, a fait presque toute sa carrière dans l’administration. Le nouveau ministre des l’agriculture était lui aussi secrétaire général du même ministère avant sa promotion.
A l’inverse, aucune figure politique marquée n’a fait son entrée au gouvernement, à l’exception de Mme Ghania Eddalia, promue ministre chargée des relations avec le parlement. Mais ce n’est pas son appartenance au FLN, ni sa qualité de député qui a primé, car Mme Eddalia semble plutôt récompensée pour le rôle joué dans la grand-messe parlementaire organisée lors de l’approbation de la nouvelle constitution.
Majorité parlementaire ignorée
Les partis de la majorité parlementaire, FLN et RND, n’ont eu aucun mot à dire sur le remaniement. Leurs chefs, Amar Saadani et Ahmed Ouyahia, sont dans le premier cercle du pouvoir. Cela semble leur suffire, même si rien n’indique qu’ils ont eu leur mot à dire.
Le parlement a été lui aussi totalement ignoré. Une attitude d’autant plus naturelle que le pays, déjà habitué à fonctionné hors institutions, se trouve dans une zone grise, ne sachant s’il faut en rester aux règles édictées par l’ancienne constitution, ou s’il faut se plier à la nouvelle constitution, dont les lois organiques n’ont pas été adoptées.
Inexistant en temps normal, servant à peine à valider les décisions de l’exécutif, le parlement n’a pas de velléité de contrôle dans pareille situation. L’opposition y fait de la figuration, et la majorité est soumise à une discipline totale. Pourtant, même si le remaniement ne comprend pas de changement de premier ministre, il touche des secteurs importants, susceptibles de bouleverser les choix économiques du pays. Les secteurs des finances, de l’énergie et l’agriculture changent en effet de titulaires. Mais les députés regarderont ailleurs.
Saadani, porte-parole du pouvoir
Si les partis et le parlement sont hors circuit, les réseaux, par contre, sont très présents. Amar Ghoul, ministre depuis dix sept ans, qui avait affirmé publiquement sa proximité avec l’ancien patron du DRS Toufik Mediène, a été éjecté. Ni sa gestion calamiteuse, ni le fait d’être cité dans des affaires de corruption, n’avaient eu raison de lui. Par contre, les réseaux auxquels il fait allégeance sont bien en perte de vitesse.
Amar Saadani, lui, demeure sur la pente ascendante. Non par son propre pouvoir, mais parce qu’il continue de jouer l’éclaireur du pouvoir. C’est encore lui qui a annoncé le remaniement, et en a désigné les principales victimes. Le ministre des finances Abderrahmane Benkhalfa et celui de l’agriculture Sid Ahmed Ferroukhi ont été nommément attaqués, tout comme l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie Mohamed Laksaci, publiquement accusé par M. Saadani d’avoir saboté l’économie du pays. Ce rôle dévolu à Amar Saadani avait commencé par les attaques contre l’ancien patron du DRS, dont la fin était devenue évidente dès le moment où il avait été attaqué par M. Saadani. Avec le dernier remaniement, le patron du FLN confirme qu’il a réussi à rester du bon côté.