A l’arrêt depuis 2007, le processus de privatisations des entreprises publiques va-t-il être relancé par Ahmed Ouyahia? La loi de finances 2018 pourrait remettre au gout du jour le très controversé art 66 de la LF 2016.
L’ouverture du capital des entreprises publiques est de nouveau à l’ordre du jour. Elle a été relancée par Ahmed Ouyahia, plusieurs semaines avant sa désignation comme Premier Ministre.Ouyahia qui s’exprimait en tant que patron du RND y a appelé sans nuances.
«Il faut aller vers la privatisation d’un certain nombre d’entreprises publiques dont la situation financière se détériore en raison des problèmes liés au plan de charge et à la gestion », a-t-il plaidé au mois de juin dernier. Premier ministre désormais, va-t-il passer à l’action ? Une chose est certaine : l’option n’a pas que des partisans.
Abderahmane Benkhalfa, économiste et ex-Président de l’ABEF, plaide pour l’ouverture du capital de toute les entreprises, publique ou privée, performantes ou en difficulté. « Le partenariat capitalistique est l’un des instruments les plus efficaces d’expansion et de modernisation de notre tissu d’entreprises. Ce type de partenariat ne doit pas concerner uniquement les entreprises en publiques en difficulté mais toutes les entreprises, y compris privées et celles qui se portent très bien. Plus une entreprise grandit, plus elle doit ouvrir son capital et entrer d’abord dans les automatismes du marché, ensuite dans ceux de la bourse», estime-t-il.
M. Benkhalfa considère par ailleurs que l’ouverture du capital des entreprises ne doit pas se faire uniquement au profit des entreprises nationales mais aussi pour les entreprises étrangères. «Le privé national doit être prioritaire mais il faut s’ouvrir sur les capitaux internationaux. Les IDE doivent entrer en Algérie par le biais des partenariaux capitalistiques car ils apportent des technologies, du management et des réseaux. Il ne faut pas les négliger, » plaide-t-il.
Bouderba : l’impératif des bilans
« Avant de penser à l’ouverture du capital d’autres entreprises publiques ou carrément à leur privatisation, il faut faire le bilan de ce qui a été déjà fait dans ce sens. Plusieurs entreprises publiques ont été privatisées, comme El Hadjar, l’Emal, l’Eniad, etc. Il faut faire le bilan de ces privatisations. Dans les années 90, l’industrie contribuait à hauteur de 14/15% au PIB. Aujourd’hui, elle contribue à hauteur de 3.6% au PIB. Est-ce dû aux privatisations effectuées ? Il faut en faire un bilan,» indique Nourredine Bouderba.
L’expert en droit du travail souligne que l’Entreprise des Eaux Minérales Algériennes, privatisée, est aujourd’hui un dépôt de stockage d’une grande multinationale installée en Algérie. Pour lui, tout processus de privatisation ne peut mener le pays que vers une impasse.
«Quand il était ministre, Abdelhamid Temmar a dit, au sujet de la privatisation des grandes entreprises comme El Hadjar ceci : quand un ménage est en difficultés financière, il ne vend pas ses ustensiles de cuisines mais ses bijoux. Ceci nous donne une idée claire sur la trajectoire que vont emprunter les privatisations si elles venaient à se faire».
De plus, ajoute-t-il, le privé algérien, pour des raisons historiques, « ne peut pas être la locomotive du développement économique du pays ». « L’Etat doit faire preuve de volontarisme en matière d’investissement. C’est l’Etat qui peut conduire le développement du pays, même si le rôle du privé en la matière reste important », assure-t-il non sans préciser que toute privatisation peut entrainer des conséquences fâcheuses sur le plan social en grossissant particulièrement les rangs des chômeurs.
Pour rappel, l’option de privatisation qui prévalait au début des années 2000 a connu un coup d’arrêt en 2007 avec l’annulation in-extrémis par les autorités algériennes de la privatisation du CPA. La loi des finances complémentaires de 2009 est venue fermer le jeu avec la mise en place de la règle du 51/49 et l’instauration d’un droit de préemption de l’État sur la cession des actifs détenus par des entreprises étrangères.
La LF 2018 aura-t-elle son « 66 »?
L’option a fait son retour dans la loi de finance 2016 où une disposition permettant l’ouverture du capital des entreprises publiques a été introduite. Il s’agit de l’article 66 qui stipule que « les entreprises publiques économiques, qui réalisent des opérations de partenariat à travers l’ouverture du capital social en faveur de la participation de l’actionnariat national résident, doivent conserver au moins 34% du total des actions ou des parts sociales ». Autrement dit, le privé national peut acquérir 66% du capital des entreprises publiques.
La disposition avait suscité une grande bronca dans les rangs de l’opposition et il a été même une des raisons invoquées par le groupe des « 19 » entré en quasi-dissidence et qui avait réclamé dans une lettre au président une «seconde lecture de la loi de finance ».
La disposition, qui normalement aurait dû se trouver dans le code des investissements, n’a pas été reconduite dans la loi de finance 2017. Ahmed Ouyahia, qui a affiché son penchant pour la privatisation va-t-il la relancer dans la loi de finances 2018 ? Ou carrément la remettre à sa «place » dans le code des investissements ?