Selon l’expert, la TVA en dépit de l’exonération, semble avoir été intégrée dans les prix à la vente et empochée par les usines à titre de marge supplémentaire au détriment du client et du trésor, et ce durant deux ans, d’où, assure-t-il, la nécessité de la réinstaurer.
« Les exonérations de la TVA accordées en vertu des dispositions de l’article 61 de la loi de finances complémentaire pour 2009 et de l’article 18-2 de la loi n° 16-09 du 03 août 2016 relative à la promotion de l’investissement, au titre de la commercialisation des véhicules fabriqués localement, cesseront de produire leurs effets à compter de la promulgation de la présente loi », peut-on lire dans l’article 06 du PLFC2018. Pourquoi ce revirement ?
Officiellement, le Gouvernement explique que l’exemption de la taxe sur la valeur ajoutée (19%), appliquée jusqu’ici à l’importation des kits SKD/CKD destinés aux industries de montage automobile, visait à rendre la voiture «Made in Algeria» plus compétitive en termes de prix par rapport au véhicule importé. Or, en l’état actuel, cette exemption n’a plus sa raison d’être, du fait que les importations des véhicules soient soumises au régime des licences lesquelles n’ont pas été accordées ces derniers temps. De plus, ajoute le Gouvernement, la production locale des véhicules automobiles couvre actuellement 1’essentiel de la demande nationale.
Toutefois, pour Ferhat Ait Ali, expert en finance, l’exonération TVA était une sorte de supercherie dont ont été victimes et l’Etat et le consommateur. « Cette histoire de TVA est un peu cocasse, dans la mesure où normalement elle s’applique au produit, et pas à l’activité, et est facturée au client après calcul des marges et non imputée dans le chiffre d’affaires, surtout que non seulement elle a été épargnée aux seuls assembleurs automobiles, mais qu’elle n’a eu aucune incidence sur les prix. Cette TVA semble même avoir été intégrée dans les prix et empochée par ces derniers à titre de marge supplémentaire au détriment du client et du trésor, et ce durant deux ans, » affirme-t-il.
Il insiste sur l’utilité de réinstaurer cette taxe dont la suppression n’obéit, vraisemblablement, à aucune logique. « J’ai moi-même demandé sa réinstauration et l’audit des comptes des assembleurs pour les deux années d’exonération, qui semblent leur avoir permis de prélever des marges faramineuses, en comparant leurs prix HT avec ceux d’autres pays en TTC», a-t-il ajouté en précisant que « sa réinstauration permettra de recadrer les actions de tout un chacun, parce que si les investisseurs gardent leurs prix actuels et les augmentent de la TVA, les prix vont flamber et non seulement ils ne vendront à personne, mais, en plus, ils afficheront des prix clairement plus chers de 60% au marché international, ce qui est la preuve d’une escroquerie en bonne et due forme ».
Ainsi, selon M. Ait Ali, les usines de montages automobile n’ont qu’un seul choix dans la nouvelle configuration : garder les prix actuels et y imputer la TVA à leur charge, et là, s’ils ne coulent pas, c’est la preuve qu’ils prenaient pour eux en bénéfices ».
« Le gouvernement s’est empêtré dans des arnaques et il ne sait pas comment en sortir »
Le pire dans cette histoire, c’est que, comme le souligne Ferhat Ait Ali, même avant la promulgation de cette nouvelle loi qui supprime les exonérations TVA, les usines de montage automobiles encaissaient celle-ci sous forme de bénéfices au détriment du Trésor et de leurs clients.
« Quand vous vendez un véhicule qui fait 32.000 euros ailleurs en TTC à 4.8 millions de dinars en hors taxes, il est clair que soit vous avez pris la TVA comme marge propre, soit vous l’avez acheté à 38.000 euros, hors taxes, ce qui est grave. Si vous y imputez la nouvelle TVA, il sera, à 46000 euros TTC chez nous, alors qu’il fait 32000 à Paris ou Madrid et 30000 à Casablanca, » explique-t-il par les chiffres.
« Il ne faut pas oublier que la référence en matière de prix, est le marché international, minoré des charges de commercialisation qui sont presque nulles chez nous, et pas les combinaisons de nos maquignons locaux. Si un véhicule fait partout 20.000 dollars TTC, il fera la même chose ici et en TTC, ceux qui prétendent que la TVA va le faire passer à 24000, passent à côté de l’essentiel, à savoir qu’en hors TVA ailleurs, il fait 17000 et pas 20000 ou 30.000 comme c’est le cas ici, », ajoute-t-il pour étayer l’idée selon laquelle les assembleurs algériens « volent » la TVA. Autrement dit, ils sucent les consommateurs avec la complicité de l’Etat.
Et pour tordre le cou à l’argument du Gouvernement qui prétend que l’exonération TVA visait à rendre la voiture «made in Algeria» plus compétitive en termes de prix par rapport au véhicule importé, il estime, au contraire, que l’Etat a étranglé le marché par ses politiques et l’a offert sur un plateau d’argent aux assembleurs.
« Il n y a jamais eu d’encouragement pour conquérir le marché. Celui-ci était conquis de force par le monopole de fait. La TVA, c’était pour se faire une marge sur le dos du client et du trésor. C’est du banditisme avec l’aval de l’Etat», affirme-t-il en soulignant que «cette histoire a commencé comme une supercherie et va se terminer comme un scandale », et que « le gouvernement s’est empêtré et est impliqué dans des arnaques et il ne sait pas comment en sortir sans dégâts ».