Les importations algériennes de tabacs ont augmenté quatre fois plus vite que le total des autres importations entre 2004 et 2014. Sous l’impulsion du partenaire émirati de la SNTA. Et la bienveillance des autorités.
La facture d’importation de tabacs représentait 0,64% du total des importations du pays en 2014. Ce ratio n’était que de 0,17% dix années plus tôt. Les importations de tabacs se sont multipliées par 12 durant cette période. L’Algérie était le pays qui présentait le plus faible déficit dans sa balance tabac (importations vs exportations) en 2004 parmi un panel de pays de la région comprenant L’Egypte, le Maroc, et la Tunisie. En 2014 le déficit de la balance tabac de l’Algérie est à lui seul supérieur au déficit cumulé de ces trois autres pays. Le rythme de croissance de l’importation des tabacs en Algérie présente des anomalies étourdissantes. Sur une base 100 en 2004, il atteint l’indice 1232 lorsque la croissance des importations des tabacs dans le monde passe de l’indice 100 à 162 et celui de la totalité des importations algériennes passe de 100 à 320. Ces chiffres disponibles sur le site de bases de données du commerce international des Nations Unies (www.comtrade.un.org) montre un bond en avant des importations algériennes de tabacs dès 2005 ou elles passent de 30 millions de dollars en 2004 à 48 millions de dollars pour passer largement la base des 100 millions de dollars dès 2007 (129,1 millions de dollars).
Les émiratis emballent le marché
L’emballement des importations algériennes de tabacs correspond à l’entrée en activité en 2005 de la STAEM, la société des tabacs algéro-émiratie, détenue à 51% par un consortium émirati et à 49% par la société nationale des tabacs et allumettes (SNTA). La STAEM créée en 2002 a obtenu l’autorisation d’importer à titre transitoire des marques de Phillip Morris (leader mondial de la filière). L’activité production a tardé à se développer et l’importation notamment à partir de la Suisse pour les deux marques Marlboro et L&M a littéralement explosé sous l’œil complaisant du gouvernement algérien. Le consortium émirati a cédé en 2013 la moitié (49%) de sa part dans la STAEM à son fournisseur principal à l’international, Philipe Morris. Un second acteur international, l a British American Tobacco BAT, s’est également implanté en Algérie combinant importations et site de production à Oran. L’activité de la SNTA a également continué à se développer (Constantine, Sig) et à impacter les importations de feuilles de tabac, la production locale ne permettant de faire face à la demande du marché domestique. Les 375 millions de dollars payés à l’importation en 2014 n’intègrent pas les 25% à 30% des cigarettes qui entrent par la contrebande en Algérie.
Un puissant lobby du tabac au parlement
La croissance sidérante des importations des tabacs en Algérie bénéficie clairement d’un lobby parlementaire efficace ainsi que d’une complaisance criarde au sein du gouvernement et à sa tête. Les propriétaires émiratis, américains et britanniques des acteurs de marché (STAEM, Philipp Morris, et BAT) militent depuis des années contre un « choc fiscal » qui rende plus onéreux l’achat des cigarettes en Algérie. L’argument constant ce lobbying est celui de maintenir l’activité de la production du tabac (et son importation) comme le second secteur contributeur fiscal de l’Etat après le secteur pétrolier (plus de 350 milliards de dinars de taxes prélevés en 2012). Une hausse importante et brutale de la fiscalité sur le tabac provoquerait un recours massif des consommateurs au marché parallèle et serait finalement contre-productif pour les recettes fiscales du trésor. Cet argument a été entendu à deux reprises au sein des commissions de l’APN pour aboutir à la modération de la taxation fiscale des tabacs, y compris depuis que le gouvernement cherche de nouvelles ressources pour faire face à la chute des recettes énergétiques. Les coûts de soins de santé liés aux pathologies du tabagisme ne sont jamais évoqués dans l’équation globale de la filière du tabac qui continue à être traitée avec une grande bienveillance par les autorités algériennes. Le ratio nombre de cigarettes consommées par adulte et par an fait de l’Algérie (577 cigarettes) le pays ou l’on fume le plus sur le continent africain après la Tunisie (1532).