Les migrants subsahariens, qui ont été placés dans un centre d’accueil au niveau du camp de toile de Saket sur la côte ouest béjaouie, ont quitté les lieux d’une manière inexpliquée.
Selon diverses sources (police et élus locaux), c’est par petits groupes que les migrants subsahariens ont quitté leur campement à bord de divers moyens de locomotion dont des taxis, ce qui démontre que leur escapade a été belle et bien planifiée. La preuve : elle s’est poursuivie pendant plusieurs jours, a-t-on confirmé auprès des riverains, qui ont bien remarqué que dans le centre d’accueil, les plus valides, les jeunes plus particulièrement, ont déguerpi depuis longtemps. Il ne resterait que les femmes et les enfants, à présent.
Joint au téléphone, un membre de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme a affirmé que les familles sont parties dans le cadre d’une opération de rapatriement, programmée à l’échelle nationale. Toutefois, aucun communiqué de la wilaya n’est venu confirmer qu’on est bien dans le cas d’une initiative de ce genre. Les autorités locales, qui ont beaucoup communiqué quand il s’agissait de prendre en charge les Subsahariens dans le camp de toile de Saket, sont restées muettes à présent.
Un habitant de Saket, joint au téléphone en fin d’après-midi de vendredi, a confirmé qu’il semblerait bien qu’il s’agit d’un rapatriement organisé tout en confirmant que le centre était vidé à 60% de ses occupants, il y a plusieurs jours de cela. «On en voyait à l’intérieur que les femmes et les enfants ; le reste avait déjà quitté les lieux. Mais il semblait bien que la dernière fois, il y a deux ou trois jours, on était dans le cas d’un transfert organisé.» Les migrants subsahariens auraient pu organiser ce départ sachant que les services de sécurité, la Gendarmerie nationale en l’occurrence, «n’avaient pas vocation à surveiller les allers-retours des réfugiés mais de sécuriser les lieux», a indiqué un responsable local qui a requis l’anonymat.
Pour rappel, les migrants, qui ont jeté leur dévolu sur le chef-lieu de wilaya de Béjaïa, ont été placés par la police, le 4 novembre dernier, dans le camp de toile familial de Saket. Les Subsahariens sont essentiellement des Nigériens mais aussi des Maliens, des Nigérians ; leur nombre avoisine les 200 bien qu’à l’échelle de la wilaya ils seraient beaucoup plus nombreux. Le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi, avait parlé de quelque 2000 en tout.
Depuis, cette escapade, qui fera date, il ne resterait que deux personnes, blessées lors de l’accident de la circulation survenu, la fin du mois d’octobre passé, au niveau de l’EDIMCO, l’un des camps d’infortune des Subsahariens ; le deuxième étant situé dans la zone industrielle de Béjaïa. L’automobiliste, qui avait perdu le contrôle de son véhicule, n’a pu éviter l’une des tentes – mises à leur disposition par le Croissant rouge algérien -, occupée par une famille de réfugiée. Bilan : une fillette perd la vie ; deux femmes sont blessées.
Mettre à l’abri les familles des réfugiés
La résolution des pouvoirs publics est prise : il fallait mettre à l’abri ces familles de réfugiées, qui vivaient de mendicité et dans une précarité, qui les exposaient à tous les dangers. Il faut dire aussi que le travail de sensibilisation de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme avait fini par payer. On n’avait cessé de réclamer une prise en charge notamment sanitaire des personnes vulnérables qu’étaient les réfugiés subsahariens. On a alors extirpé à la mafia ces familles précarisées qui ont fui les guerres, la faim mais aussi la sécheresse en les mettant dans le camp de toiles de Saket où les conditions d’hygiène, de sécurité, étaient réunies. Les élus de l’APC avaient même prévu des soirées musicales mais cela n’a servi strictement à rien puisque plusieurs jeunes réfugiés avaient tenté de s’évader.
Une dizaine d’entre eux, qui avaient réussi à s’en fuir, ont été interceptés au niveau d’un poste de contrôle à mi-chemin entre Saket et le chef-lieu de wilaya. Mais les migrants semblaient déterminer d’où le succès de leur projet sur lequel beaucoup s’interrogent.
Après les Syriens, les Subsahariens
Avec la Syrie, l’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus durement touchée par le phénomène : le déplacement massif de populations. Ces populations ont fuient les zones de combat ou de catastrophes (la sécheresse) et se sont réfugiées, ces dernières années, hors de leur pays. Depuis quelques mois, ces migrants ou réfugiés – leur statut n’a pas été déterminé jusqu’à présent, sont de plus en plus nombreux à choisir l’Algérie. On les trouve un peu partout à travers le pays. A Béjaïa, ils sont arrivés il y a plusieurs mois. Ils se sont essaimés à travers l’arrière-pays, à Akbou notamment.
Au chef-lieu de wilaya, ils ont installé leurs camps de fortune au niveau du quartier l’EDIMCO et au niveau de la zone industrielle de Béjaïa, à proximité des unités ENCG-La Belle et l’EPLA. La première vague de ces migrants a fait l’objet de reconduite mais ils reviendront encore plus nombreux. Ils seraient Maliens, Nigériens et Nigérians mais en l’absence d’enquête sur le terrain des autorités locales on n’est pas tout à fait certains. Une chose est sûre au côté des Nigériens, qui semblent être la majorité, il y a d’autres nationalités.
La solidarité des Algériens mise à rude épreuve
La solidarité légendaire des Algériens a été, par ailleurs, mise à rude épreuve. Un ressentiment s’était même développé à mesure que s’installait dans la durée cette immigration. C’est pour cette raison que les membres de la LADDH, proche de Me Zehouane, ont regretté l’absence, voire la démission des autorités locales, qui tardaient à manifester sa solidarité ou à prendre en charge ces populations. La mendicité ne peut être la solution. C’est un phénomène mondial et l’Algérie doit s’y atteler d’autant qu’elle a ratifié les conventions internationales sur le sujet.
Une rencontre a même été organisée au Centre de documentation en droits de l’Homme de Béjaïa ouverte aux membres de la société civile et aux représentants des partis politiques pour discuter de ce phénomène, qui prend des proportions alarmantes et interpeller dans la foulée les autorités locales, la direction de l’Action sociale et le Croissant rouge algérien, pour prendre en charge ces populations au moins sur le plan sanitaire. Chose faite mais les réfugiés subsahariens ont d’autres projets d’où leur escapade du premier centre d’accueil improvisé par les autorités locales.