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Algérie

Algérie-Les missions de l’ONPLCC et de la Cour des Comptes, face aux nécessaires réformes structurelles (contribution)

Par Maghreb Émergent
janvier 13, 2017
Algérie-Les missions de l’ONPLCC et de la Cour des Comptes, face aux nécessaires réformes structurelles (contribution)

Je ne saurais trop insister que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile et une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socioéconomique, un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités.

L’article 202 de la Constitution stipule qu’ « il est institué un Organe national de prévention et de lutte contre la corruption –ONPLC- autorité administrative indépendante placée auprès du Président de la République et jouissant de l’autonomie administrative et financière ». Cet organe est chargé notamment « de proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption, consacrant les principes de l’Etat de droit et reflétant l’intégrité, la transparence ainsi que la responsabilité dans la gestion des biens et des deniers publics ». Le président de l’ONPLCC, au début du mois, a noté que « la corruption est considérée comme un crime qui porte atteinte aux deniers publics et à l’économie nationale ». En répondant aux préoccupations des membres de la commission des finances et de budget lors d’une réunion présidée consacrée à l’examen du projet de la loi de finances relatif au règlement du budget de l’année 2014, le 10/01/2017, le président de la Cour des comptes, de son coté, a affirmé que l’année 2018 verra la mise en place d’une commission chargée de la mise en œuvre par les entreprises des recommandations de la Cour des comptes. Du fait des ajustements sociaux douloureux à venir, avec la chute du cours des hydrocarbures de longue durée avec un cours très volatil passant en deux jours de 57 à 54 dollars le Brent le 11 janvier 2017, l’Arabie saoudite exigeant un prix d’équilibre de 55 dollars car au-delà de 60 dollars le pétrole/gaz américain pour les gisements marginaux devenant rentables, impliquera une plus de moralité des dirigeants au plus haut niveau pour un sacrifice partagée afin d’éviter le divorce Etat-citoyens. Ainsi, selon le rapport du 10 janvier 2017 de la banque mondiale (BM), en contradiction avec les données officielles, les prévisions de croissance pour l’Algérie sont en baisse, passant de 3,6% en 2016 à 2,9% en 2017, 2,6% en 2018 et 2,8% en 2019, en raison du recul des dépenses dans les infrastructures, principal moteur de la croissance et du climat des affaires. La solution réside selon la BM, en les réformes structurelles, nécessitant une large cohésion sociale, si l’Algérie veut rendre attractif le pays les investissements productifs nationaux les étrangers, éviter les tensions du fait que la demande additionnelle d’emplois sera entre 300.000/350.000 par an an qui s’ajoute aux taux de chômage actuel sous estimé officiellement. (1)

Si l’on veut lutter contre les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, rendre le contrôle plus efficient, il y a urgence de revoir le système d’information qui s’est totalement écroulé depuis plus de 30 ans, posant la problématique d’ailleurs de la transparence des comptes, y compris dans une grande société comme Sonatrach qui procure directement et indirectement 97/98% des recettes en devises au pays. Ayant eu à diriger un audit financier avec une importante équipe avec l’ensemble des cadres de Sonatrach et d’experts, sur cette société, il nous a été impossible de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R’mel et Hassi Messaoud tant du baril du pétrole que le MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile et dans ce cas la mission de la Cour des comptes serait biaisée. Dans les administrations, disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1960 ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires. Dans son rapport rendu public dont la presse algérienne s’est fait l’écho les rapports de la Cour des comptes mettent en relief la mauvaise gestion des deniers publics et le manque de transparence. Ces rapports notent outre la non-conformité aux principes de la comptabilité publique et aux dispositions de la loi, concernant tant les objectifs assignés, que la réalisation de projets et de programmes, afférents au budget et l’opacité dans la gestion de différents dossiers notamment concernant les exonérations fiscales de certains projets d’investissement. Malgré l’importance des exonérations accordées, le suivi des projets retenus n’a pas été au rendez-vous. L’absence de contrôle a encouragé certains promoteurs à ne pas respecter leurs obligations ou engagements. Cette situation s’est aggravée par une défaillance dans la coordination des différents intervenants, Douanes, Impôts, Ansej et Andi. Ce qui a amené certains investisseurs à détourner les projets de leur destination initiale et, dans certains cas, à la cession des équipements acquis dans ce cadre.

D’une manière générale, et au vu de la situation actuelle, il est évident que l’impact de la dépense publique, montant colossal est très mitigé comme la disproportion avec un taux de croissance entre 2000/2016 de 3% en moyenne existant un divorce entre les moyens et les réalisations effectives. Dans un rapport élaboré le 27 février 2013, repris par l’agence officielle algérienne APS, de la Caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED), il est mentionné qu’uniquement que les grands projets (non compris les petits projets, ni ceux de Sonatrach/Sonelgaz non inclus dans le calcul) inscrits au titre du plan de relance économique 2004/2009 ont connu un surcoût global de 40% pour certains projets. Le rapport note que le maître d’ouvrage élabore souvent une offre financière et un délai de réalisation prévisionnel en croyant qu’il maîtrise tous les facteurs qui entourent son projet, ne prenant pas en considération des contraintes, ce qui engendre des réévaluations des autorisations de programmes récurrentes et coûteuses pour le budget de l’Etat. Le manque de maturation des études n’est pas le seul obstacle des réévaluations. Ces difficultés sont généralement liées à la libération des assiettes foncières et des emprises, aux retards dans le déplacement des réseaux divers, le retard dans le choix et l’installation des bureaux et suivi de contrôle des travaux, la faiblesse des capacités nationales de gestion et de suivi des grands projets, la non-maîtrise» des prix en Algérie en raison de l’existence de «marchés déstructurés». L’on devra s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire, c’est-à-dire le fonctionnement réel de la société, l’Algérie ayant les meilleures lois du monde mais rarement appliquées et avec des institutions de contrôle qui se télescopent dont certaines dépendant de l’exécutif étant juge et partie alors que leur indépendance est primordiale et en relation d’ailleurs à l’indépendance de la justice. Car en plus de la Loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, existent d’autres textes de lois traitant, également de la lutte contre la corruption, comme l’IGF, la Cour des comptes, la monnaie et le crédit et des circulaires de la banque d’Algérie relatives à la répression des infractions de change et des mouvements des capitaux vers l’étranger.

4.- Dans tous les pays du monde où existe un Etat de droit, la Cour des comptes est une institution hautement stratégique et notant qu’uniquement le contrôle de Sonatrach nécessiterait 200 magistrats financiers. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international et de diriger en Algérie par le passé ( en 1982 pendant la présidence de feu docteur Amir, ex-secrétaire général de la présidence de la république), trois importants audits sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures de l’époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relation avec le ministère de l’Intérieur, et celui de l’Habitat assisté de tous les walis de l’époque, je ne saurais donc trop insister sur son importance en évitant, comme par le passé, qu’elle ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en éternelle transition ni économie de marché, ni économie planifiée. Il existe un lien dialectique entre la logique rentière bureaucratique et l’extension de la sphère informelle qui draine plus de 50% de la masse monétaire en circulation et accapare autant pour la superficie économique (voir mon étude réalisée pour l’Institut français des Relations Internationales IFRI décembre 2013 – « Poids de la sphère informelle au Maghreb »). C’est cette interminable transition la gestion administrée bureaucratique tant centrale que locale l’amplifiant, qui explique les difficultés de régulation tant politique économique que sociale, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences ministérielles, donc du politique, où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 n’a jamais été appliquée, car la majorité des cadres algériens sont honnêtes. Dans ce cas, la responsabilité n’est-elle pas collective et renvoie au blocage systémique, les managers prenant de moins en moins d’initiatives ? Cela explique la bureaucratisation de la société et la déperdition des entreprises productives. L’organe de lutte contre la corruption et la Cour des comptes, doivent éviter cette vision répressive et être un garde-fou, une autorité morale par des contrôles réguliers et des propositions. Ils peuvent jouer leur rôle de lutte contre la mauvaise gestion et la corruption. Mais cela est insuffisant supposant un renouveau de la gouvernance centrale et locale sous tendue par la visibilité et la cohérence de la politique socio-économique, devant éviter l’entropie actuelle.

En résumé évitons cette vision bureaucratique du passé, sans vision stratégique en ce monde turbulent, instable, mondialisée, à l’approche de la quatrième révolution économique mondiale, certains responsables qui ont besoin de faire leur mu culturelle loin des salons climatisés, pensant que des unités des années 1970, des lois ou nouvelles organisations, avec des changements de cadres juridiques perpétuels qui ont un coût, peuvent changer à la fois le développement et le fonctionnement de la société.

*Professeur des Universités, expert international, ancien haut magistrat à la Cour des Comptes
[email protected]
(1)- interview à ce sujet rapport BM à Radio Algérie Internationale 11/01/2017

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