Commentant l’annonce du recul de la croissance de l’agriculture pendant les cinq prochaines années, Akli Moussouni, expert en développement agricole, s’interroge : « Si on croit à un taux de croissance de 13% pour les cinq années passées, quel est ce problème majeur qui peut réduire cet élan de croissance de 50% ? ».
L’annonce faite hier, par le secrétaire général du ministère de l’Agriculture, d’un taux de croissance du secteur agricole de 6 à 8% durant le prochain quinquennat (2015-2019), contre une moyenne de 13% durant les quatre dernières années, inquiète Akli Moussouni, expert agronome : « C’est une déclaration inquiétante, qui cache mal la déconfiture d’un secteur de souveraineté ! » Et d’ajouter : «D’abord, de par l’estimation du taux de croissance durant le précédent quinquennat à 13%, qui relèvent d’un mythe : aucune composante de ce secteur n’a échappé à l’anarchie qui s’est manifestée par des crises répétitives pour tous les produits (lait, pomme de terre, tomate, céréales, légumes secs…), d’où le recours à l’importation. »
Selon cet expert en développement agricole, cette situation s’est compliquée par le fait que des territoires entiers ont été « massacrés par les mauvaises conduites culturales », du fait que les opérateurs n’ont jamais été accompagnés par des instituts techniques, lesquels «se sont plutôt investis dans des missions protocolaires ». En conséquence, dit-il, ce secteur économique s’est transformé en source d’inquiétude au plus haut niveau de l’Etat : « Les statistiques agricoles ont été largement manipulées, elles ont totalement perdu de leur crédibilité. »
Concernant les estimations des taux de croissance agricole pour les cinq années à venir, Akli Moussouni s’interroge : « Si on croit à un taux de croissance de 13% pour les cinq années passées, quel est ce problème majeur qui peut réduire cet élan de croissance de 50% ? ». En fait, enchaîne-t-il, il n’y a pas lieu de parler de développement dans ce secteur « qui va ralentir » : « C’est un secteur qui s’est figé depuis la révolution agraire. Il ne fonctionne qu’à la limite du niveau des subventionnements l’Etat. »
La situation actuelle « n’autorise pas l’optimisme »
Interrogé sur les prévisions plutôt pessimistes pour 2014-2015, notamment pour les céréales, M. Moussouni affirme que la sécheresse se conjugue à un ensemble de facteurs négatifs comme les maladies qui touchent les espèces végétales, la perte de terres agricoles à cause de l’érosion, le gaspillage de l’eau… contre lesquels les pouvoirs publics n’ont « jamais pris des mesures atténuantes ». La situation telle qu’elle se présente, déplore-t-il, « autorise d’autant moins à l’optimisme que le consommateur algérien doit se préparer, à partir de 2015, à « subir un marché très contraignant de produit agricoles trop chers et de très mauvaise qualité ».
Pour Akli Moussouni, « le PNDA (Programme national de développement agricole), qui a généralisé le système d’attribution des aides de l’Etat, a contribué pleinement à la déperdition des vocations agricoles territoriales ». Il critique aussi « l’introduction anarchique de variétés étrangères » qui a, selon lui, « compliqué la situation en fragilisant les sols vis des aléas naturels (climat, maladies, infections parasitaires…) ».