Etant non partisan, cette brève contribution s’inscrit dans le cadre d’une vision que je veux objective pour éclairer l’opinion publique sur la gravité de la situation socio-économique, qui peut être surmontée grâce à une nouvelle gouvernance, devant aller vers des solutions réalistes, loin de tout populisme qui accroîtra les tensions sociales. Dans toute démocratie, le pouvoir est le pouvoir et l’opposition est l’opposition, libre à elle de critiquer les actions de tout gouvernement, mais sur la base de données objectives, sans verser dans l’alarmisme . A ce titre je ferai dix observations.
1.- Le cours du Brent a été coté le 13 décembre 2015 à 38,32 ( la veille 37 dollars) et celui du WIT à 35,35 avec un cours euro/dollar de 1,0993, l’euro à 117,336 dinars algériens et 106,650 dinars un dollar. L’année 2016 sera encore plus difficile pour l’Algérie que l’année 2015 et les cours des hydrocarbures, du fait des mutations énergétiques mondiales, seront encore bas. Les réserves prouvées de pétrole traditionnel de l’Algérie selon le dernier conseil des ministres(2015) sont 10 milliards de barils et de 2700 milliards de mètres cubes gazeux pour le gaz traditionnel. Les exportations de gaz (par canalisation et GNL) qui représentent plus 34% des recettes de Sonatrach durant 2010/2014 n’ont jamais pu dépasser la barre des 55 milliards de mètres cubes. La part de marché traditionnel à savoir l’Europe, est passée de 13/14% vers les années 2007/2008 à 8% en 2014, l’Algérie étant fortement concurrencée par Gazprom (30%) et le Qatar. Avec la forte consommation inférieure et de l’extrapolation des exportations, l’Algérie, à moins de découvertes substantielles en termes de coût/qualité tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales se retrouverait sans pétrole et gaz traditionnel à l’horizon 2030 avec une population d’environ 50 millions d’habitants.
2.-Selon la LFC2015 à un cours de 60 dollars en moyenne annuelle, il était prévu une recette de Sonatrach de 34 milliards de dollars, montant auquel il faudra soustraire 20% de coût de Sonatrach, restant 27 milliards de dollars. Au cours de 50 dollars moyenne annuelle la recette de Sonatrach serait de 28 milliards de dollars et le profit net de 22/23 milliards de dollars. Au cours de 40 dollars la recette serait de 18 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach serait d’environ 14/15 milliards de dollars. Comment dès lors mobiliser les 100 milliards de dollars prévus comme investissement entre 2015/2020 par le ministère de l’énergie sans compter plus de 20 milliards de dollars pour Sonelgaz, d’autant plus que la loi des hydrocarbures votée en février 2013, outre la règle des 49/51% généralisable tant à l’amont qu’à l’aval et aux canalisations, prévoit une taxe sur les profits de 30% au-delà d’un certain seuil , décourageant avec l’actuel prix tout investisseur étranger
3.-La loi de finances 2016 table sur des dépenses budgétaires globales de 7.984,1 milliards de DA, avec 4.807,3 md de DA consacrés au budget de fonctionnement, et 3.176,8 md de DA pour celui d’équipement. Quant aux recettes, elles sont de 4.747,4 md de DA dont 3.064,88 md de DA pour les recettes ordinaires et 1.682,55 md de DA pour la fiscalité pétrolière, donnant un déficit budgétaire de 3236,7 dinars soit au cours de 106 dinars un dollar 30,53 milliards de dollars. Or, le cours du dollar est passé en deux années de 75/77 dinars un dollar à 106/107 dinars un dollar et 116/117 dinars un euro, soit une dépréciation par rapport au dollar de 41,33% et par rapport à l’euro de plus de 35%. Cet artifice comptable gonfle la fiscalité pétrolière et ordinaire touchant tous les exportations et importations et par ricochet le fonds de régulation des recettes calculé en dinars. Si l’on avait appliqué 75 dinars un dollar le déficit budgétaire serait de 43,57 milliards de dollars fin 2016. A fin 2014, les avoirs du FRR s’étaient établis, après prélèvements, à 4.408,4 mds de DA (contre 5.563,5 mds de DA à fin 2013). Pour fin 2016, selon la Loi de finances 2016, le Fonds de régulation des recettes (FRR), est estimé à 1.797 md de DA à fin 2016, soit au cours de 106 dinars un dollar 16,95 milliards de dollars, risquant de s’épuiser courant 2017 avec d’inévitables tensions budgétaires et inflationnistes.
4.-Selon la BA en 2014 la sortie de devises sans les transferts légaux de capitaux a été de 71,3 milliards de dollars (dont 11,5 de services) non compris les transferts légaux de capitaux. La balance commerciale a accusé un déficit durant les 10 mois de l’année 2015 de 10,82 milliards de dollars contre un excédent de 4,82 milliards de dollars durant la même période 2014.. Le niveau des réserves de change qui étaient supérieur à 192 milliards de dollars janvier seraient de 151 milliards de dollars en 2015 et à 121 milliards à fin 2016 selon le Ministre des finances, un niveau qui représente 23 mois d’importations mais tablant sur un cours de 60 dollars le baril. Or le montant risquent d’être inférieur tant fin 2015 que fin 2016. Ainsi les réserves de change sont passées de 192 milliards de dollars début janvier 2014, les 173 tonnes d’or équivalent seulement à environ 7 milliards de dollars et termineront certainement à un montant inférieur à 140/145 milliards de dollars fin 2015. Au rythme de l’actuelle dépense publique, et sans réformes structurelles encourageant l’entreprise innovante et l’économie de la connaissance, ces réserves risquent de s’épuiser horizon 2018/2019.
5.- La valeur d’une monnaie qui dépend fondamentalement de la production et de la productivité globale. En Algérie 70% de la valeur du dinar est corrélée aux réserves de change qui proviennent presque intégralement de la rente des hydrocarbures. Au rythme de l’actuelle dépense publique, les réserves de change risquent de s’épuiser horizon 2018/2019 avec un retour inéluctable au FMI. C’est pour cela que l’endettement extérieur, le taux d’intérêt très faible au niveau mondial, bien ciblé destiné à l’investissement productif et sur une période longue afin de ne pas réduire les réserves de change, pourrait être une opportunité. Car si les réserves de change étaient inférieures à 10 milliards de dollars, un dollar se coterait à plus de 200 dinars un dollar avec une incidence sur le pouvoir d’achat. Cela induirait une amplification de l’inflation importée ayant un impact sur toutes les entreprises locales (hausse des coûts) et sur les importations de produits finis.
6.-La loi de finances 2016, malgré quelques augmentions des prix de certains produits continue sa politique de subventions. Le problème qui se pose, avec la baisse des recettes de Sonatrach, le gouvernement pourra t-il continuer dans sa politique de subventions généralisées et non ciblées ? Les transferts sociaux selon la loi de finances 2016 sont en hausse à 7,5 à 23% du budget de l’Etat, avec une enveloppe de 477 milliards de DA pour le soutien à l’habitat, 446 milliards de DA pour le soutien aux familles, dont 222 milliards de DA pour la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile), ainsi que 316 milliards de DA pour le soutien à la santé soit 1461 milliards de dinars soit 13,78 milliards de dollars.. Subventions et transferts sociaux 60 milliards de dollars presque 27/28% du PIB et au sein uniquement des subventions les carburants représentent plus de 11 milliards de dollars, prix de l’électricité plafonné depuis 2005 expliquant le déficit structurel de SONELGAZ.
7.-Outre le risque de tensions au niveau des caisses de retraite, en cas de chute du cours des hydrocarbures, (permettant à 70% la création d’emplois à majorité improductives), de la faiblesse de la croissance et donc de la création d’emplois productifs, la demande d’emplois entre 300.000/350.000 par an nécessite un taux de croissance en terme réel (devant raisonner à prix constants et jamais à prix courants) de 8/9% pendant 5 à 10 ans pour réduire les tensions sociales. Bien que les données du ministère des finances font état d’une hausse significative du PIB de l’Algérie qui s’est établi à 17.731 milliards de DA (environ 221 milliards de dollars) en 2014, contre 16.570 mds de DA (196 mds de dollars) en 2013, le taux de croissance, moyenne annuelle, n’a pas dépassé 3% entre 2000/2014. Pour environ 70%, les besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 70% provient de l’extérieur, la rubrique matières premières ayant été de plus de 17 milliards de dollars en 2014, expliquant la hausse des coûts et donc des prix avec le dérapage du dinar. Les 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures avec la dominance du BTPH (avec une exception pour l’agriculture dont une partie des inputs proviennent également de l’extérieur) ont été rendus possible à plus de 80% que grâce à la dépense publique via la rente des hydrocarbures durant cette période.
8.-Selon l’ONS, 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce/services. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB et sur ces 5% 95% sont des PMI/PME peu initiées au management et à l’innovation, technologique alors que s’impose des innovations technologiques impliquant un investissement massif dans la recherche développement, le capital argent n’étant qu’un moyen ne créant pas de richesses. Parallèlement il faudra dynamiser le tissu productif industrie, loin de la vision mécanique des années 1970, l’agriculture, les services, le tourisme et les nouvelles technologies dans le cadre des valeurs internationales. Cela suppose un assouplissement de la règle 49/51% pour les segments non stratégiques pouvant imaginer une minorité de blocage, du fait que toutes les chancelleries USA-Europe, Asie viennent de déclarer à l’unanimité durant ce dernier trimestre 2015, que pour les PMI/PME, vecteur de croissance et de création d’emplois dans le monde, leurs entreprises ne viendraient pas en Algérie avec cette règle. Pourquoi cette obstination à garder une règle généralisée qui accroît l’endettement extérieur ? A moins que l’Algérie supporte tous les surcoûts avec des rentes , mais cela est rendu impossible actuellement du fait de la baisse drastique des recettes en devises.
9. L’on devra éviter tant l’illusion organisationnelle sans objectifs stratégiques (combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) que monétaire. Car le dinar est passé de 4 dinars un dollar vers les années 1975 à 16 dinars un dollar avant la dévaluation de 1994, 45 dinars un dollar après la dévaluation et actuellement 107 dinars un dollar. Parallèlement, l’Algérie a connu différentes organisations de 1963 à 2015 : sociétés nationales , fonds de participation de l’Etat, Holdings, sociétés de gestion des participations de l’Etat et actuellement groupes industriels et l’Algérie est toujours dépendante des hydrocarbures 95% des exportations et incluant les dérivées d’hydrocarbures 98%.le défi est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires de dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne , devant se fonder sur l’entreprise créatrice de richesses et l’économie de la connaissance.. Ainsi, il s‘agira d’éviter de fausses polémiques en distinguant démonopolisation ( favorisant le secteur privé nouveau) ne devant plus faire la différence entre secteur privé et secteur public qui doivent évoluer dans un environnement concurrentiel, mais parler d’entreprises et privatisation qui constitue une cession partielle ou totale d ‘actifs. Le projet de loi d’investissement ne concerne pas Sonatrach Sonelgaz soumises à des lois spécifiques. Comme le droit de préemption qui constitue un acte de souveraineté nationale, un simple conseil des ministères étant suffisant pour les segments stratégiques qu’il s ‘agit de définir ave précision car historiquement datés.
10.-Le blocage étant d’ordre systémique, l’Algérie, pour surmonter la situation actuelle a besoin d’une vision stratégique, de cohérence, de visibilité et de leadership. Tenant compte de toutes les sensibilités un large front national de toutes les algériennes et les algériens s’impose. L’Algérie doit profiter de sa relative aisance financière, dette extérieure très faible, moins de 4 milliards de dollars et bien utiliser ses réserves de change en transformant cette richesse virtuelle en richesses réelles, de libérer toutes les énergies créatrices, et donc de réaliser la transition difficile vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. L’Algérie en ces moments difficiles tant sur le plan géostratégique qu’économique n’a pas besoin de polémiques stériles. A ce titre, le débat contradictoire productif au profit exclusif des intérêts supérieurs du pays afin d’aller vers un renouveau de la gouvernance me semble être la seule voie pour surmonter et résoudre les nombreux défis qui nous attendent. L’Algérie en a les moyens pour peu que l’on développe un discours de tolérance, personne n’ayant le monopole du nationalisme ou de la vérité.
En résumé, contrairement aux discours alarmistes, pour des raisons essentiellement politiques, la loi de finances 2016, qui ne s’attaque pas aux problèmes de fond, à savoir les réformes structurelle, il n’y aura pas de révolution sociale. Mais le statut quo actuel est suicidaire à terme.