Mohammed Laksaci, gouverneur de la Banque d’Algérie (2001-2016) invité de d’Aix-Marseille Université, est intervenu sur son thème de prédilection : « Algérie, politique monétaire dans une économie dépendante des ressources naturelles ».
L’ancien gouverneur de la banque d’Algérie a traité, selon le papier diffusé par l’université https://www.amse-aixmarseille.fr/evenement/algerie-politique-monetaire-et-dependance-des-ressources-naturelles, du rôle joué par la politique monétaire dans la mise en œuvre des programmes de stabilisation et d’ajustement structurel au cours des années 1990. Il s’agissait pour lui de savoir si cette orientation a permis d’absorber l’excès structurel de liquidité sur le marché monétaire durant la période 2002 à 2014 afin de maintenir l’inflation sous contrôle, et d’évaluer sa pertinence aujourd’hui que la conjoncture financière a changé en Algérie pour cause de contre choc pétrolier de près de 30 mois consécutifs.
La banque d’Algérie injecte à nouveau des liquidités
Parmi les constats évoqués dans son intervention, l’invité de l’université Aix-Marseille a insisté sur le risque inflationniste dans le contexte du contre choc pétrolier actuel. Il indique qu’en injectant des liquidités dans le système bancaire après plus de quinze années au cours desquelles elle n’avait pas eu à jouer son rôle de prêteur en dernier ressort, la Banque d’Algérie devra continuer à veiller à la concrétisation de l’objectif d’inflation en situation de risques à la hausse liés à la persistance du choc externe. Dans une telle situation de baisse des termes de l’échange, la politique monétaire devra mettre davantage l’accent, à partir de 2017, sur la nécessité de limiter l’inflation. Ce qui dénote comme un conseil à l’actuel gouvernement au moment où la loi de finances promet d’alimenter de nouvelles pressions inflationnistes.
L’accent est également mis sur « le nécessaire ajustement budgétaire graduel à partir de 2017 accompagné par un effort de recouvrement des revenus d’impôts hors hydrocarbures qui devra être appuyé par la mise en œuvre de réformes structurelles à même de stimuler l’investissement du secteur privé et l’offre de biens et services productifs ».
Cela aiderait, selon la contribution, à préserver une marge de manœuvre relative pour la politique monétaire, « pour ce qui est du rôle crucial qu’elle doit continuer de jouer en matière de stabilisation macroéconomique ».
Laksaci rappelle ses succès sur le front de l’inflation…
La fiche de présentation de l’évènement, attribuée à l’ex-gouverneur, met en exergue le fait que les ressources naturelles, essentiellement les hydrocarbures dont les prix sont volatils, ont joué et continuent de jouer un rôle primordial dans l’économie algérienne, dans la mesure où les revenus générés par l’exploitation de ces ressources constituent l’essentiel des recettes d’exportation du pays et une part substantielle des revenus budgétaires.
La note de synthèse de Mohamed Laksaci indique qu’au cours des années 1970 et 1980, le financement des investissements planifiés a reposé dans une large mesure sur les ressources de la sphère budgétaire liées aux hydrocarbures.
La même source considère que « les résultats appréciables au terme de la période d’ajustement (1994 – 1998) au cours de laquelle les politiques monétaire et de change ont joué un rôle majeur, ont permis de faire face aux effets de la chute du prix du pétrole intervenue en 1998-1999 ».
Autre point évoqué : le fameux le fonds de régulation des recettes. C’est ainsi qu’étant « soutenue par la stérilisation d’une partie du surcroît de ressources budgétaires issu des hydrocarbures à travers l’accumulation d’épargnes budgétaires dans le fonds de régulation des recettes (fonds de stabilisation), la politique monétaire prudente a permis de gérer l’excès structurel de liquidité sur le marché monétaire durant la période 2002 à 2014’, est-il souligné.
D’ailleurs, au cours de cette période, « la conduite active de la politique monétaire au moyen d’instruments pertinents de résorption de l’excès de liquidité a largement contribué à contenir les effets inflationnistes du surcroît de ressources issues des hydrocarbures ».C’est de cette façon que les performances en matière de stabilité monétaire ont conduit à la réforme du cadre de politique monétaire en 2010 qui institue l’objectif explicite d’inflation, concomitamment à celui de stabilité financière. Ces phrases ressemblent fort à une défense du bilan du gouverneur car il est explicité que « tout en poursuivant l’objectif de stabilité des prix, la Banque d’Algérie veille à la stabilité financière et à la sécurité des systèmes des paiements ».
…Et regrette l’année budgétaire perdue en 2015
Il est considéré que si les coussins de sécurité (accumulation des réserves de change et d’épargnes budgétaires dans le fonds de stabilisation) constitués entre 2000 et 2008 ont largement permis de faire face au choc externe de 2009, intervenu en pleine crise financière et économique mondiale, la chute des prix du pétrole à partir de mi-2014 révèle l’acuité de la vulnérabilité de l’économie algérienne à toute contraction des ressources d’hydrocarbures.
Il est néanmoins admis qu’en dépit de l’ajustement du taux de change pour faire face à ce choc externe, l’érosion rapide des ressources du fonds de stabilisation et des réserves de change traduit notamment le fait que la consolidation budgétaire n’a été que faiblement engagé en 2015. D’ou cette conclusion selon laquelle la contraction de la liquidité bancaire à partir de 2015, qui est plus soutenue en 2016, justifie la réactivation au cours du second semestre 2016 du rôle de la Banque d’Algérie en tant que prêteur en dernier ressort. En tenant compte de la dépendance de l’économie algérienne à l’égard des ressources du secteur des hydrocarbures et du risque d’épuisement des ressources du fonds de stabilisation, la poursuite de la politique de flexibilité du taux de change contribuera à étayer la conduite de la politique monétaire, en situation de faible endettement en devises, est-il estimé.