L’ancien PDG de Sonatrach continue à penser que l’avenir énergétique de l’Algérie réside dans le développement de ses ressources conventionnelles, notamment le pétrole : « Pourquoi dit-on que l’Algérie est d’abord un pays gazier ? Il faut concentrer le gros de nos efforts sur Hassi Messaoud. Augmenter de 1% le taux de récupérations de Hassi Messaoud ferait augmenter nos réserves de plus de 500 millions de barils. »
L’ancien PDG de Sonatrach, Nazim Zouiouèche ; qui était ce mercredi l’invité du direct de Radio M, accueille avec prudence les prévisions « ambitieuses » de croissance de la production nationale d’hydrocarbures annoncées par les responsables du secteur pour les prochaines années. Il explique tout d’abord les bons résultats obtenus en 2016, qui ont mis fin au déclin de la production enregistré depuis 10 ans, par un « un peu plus de production à Hassi Messaoud et sans doute aussi un epsilon sur chaque site de production grâce à plus de rigueur ». Pour les années à venir, il s’attend à la poursuite de cette tendance grâce à une « accélération de la mise en exploitation de nos gisements du Sud-ouest qui peuvent apporter 12 milliards de mètres cubes supplémentaires et soulager Hassi R’mel à partir de 2018 ».
L’avenir c’est encore Hassi Messaoud
A plus long terme – et c’est certainement l’aspect le plus original de sa contribution au débat public au cours des dernières années – pour Nazim Zouiouéche, l’avenir énergétique de l’Algérie se situe dans le développement de ses ressources conventionnelles. Et les ressources conventionnelles pour lui, c’est d’abord et toujours le pétrole. « Pourquoi dit-on que l’Algérie est d’abord un pays gazier ? Il faut concentrer le gros de nos efforts sur Hassi Messaoud. Augmenter de 1% le taux de récupérations de Hassi Messaoud ferait augmenter nos réserves de plus de 500 millions de barils ».
L’ex-PDG de Sonatrach croit encore à l’avenir des deux gisements géants de Hassi R’mel et Hassi Messaoud qui doivent faire l’objet d’un « screening » pour évaluer leur état et définir un profil d’exploitation optimal. Pour lui, « Hassi Messaoud ce sont des réserves de 50 milliards de barils en place. Le taux de récupération actuel est de 27 ou 28 %. On peut passer à 35 ou 40 % ». Comment opérer le saut technologique qui permettrait de parvenir à de telles performances ? « Sonatrach n’a pas besoin d’ouvrir son capital. La compagnie nationale peut prendre des partenaires en signant des contrats de services. C’est d’ailleurs ce qu’elle est en train de faire. »
Nazim Zouiouéche est, en outre, convaincu que la découverte de nouveaux gisements est encore possible même s’il devrait s’agir à l’avenir seulement de gisements de taille modeste. « Nous avons encore la possibilité de faire des découvertes dans beaucoup d’endroits dans le Sahara mais aussi au nord du pays, car il ne faut pas oublier que les premières explorations ont été faite dans cette région », rappelle-t-il.
Construction de raffineries : « Il faut arrêter ça !«
Cet expert algérien des hydrocarbures exprime, par ailleurs, un point de vue extrêmement tranché sur les projets annoncés par les responsables du secteur dans le domaine du raffinage. « Il faut arrêter ça », affirme-t-il carrément en faisant référence au vaste programme de construction de 3 raffineries géantes qui devraient porter la capacité de raffinage nationale à près de 50 millions de tonnes. « Nous avons actuellement des besoins de l’ordre de 18 millions de tonnes et une capacité de raffinage installée de plus de 22 millions de tonnes. La priorité devrait être de construire une nouvelle raffinerie à Alger pour remplacer celle de Baraki qui date de plus de 60 ans et qui est aujourd’hui devenue prisonnière du tissu urbain. Les autres projets sont extrêmement coûteux – plus de 3 milliards de dollars par raffinerie – et leur localisation à l’intérieur du pays, à Setif et Tiaret, est un mauvais choix. Les raffineries doivent être installées sur le littoral à part peut-être le projet de Hassi Messaoud. «
Plus généralement, pour Nazim Zouiouéche ces projets posent un problème de rentabilité : « Ces raffineries coûteront très cher, leur entretien va coûter également très cher. Le raffinage a un coût élevé et la rémunération de ces différents investissements n’est pas du tout assurée sur un marché international qui connaît des surcapacités et qui est très volatile. » Quitte à investir dans cette activité, « on aurait mieux fait, assure-t-il, de racheter des raffineries à l’extérieur lorsque des opportunités se sont présentées voici quelques années ».
Des questions sur le programme du renouvelable
A propos du programme du renouvelable annoncé récemment par Noureddine Bouterfa, le ministre de l’Energie, c’est la taille inusitée des projets qui inspire des inquiétudes à l’ancien patron de Sonatrach. « Même divisés en trois tranches de 1.350 MW chacune, cela reste des programmes d’une ambition considérable. Est ce qu’on va encore les fractionner en projets d’une taille plus modeste ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux développer le solaire dans le Sud du pays en installant des îlots de 100 à 150 MW ? »
La volonté exprimée par le ministre de l’Energie d’exiger une production locale des équipements soulève les mêmes interrogations : « Qu’est-ce qu’on veut produire localement ? Pour les panneaux solaires, il ne reste plus dans le monde que des producteurs chinois. On pourra éventuellement produire des onduleurs ou les supports métalliques des installations. Des taux d’intégration de l’ordre de 30 ou 40 % sont sans doute possibles. Dans ce domaine l’appel adressé récemment au privé national est sans aucun doute une bonne chose. »
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