La phrase semble être passée inaperçue au milieu des explications d’Ahmed Ouyahia à l’APN sur le recours au financement non-conventionnel : la crise financière actuelle est «importée de l’extérieur ».
Un grand classique du discours de dé-responsabilisation. On se souvient des propos de feu Chadli Bendjedid tenus en 1984 et 1986 sur le fait que l’Algérie, contrairement à d’autres pays, ne connaissait pas la crise car elle a pris les devants.
Le propos lénifiant avait trouvé sa synthèse dans le documentaire de propagande réalisé par Peter Ustinov, « le défi algérien » sorti quelques mois avant les émeutes d’octobre 1988.
Le discours du 19 septembre
Entretemps et sur fond d’un été chargé de rumeurs, Chadli Bendjedid, fera, le 19 septembre 1988, un discours explosif appelant ceux qui sont «incapables » de faire leur devoir à reconnaître leur «incapacité » et dénonçant « le gaspillage, les lenteurs bureaucratiques, l’inertie, le monopole de l’autorité, l’absence des instances d’État pour le contrôle et les sanctions à prendre contre quiconque se joue des prix… ».
Mais c’est aussi le discours sur la « crise évitée » grâce à la « prévoyance » des autorités cède la place à l’explication extérieur. « Nul n’ignore que le congrès se tiendra alors que la conjoncture internationale, au plan économique, est déplorable en raison, notamment des cours du pétrole qui ont brusquement chuté, à 13 et même à 12 dollars, pénalisant ainsi les revenus en Algérie » avait déclaré Chadli Bendjedid.
En 1984, l’Algérie avait pris les «devants » pour éviter la crise, en 1988 elle y était en plein dedans en raison de la «conjoncture internationale ». Le thème de la crise importée de «l’extérieur» était le coeur de l’explication. L’Algérie plongera quelques années plus tard dans une grande crise politique et sécuritaire qui fera passer, en 1995, le plan d’ajustement structurel, sans grande résistance.
En 1987, c’est l’absence de connexion du système bancaire algérien avec l’extérieur qui fait office de «prévention » contre la crise qui vient de l’extérieur. La crise des subprimes n’affectera pas l’Algérie et dans un geste spectaculaire la privatisation du Crédit Populaire d’Algérie est annulée 24 heures avant le jour J.
La preuve par Nabni
Aujourd’hui, Ahmed Ouyahia a encore repris la thèse de la crise «importée ». Pourtant, Internet que les autorités ont tout fait pour retarder, permet de retrouver des alertes très précoces depuis plusieurs années sur la crise qui arrive en raison des problèmes de gouvernance algérienne.
Ces alertes tenaient compte, bien entendu, de la variable des prix pétroliers mais pour insister sur l’impératif de mettre l’économie algérienne dans un cycle vertueux. Il suffit d’aller sur le Net et de relire les publications de Nabni : leurs constats répétés sur le virage à prendre à temps ne permettent qu’une seule conclusion : la crise n’est pas importée de l’extérieur.