Ahmed Ouyahia estime que le pays frise la catastrophe sur le plan économique. Chiffres à l’appui, certains observateurs pensent que le Premier ministre est « trop optimiste ».
Lors de sa rencontre avec le patronat et l’UGTA pour la préparation de la Tripartite, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, a fait des confidences pour le moins explosives à ses invités. Il prévoit une nette catastrophe économique pour le pays d’ici 2020 si des réformes sérieuses et une mobilisation effective de l’ensemble des acteurs de la vie économiques ne sont pas assurés.
«Ce qu’il faut retenir de cette réunion, c’est que le Premier ministre a tenu un discours assez nouveau, contrairement à ce que prétendaient par le passé certains qui voulaient nous faire croire que tout allait bien. Le Premier ministre a dit pour la première fois que la situation est des plus difficiles. Selon ses propos, on risque même des situations catastrophiques. Il a dit que si dans trois ans nous consommons 25 milliards de dollars, il ne restera rien dans les caisses. C’est une vérité connue de tous», a révélé à la presse le président de la Confédération algérienne du patronat (CAP), Boualem M’rakech.
Le propos d’Ahmed Ouyahia est-il économiquement fondé ? Pas tout à fait, estiment certains économistes dont nous recoupons ici les analyses. « Ahmed Ouyahia est, compte tenu des indicateurs en vigueur, trop optimiste », estime un économiste. Pourquoi ? Visiblement, le Premier ministre ne voit que le déficit de la balance des paiements. Le chiffre de trois ans de répit dont il parle correspond à la durée de vie des réserves de change selon le rythme actuel de leur épuisement. Les 25 milliards de dépenses annuelles qu’il évoque, c’est le montant minimal qui est puisé des réserves de change chaque année. En effet, l’Algérie dépense à l’extérieur l’équivalent de 60 milliards annuellement. Et comme ses recettes depuis 2014 vont de 30 à 35 milliards, la différence est comblée par le recours aux réserves. Or, les déficits qui minent l’Algérie ne sont pas uniquement externes, ils sont aussi internes : budget de l’Etat, la Caisse Nationale des Retraites, la Caisse Nationale d’Assurance Sociale, les entreprises publiques…
Ainsi, on relève que les déficits budgétaires, notamment au niveau de la CNAS, de la CNR , des entreprises publiques et des banques qui ont pourtant des conséquences tout aussi ravageuses que celles des déficits externes sont ignorés par le gouvernement car, estime-t-on, ces déficits sont libellés en dinar.
« Ouyahia et ses collaborateurs ne pensent qu’aux déficits en devise. C’est leur hantise. Peu connaisseurs de la question économique, ils ne voient pas que les deux déficits, externes et internes, ont les mêmes conséquences. La chose est évidente. Mais dans leur esprit, le dinar, ça s’imprime, ce qui n’est pas le cas de l’euro ou du dollar », nous explique notre économiste. La situation est donc plus grave que ne le pense Ahmed Ouyahia ? « Oui, la situation est tellement grave que ni le gouvernement ni les autres organismes de l’Etat n’osent publier des chiffres. », ajoute-il sans nuances.