D’un côté, des entreprises nationales qui capitalisent beaucoup d’expérience, des métiers et des actifs inestimables, fonciers entre autres, souvent mal rentabilisés. De l’autre, des PME privées en souffrance, qui peinent à se développer malgré un niveau de management et d’expertise élevé, une croissance importante et une ressource humaine qualifiée. Quel gâchis !
En attendant le nouveau modèle économique du gouvernement et des réformes structurelles pour agir autant sur les dépenses publiques que sur l’investissement et la relance de la croissance hors hydrocarbures, des décisions très simples, élémentaires et extrêmement efficaces permettraient de gagner du temps de produire des résultats immédiats sans incidence budgétaire, pour peu que les mentalités changent et que l’idéologie ambiante cède la place à l’objectivité.
Exportations, « 51/49 », accès au foncier, financements, subventions, IDE… Des mots qui reviennent sans cesse, des discours vides qui donnent le vertige et qui n’en finissent pas ! A côté, sur le terrain des PME, un potentiel immense est disponible en abondance, des entreprises prêtent à en découdre ! De véritables volcans en ébullition préparés à une éruption de richesses tant attendues… Ce potentiel, ce sont des entreprises publiques et privées qui, faute de s’allier, se contemplent, impuissantes. D’un côté, des entreprises nationales qui capitalisent beaucoup d’expérience, des métiers et des actifs inestimables, fonciers entre autres, souvent mal rentabilisés. De l’autre, des PME privées en souffrance, qui peinent à se développer malgré un niveau de management et d’expertise élevé, une croissance importante et une ressource humaine qualifiée. Quel gâchis !
Très peu de joint-ventures public/privé national se sont conclus ces dix dernières années ; pour ceux qui ont tenté l’aventure, le chemin est semé d’embûches. Un parcours du combattant que doivent traverser les managers des deux camps – parce que, souvent, cela ressemble à une véritable guerre de tranchées – pour réussir à concrétiser un projet de partenariat ; beaucoup abandonnent en cours de chemin.
Tour à tour les managers du secteur public sont fortement et injustement suspectés d’intérêts et d’enrichissement personnels et ceux du privé de vouloir accaparer le foncier et d’avoir des ambitions voraces et malhonnêtes. Au-delà du projet en lui-même, de sa rentabilité, de l’opportunité qu’offre le marché et de la création d’emplois qu’il peut générer, la machine idéologique se met en marche. Tout le monde s’y met ; à tous les niveaux la suspicion est à son paroxysme. Les employés d’abord, qui s’inquiètent de voir leurs entreprises s’unir aux méchants privés ; les conseils d’administration et les cadres, qui, par incompétence, conflits personnels ou d’intérêts, bloquent ou ralentissent le processus ! Enfin, pour les projets qui réussissent à franchir les éliminatoires, le passage obligatoire devant la tutelle de l’entreprise publique et au CPE (Conseil de participation de l’Etat), qui doit réexaminer de nouveau la faisabilité ou non du partenariat. Après des mois et des mois, voir des années de négociations, de préparation, de dépenses, souvent inutiles, d’établissement et d’élaboration de batteries de documents notariés et bureaucratiques, les protagonistes attendent et attendent encore la tenue du conseil salvateur, qui va statuer sur leurs projets, et donc sur la création de richesses, le développement et la diversification de l’économie nationale, censés être urgents et prioritaires.
Partenariat gagnant/ gagnant
Un exemple édifiant de partenariat dans la logistique: le rail : il illustre fortement l’intérêt de ce type d’union. Le fret par voie ferrée ne représente pas plus de 2% du transport de marchandises domestique, alors qu’il est doté, dans le Nord, d’un réseau correct relié aux ports et à certaines zones industrielles. La compagnie nationale, qui vient d’acquérir 30 nouvelles locomotives, ne parvient pas à s’imposer sur le marché. Pourquoi ? Les avantages énormes qu’elle peut offrir au transport de marchandises en termes de massification des flux, de sécurité, de gains de temps et donc de coûts, ne sont pas valorisés.
Le réseau ferré n’a d’intérêt pour le fret que s’il est combiné au transport multimodal, routier entre autres, pour mettre en place des ramifications et tisser des réseaux capillaires qui permettent de réaliser des opérations « end to end », s’appuyant sur un réseau de plate-forme logistique afin de grouper et d’éclater ensuite les produits pour leurs destinations finales. C’est précisément dans le pilotage des opérations, le transport multimodal, la gestion des stocks, la manutention et la force de vente qu’un partenaire privé, opérateur logistique, peut jouer un rôle important et transformer un potentiel dormant en formidable opportunité. Opportunité pour le privé, la compagnie nationale et l’économie, « win/win » sur toute la ligne.
Nos voisins espagnols l’ont fait, en créant une co-entreprise, RENFE-Cargas, entre une filiale de la compagnie nationale du chemin de fer espagnol et une entreprise privée de logistique à hauteur de 40% du capital. Ils ont réussi ensemble à bâtir un réseau capillaire européen performant pour le transport de containers, l’industrie automobile, la grande distribution, la sidérurgie, etc. Sans les contraintes, nous pouvons le faire aussi, mais seulement ensemble.
Il faut créer au moins 500.000 PME d’ici 2020
Pour faire face aux défis de demain, à l’accroissement de la population – et donc à toujours plus de demandeurs d’emplois sur le marché du travail -, à la consommation d’énergie et à nos besoins alimentaires, notre pays devra créer au moins 500.000 PME d’ici 2020. Les projets de partenariat public/privé aboutissent à des créations d’entreprises. Ces nouvelles entreprises sont déjà adultes et mûres, leurs associés aussi. Par conséquent, elles sont rentables très rapidement et bénéfiques pour l’économie à très court terme. Notre gouvernement, qui est à la recherche de solutions pour juguler la crise et la transcender, dispose, grâce à ce type de partenariat, d’un puissant levier.
Les pouvoirs publics et l’administration en général doivent, dans l’urgence et dans la situation actuelle de crise économique – qui va s’amplifier au fur et à mesure de l’effondrement des réserves de changes – encourager et faire confiance aux PME, mais surtout changer d’attitude et de mentalité vis-à-vis du secteur privé et des chefs d’entreprises, cesser de les considérer comme des délinquants avides et cupides. Les patrons du public ne sont pas en reste, certains sont de vrais managers, ambitieux et compétents, mais leurs faibles marges de manœuvre, les suspicions de corruption et la menace du pénal qui pèsent sur eux les empêchent d’exercer leur métier et de voir grand.
Les entrepreneurs algériens, comme ceux du monde entier, dans leur majorité, veulent bâtir des entreprises citoyennes et sont conscients des enjeux et du rôle déterminant à tenir dans la construction d’une véritable économie. Naturellement, ils veulent engranger des profits, beaucoup de profits, cela n’est pas un tabou. Faire des profits, pour eux, mais aussi pour investir, pour la société, pour créer de l’emploi, innover, oser, conquérir des marchés à l’international. Contribuer au PIB et transformer une économie de rente en économie compétitive et productive : notre gouvernement doit comprendre qu’il n’y a que les entreprises qui sont capables de le faire ; c’est cela le nouveau modèle économique.