Parallèlement à la présentation du projet de loi relatif à la Santé, par le ministre de la Santé, de la population et de la réforme hospitalière, Mokhtar Hasbellaoui, hier à l’Assemblé populaire nationale (APN), plusieurs voix se sont élevés pour contester ledit projet de loi. Une véritable vague de protestation menée par des syndicalistes, des praticiens de la santé et des députés de différents partis politiques de l’opposition et de la majorité.
« Des millions d’Algériens renonceront aux soins »
Dans une contribution, de 14 pages relative au projet de loi en question, l’infatigable syndicaliste, Nouredine Bouderba, affirme que le projet de loi sur la santé vise à consacrer, définitivement, par le texte, le désengagement de l’état et l’abandon de la médecine gratuite. Ce qui aura pour effet, selon lui, « une régression sociale qui sera caractérisée par un surcroit d’appauvrissement, d’inégalité et de renoncement aux soins pour une grande partie de la population ».
Il explique que « cette volonté de désengagement de l’Etat est inscrite dans les articles 343 à 348 du projet de loi sanitaire. D’après lui, l’article 343 stipule clairement que les obligations de l’Etat en matière de financement du système national de santé se limitent aux actions de prévention, aux soins de base, aux soins d’urgence des personnes en difficulté, aux programmes de santé, à la formation médicale des professionnels de santé et à la recherche médicale ». L’article 348 le complète en stipulant que « les bénéficiaires de soins peuvent être appelés à contribuer au financement des dépenses de santé », poursuit Bouderba. Selon lui, ces dispositions constituent l’arrêt de mort de la gratuité des soins en Algérie consacrée par la loi 85-05en vigueur.
« Le secteur privé ne peut être assimilé au secteur public ni placé sur le même pied d’égalité. L’état a pour mission, pour obligation, de répondre aux besoins de santé de la population; alors que le déterminant premier du privé est le profit », précise-t-il.
En résumé, Nouredine Bouderba pense que « ce projet de loi aura pour effets de mettre fin à la gratuité de la médecine, d’approfondir les inégalités d’accès aux soins et d’augmenter la pauvreté. Des millions de personnes vont être poussées à une renonciation aux soins ».
« Transformation de la loi sur la santé en code pénal »
De son côté le Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a animé ce dimanche matin une conférence débat à Alger sur ce même projet de loi.
Dans sa déclaration, le SNPSP, souligne qu’il y a une orientation claire pour le démantèlement de l’entreprise publique et la privatisation graduelle du secteur, sous couvert de la « complémentarité entre les secteurs public et privé dans la distribution des services de la santé » d’une part, et l’abandon par le ministère de la Santé aussi de la gestion des structures sanitaires de base au profit des collectivités locales, d’autre part. Le syndicat a aussi mis l’accent, sur la tentative de transformer la loi sur la santé en un code pénal en insérant plusieurs articles répressifs à l’égard du médecin alors que les dispositifs de sanction du staff médical et paramédical sont du ressort de la justice. « Le projet de loi consacre la mainmise de l’administration et ouvre la voie à l’étouffement de la liberté d’exercer la profession médicale sous le sceau de maitriser la dépense sanitaire », a noté le SNPSP dans sa déclaration.
Des parlementaires appellent Bouteflika à retirer ce projet de loi
Le nouveau projet de loi sur la santé a suscité dès le début de sa présentation à l’APN un débat vraisemblablement houleux. Plusieurs députés ont lancé un appel au président de la République, Abdelaziz Bouteflika pour mettre fin à ce texte de loi.
La députée du Parti des Travailleurs (PT), Nadia Yefsah, dans une intervention marquante, a martelé que ce nouveau projet de loi est venu régulariser l’échec et l’effondrement du secteur de la santé. Et que la politique suivie par les rédacteurs de ce projet n’est qu’une destruction méthodique de la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS). Son camarade du parti Ramdane Youssef Taazibt a déclaré à Maghreb Emergent, que ledit document va démanteler le système de santé. « Ce texte remet en cause le principal acquis de l’indépendance », conclut Taazibt.
Pour sa part, le député du FJD du courant islamiste, Lakhdar Benkhelaf a considéré que ce projet de loi n’est qu’une forme progressive de la privatisation de la santé. Enfin, le député du Rassemblement national démocratique, Ferhate Chabekh a insisté sur l’obligation du maintien du caractère gratuit du secteur.
Il faut noter que le projet de loi de la santé est soumis au débat dans la première chambre parlementaire, dans un contexte particulier. Le secteur de la santé connaît depuis plusieurs mois un mouvement de grève très sérieux. Un mouvement de contestation qui bloque le département de Hasbellaoui, qui n’arrive pas à trouver de solutions à la crise installée dans son secteur.