Le Premier Ministre Abdelmakek Sellal a annoncé, face à la baisse du cours des hydrocarbures le 02 mars 2016 une série de mesures qui s’inscrivent dans le prolongement des orientations du président de la république lors du mini-conseil des ministres en date du 22 février 2016, supposant pour sa concrétisation une nette volonté politique de changement, loin du juridisme de la mentalité rentière, de la mobilisation de touts les Algériens tenant compte de leurs différentes sensibilités, et de l’urgence de la dédiabolisation du secteur privé national et international créateur de richesses.
1.- Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a présidé le 22 février 2016 un Conseil restreint consacré à la politique nationale dans le domaine du gaz avec les orientations suivantes : la poursuite et l’intensification de la prospection des ressources en gaz naturel, insistant également sur le respect des plannings d’amélioration des capacités de production des gisements déjà en cours d’exploitation, la dynamisation du programme de développement des énergies renouvelables adopté en Conseil des ministres en mai 2015, soulignant que ce programme doit être considéré comme une priorité nationale et enfin des efforts de rationalisation de la consommation nationale d’énergie en général, dont le gaz naturel, y compris à travers la consommation. Il s’agira de concrétiser ces importantes directives sur le terrain supposant une réorientation de la politique socio-économique et surtout de la mentalité bureaucratique de certains responsables habitués à dépenser sans compter.
2.- L’évolution du marché énergétique mondial ainsi que les tensions géostratégiques à nos frontières et notamment en Libye impose pour l’Algérie des stratégies d’adaptation, l’objectif étant de réaliser, grâce à une vision claire loin des replâtrages et de l’activisme du cour terme, la transition d‘une économie de rente à une économie hoirs hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Afin de concrétiser les orientations du président de la république, d’une transition énergétique, Sonatrach et Sonlegaz doivent se concentrer sur leurs métiers de base afin de réduire leurs coûts. Un exemple Tassi Air/Lines doit être rattaché au Ministère des Transports. Une entreprise nationale en dehors de Sonelgaz qui a d’autres importantes missions, souple dans son organisation, composée d’opérateurs publics/privés dans le conseil d’administration, chargé de promouvoir les énergies renouvelables me semble souhaitable, supposant d’assouplir la règle des 49/51% et des textes appropriés du fait du plafonnement du prix de l’électricité depuis 2005. C’est que l’Algérie après plus de 50 années d’indépendance exporte toujours 97/98% d’hydrocarbures avec les dérivées et importe 70% des besoins des ménages, des entreprises publiques et privées. Concernant l’énergie, un large débat national s’impose pour définir le futur modèle de consommation énergétique devant s’orienter vers un MIX énergétique.
3.- La situation est grave et la sécurité nationale est menacée. Mais il faut éviter toute vision de sinistrose car à la différence car à la différence des impacts de 1986, l’Algérie dispose d’importante réserves de change de plus de 140 milliards de dollars en février 2016 inclus les réserves d’or d’environ 7 milliards de dollars, les emprunts au FMI de 5 milliards de dollars et des dépôts en DTS et surtout d’une importante épargne intérieure. Il n’y aura pas d’explosion sociale à court terme ayant un répit de trois années, car bien qu’assistant à une déthésaurisation du fait de la détérioration du pouvoir d’achat. Dans ce cadre la décision en date du 02 mars 2016 de recourir à un emprunt national à un taux d’intérêt de 5% pour le moyen terme, comme je l’ai suggéré depuis plusieurs années peut être une solution à condition qu’il y ait maitrise de l’inflation, de la valeur du dinar et sous réserve de bons anonymes afin de drainer le capital argent de la sphère informelle qui contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation. En cas de dérapage accéléré du dinar et d‘un taux d’inflation réel (corrigé par les prix subventionnés) supérieur à 5%, cette mesure aura un impact mitigé, les ménages étant rationnels iront vers des valeurs refuge comme les devises, l’or ou l’immobilier.
4.- Le premier Ministre a écarté l’endettement mais à court terme. Mais en cas de persistance de la baisse du cours du pétrole, le recours à l’endettement extérieur ciblé à moyen et long terme, pour des segments créateur de valeur ajoutée et non les importations doit permettre d’atténuer la baisse des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar via la rente des hydrocarbures à plus de 701% me semble être une des solutions. Sonatrach ne peut consacrer un plan d’investissement de 100 milliards de dollars entre 2016/2020 et avoir un profit net à un cours de 50 dollars de 21 milliards de dollars et à 40 dollars un profit net de 15 milliards de dollars. Le seuil de rentabilité selon les gisements pour l’Algérie (grands, marginaux, anciens ou nouveaux) fluctue entre 15/20 dollars. Aussi, il faut cibler les segments pour assurer la rentabilité, fonction du vecteur prix international et du coût supposant un nouveau management stratégique interne pour rationaliser les dépenses, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. Nous avons deux solutions : un partenariat gagnant /gagnant avec l’international mais qui suppose un assouplissement de l’actuelle loi des hydrocarbures, soit aller vers les marchés de capitaux internationaux, Sonatrach présentant de sérieuses garanties. Cela pose problème pour Sonelgaz qui a accusé un déficit pour des raisons internes et externes ( prix plafonné) de plus de 80 milliards de dinars en 2015, cela pose problème.
5.-Mais le grand problème n’est pas seulement la baisse du cours des hydrocarbures qui sera de longue durée fonctionnant actuellement entre le budget de fonctionnement et d’équipement à plus de 110 dollars pouvant avec une rationalisation des choix budgétaires fonctionner entre 50/60 dollars le baril. Le plus grand danger est la faiblesse de vision stratégique, de visibilité et de cohérence de la politique socio-économique et la corruption qui gangrène toute la société renvoyant à la morale. Cela n’est pas propre à l’Algérie mais concerne la nécessaire refonte des relations internationales où domine la suprématie de la sphère financière sur la sphère réelle dévalorisation ce qui fait la richesse de toute Nation, le travail et la bonne gouvernance. En bref, toute analyse, loi des théories abstraites, renvoie à l’instauration de l’Etat de Droit, de la moralité des dirigeants et de la constitution d’un front social interne solide. L’Algérie, en ces moments difficiles a besoin de rassembler en ces moments difficiles tous ses enfants, tenant compte des différentes sensibilités, source d’enrichissement mutuel, au lieu de diviser sur des sujets secondaires. L’Algérie dispose des compétences lui permettant de dépasser la crise pétrolière. Il est nécessaire d’avoir une vision positive de l’avenir et d’éviter les positions et comportements défaitistes car, l’Algérie dispose de tous les atouts pour créer la richesse hors économie de la rente . L’entrave principale au développement en Algérie provient de l’entropie.
6.-En résumé, le défi majeur, est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable. En ce monde turbulent et incertain, annonçant de grands bouleversements géostratégiques militaires, politiques et économiques à nos frontières, où les batailles futures pour le développement sont conditionnées par la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, l’Algérie malgré la chute du cours des hydrocarbures, a l’ambition de ses choix nécessitant une vision stratégique du développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Une Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit annuellement quitte à aller vers la dérive sociale. Il s‘agira de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale. La justice sociale, à laquelle je suis profondément attachée , ne signifiant pas égalitarisme, source de démotivation, n’est pas l’antinomie de l’efficacité économique.
*Professeur des Universités, expert international
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