L’économie algérienne n’a jamais absorbé les montants faramineux consacrés aux équipements publics.Le peu de ressources disponibles pourrait suffire.
Le financement des investissements publics n’inquiète pas particulièrement le gouvernement algérien. Alors que nombre de spécialistes s’alarment du manque de ressources pour les investissements publics, en raison de la baisse de la fiscalité pétrolière, le ministre des finances, M. Abderrahmane Benkhalfa, espère contourner cet écueil sans trop dégâts. Mais il n’arrivera pas à ce résultat grâce à une politique élaborée, ou à des décisions qu’il a prises, mais simplement à cause de l’incapacité des entreprises et de l’administration algériennes à absorber les sommes faramineuses consacrées chaque année aux équipements publics. Autrement dit, l’économie algérienne, en panne de financements, risque d’être sauvée par sa faible efficacité et par l’incapacité de ses gestionnaires à utiliser tous les crédits mis à leur disposition.
C’est ce qu’évoque M. Abderrahmane Benkhalfa, lorsqu’il parle de « capacité d’absorption » de l’économie algérienne. Certes, le ministre des finances parle d’une nouvelle démarche lancéeen vue d’arriver à «un ajustement et une optimisation des dépenses publiques». Ce qui revient à reconnaitre l’existence de gaspillages et d’une gabegie,dénoncésy compris par de nombreux membres du gouvernement. Mais dans le même temps, M. Benkhalfa insiste. Le gouvernement maintiendra la commande publique dans un seuil conforme aux « capacités d’absorption » de l’économie algérienne, dit-il.
Effet d’annonce
Explications : le gouvernement avait pris pour habitude d’annoncer de grands projets d’équipement.Il était d’abord obnubilé par l’effet d’annonce. Politique de prestige, propagande, moyen d’appâter partenaires algériens et étrangers, tout rentrait dans cette politique. Mais au final, seuls deux tiers des projets engagés étaient effectivement réalisés. Il suffit par exemple de rappeler que le projet d’autoroute est-ouest, annoncé pour être achevé au cours du second mandat du président Abdelaziz Bouteflika, a débordé sur le quatrième mandat !
Cet écart endémique entre ce qui est projeté et ce qui est réalisé a toujours miné l’économie algérienne. Connu sous le nom de « reste à réaliser », il a atteint une ampleur sans précédent quand le président Bouteflika a commencé à lancer des plans d’équipements sans commune mesure avec les capacités du pays. Sur une décennie, entre 2004 et 2013, 166 milliards de dollars avaient été budgétisés mais non décaissés, avait révélé un haut responsable de la Direction générale de la prévision et des politiques (DGPP) du ministère algérien des Finances. Cela représentait neuf pour cent du PIB de l’année 2013.
Avoir les pieds sur terre
M. Benkhalfa évalue la capacité d’absorption et de réalisation de budgets d’équipement dans une fourchette allant de 2.400 à 2.500 milliards de dinars par (24 à 25 milliards de dollars). Durant les années précédentes, alors que les crédits d’équipement étaient supérieurs, ces chiffres n’ont jamais été atteints. Il manquait toujours un bon tiers. Aujourd’hui, le gouvernement est en mesure de débloquer des montants à hauteur de ce qui était annoncé dans les fastes, ce qui mettrait l’économie algérienne à l’abri.
Parallèlement à cela, le gouvernement mise sur quelques mesures pour améliorer ses recettes et s’offrir une marge de sécurité. Augmenter certaines taxes, réduire des subventions, laisser glisser le dinar pour augmenter la fiscalité pétrolière, sont autant de mesures pouvant jouer dans le même sens. Si entretemps, les gaspillages et la corruption pouvaient être réduits, les ressources disponibles peuvent se montrer suffisantes. Ce qui, au final, peut donner raison au ministre de l’économie quand il déclare que le gouvernement n’a pas besoin de revoir à la baisse ses projets d’équipement.