L’industrie automobile, présentée comme étant la locomotive de la « réindustrialisation » du pays aussi bien par les différents Gouvernements Sellal que par l’actuel vit déjà sa première crise. Entamant à peine sa troisième année, elle bute sur ses contradictions qui commencent déjà à entraver son développement.
L’épisode du Groupe Tahkout qui a été accusé de faire « de l’importation déguisée » n’est finalement que le symptôme d’une crise qui risque de mettre fin aux « ambitions » industrielles du Gouvernement algérien et de ses alliés parmi les opérateurs économiques. Experts et économistes sont quasi unanimes sur ce point : pour être compétitive, une usine automobile doit produire au moins 100 000 véhicules par ans et pour être viable elle doit destiner l’essentiel de sa production à l’exportation. Or, c’est loin d’être le cas en Algérie, ce qui laisse penser que « la locomotive de la réindustrialisation » risque à tout moment de tomber en panne. Samir Bellal, économiste considère que le ministre du de l’Industrie et des mines a raison de dire que c’est davantage « d’importation déguisée » que d’industrie qu’il s’agit. « Les usines automobiles installées chez nous sont conçues pour mourir par ce qu’elles ne produisent pas assez pour être compétitives. Elles n’étaient pas conçues pour être compétitives, mais juste pour satisfaire le marché local. Pour être complétive, une usine automobile doit produire au moins 100 000 véhicules par an, voire le double dans certains cas. Il n’y a aucun intérêt à installer une usine qui produit 30000 véhicules an », affirme-t-il en soulignant que « ce type d’usine ne fait que pomper les ressources en devises du pays ». Samir Bellal estime par ailleurs qu’ « une usine automobile n’a d’intérêt que si elle destine l’essentiel de sa production à l’exportation ».
Importation déguisée
Ces préoccupations semblent largement partagées par le ministre de l’Industrie et des mines même si Mahdjoub Beda, qui laisse croire que le Gouvernement a fourré le pied dans une vraie pétaudière. En effet, il a déclaré le 2 juillet dernier, en marge de la cérémonie de clôture de la session 2016/2017 du Conseil de la nation et de l’Assemblée Populaire Nationale, que «nous allons réévaluer l’activité du secteur de l’automobile car le taux d’intégration de l’activité d’assemblage et de montage de véhicules n’a pas atteint le niveau souhaité », en précisant qu’il s’agit là d’une bonne raison de « penser arrêter cette activité ». Le Gouvernement peut-il aller jusque-là et remettre en cause le projet qu’il a présenté comme étant la locomotive de l’industrialisation du pays ? « Si l’intention du Gouvernement de stopper cette activité se confirme, elle ne peut s’expliquer que par sa « surprise » de constater que ces usines de montage coûtent cher en termes d’importation de composants, outre qu’elles causent un énorme manque à gagner pour le Trésor, » analyse Samir Bellal qui constate que le problème fondamental, c’est que, à l’origine, nous avons une conception « physique », « matérielle » de l’industrialisation. « L’industrie automobile est une activité comme une autre. Elle obéit, comme toutes les autres activités, aux lois du marché. Notre problème, c’est que nous n’arrivons pas à nous départir de cette conception morphologique de l’activité industrielle qui consiste à ne voir dans l’industrie que l’aspect physique, technique. Nous sommes dans les mêmes schémas que ceux des années 70. Dans la conception de nos politiques industrielles, on tient compte de tous les éléments, sauf de l’essentiel: le marché. C’est en dernière instance le marché qui valide les projets ou les sanctionne », conclut-il.